L’Ethiopie espère que la paix avec l’Erythrée amènera la prospérité

21 juillet 2018 12:31 Mis à jour: 21 juillet 2018 12:42

Dix-huit ans après la fin du conflit sanglant entre l’Éthiopie et l’Érythrée

L’ancien carrefour commercial de Zalambessa est aujourd’hui encore un avant-poste endormi, jonché de gravats et traversé par une route qui ne mène nulle part. Mais, pour cette ville frontalière, l’horizon s’éclaircit depuis la conclusion début juillet d’un accord entre les deux pays d’Afrique de l’Est qui fait naître l’espoir d’une reprise du commerce.

« Cela ne fait aucun doute », affirme Tirhas Gerekidan, coiffeuse dans cette ville de l’extrême nord de l’Éthiopie. « Si la route est rouverte, les choses vont changer. »  Ancienne province et unique façade maritime de l’Éthiopie, l’Érythrée a fait sécession en 1993 au terme d’une guerre d’indépendance de trente ans.

Au cours d’un second conflit déclenché en 1998 par une dispute frontalière, l’armée érythréenne avait envahi Zalambessa, première ville éthiopienne sur la route reliant Asmara à Addis Abeba. La ville avait alors été « méthodiquement rasée », selon les mots de l’évêque de Zalambessa, dans une lettre envoyée en 2003 au secrétaire général des Nations unies.

Un traité de paix a mis fin aux combats en 2000, mais l’espoir de voir la frontière rouvrir avait été écorné, deux ans plus tard, par le refus éthiopien d’appliquer une décision soutenue par l’ONU sur le tracé de la frontière.  Depuis, la route reliant Zalambessa à l’Érythrée est restée bloquée par l’armée, l’activité commerciale n’est jamais revenue.

L’Éthiopie sans  port maritime

Sans accès aux ports érythréens, l’Éthiopie s’est tournée vers Djibouti pour opérer son commerce maritime et a massivement investi, entre autres infrastructures, dans une ligne ferroviaire reliant sa capitale à ce pays. Mais, confronté à une dette grandissante et à un déficit en devises étrangères, le nouveau Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, a annoncé en juin d’importantes réformes économiques, dont l’ouverture du capital de grandes entreprises publiques telles qu’Ethiopian Airlines et Ethio Telecom.

Si ces réformes et la reprise des relations avec l’Érythrée n’étaient pas nécessairement liées, elles pourraient toutefois contribuer toutes les deux à dynamiser l’économie éthiopienne, estime Getachew Teklemariam, consultant et ancien conseiller du gouvernement d’Addis Abeba.  « Le rapprochement va alléger la part de ressources consacrée depuis des années au renforcement de la puissance militaire », relève-t-il.

Côté éthiopien, où le taux de croissance est l’un des plus élevés d’Afrique, les petites comme les grandes entreprises devraient bénéficier de la réouverture de la frontière.  Mais les analystes estiment que l’Érythrée, devenue l’un des États les plus fermés de la planète sous le régime du président Issaias Afeworki, pourrait ne pas profiter de ces retombées économiques.

« Le potentiel de cet accord en matière de revitalisation de son économie est énorme », souligne Seth Kaplan, un enseignant de l’Université américaine Johns Hopkins qui a travaillé sur l’économie érythréenne. « La grande inconnue est de savoir ce qu’ en fera M. Issaias ».

La politique économique de l’Érythrée a étouffé l’entrepreneuriat

Après le rejet de l’accord frontalier par l’Éthiopie, l’Érythrée a mené une répression massive contre ses dissidents, qui a notamment eu pour conséquence de dissuader les investissements.  « L’Érythrée a fait quasiment tout ce qui était possible pour empêcher les investissements étrangers », confirme Seth Kaplan.

La répression policière a entraîné des arrestations et étouffé l’entrepreneuriat tandis qu’un service militaire illimité, comparé par les Nations unies à de l’esclavage, était instauré. Des centaines de milliers d’Érythréens ont fui à l’étranger, dans le but notamment d’échapper à cette circonscription obligatoire.

M. Issaias, qui justifiait ce service militaire par la nécessité de protéger le pays contre la menace éthiopienne, ne s’est pas exprimé sur l’avenir de ce système depuis la réconciliation avec Addis Abeba. Selon M. Kaplan, les chances sont maigres de voir l’Erythrée adoucir sa politique intérieure ou devenir plus accueillante à l’égard des étrangers, mais le pays devrait en revanche ouvrir aux investissements deux de ses secteurs les plus prometteurs : les mines et les ports.

Nécessité d’infrastructure  des ports et des routes en Érythrée

L’Ethiopie ne cache pas son intérêt pour les ports érythréens d’Assab et de Massawa, les plus rentables du pays, mais ces infrastructures se seraient fortement dégradées depuis la guerre, prévient Getachew Teklemariam.  Des travaux de rénovation de la route menant au port d’Assab ont cependant démarré, rapportait mardi 17 juillet la radio-télévision proche du pouvoir éthiopien Fana.

Par ailleurs, ajoute Getachew Teklemariam, le commerce entre l’Ethiopie et l’Erythrée faisait face avant même le début de la guerre à de nombreuses difficultés. Ainsi, la manipulation par Asmara de sa monnaie, le nakfa, avait contribué à l’éclatement du conflit frontalier.  « Je crains qu’aujourd’hui, même après toutes ces années, notre capacité réglementaire ne soit pas assez forte pour éviter ce type de malversations », poursuit M. Getachew.

Malgré ces défis, les habitants de Zalambessa espèrent avec impatience la reprise des échanges afin de voir leur ville prospérer à nouveau.  « Quand d’autres gens écoutaient de la musique, nous écoutions le bruit des armes », se souvient Taema Lemlem, le tenancier de café. « Etre ouvert c’est toujours mieux que d’être fermé, et la paix c’est toujours mieux que la guerre. »  

DC avec AFP

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