L’avenir religieux de l’Ukraine en passe d’être tranché par Constantinople

10 octobre 2018 16:04 Mis à jour: 10 octobre 2018 16:30

La possible reconnaissance d’une Eglise ukrainienne indépendante de Moscou est au menu d’un saint-synode du patriarcat de Constantinople qui s’est ouvert mercredi à Istanbul, une décision susceptible de provoquer des troubles, a averti la Russie. Les orthodoxes en Ukraine sont divisés : une partie appartient à l’Eglise rattachée au Patriarcat de Moscou et une autre partie est fidèle au Patriarcat de Kiev, autoproclamé après l’indépendance du pays en 1992, et qui n’est reconnu aujourd’hui par aucune Eglise orthodoxe dans le monde.

C’est au Patriarche Bartholomée de Constantinople, basé à Istanbul en Turquie et « premier parmi ses égaux » par rapport aux autres patriarches des Eglises orthodoxes, de trancher, après une demande officielle du Patriarcat de Kiev, soutenue par les députés ukrainiens, d’être reconnu comme une Eglise à part entière dans le monde orthodoxe. Lors de ce synode, qui doit s’achever jeudi, deux émissaires de Constantinople dépêchés en Ukraine en septembre exposeront les résultats de leur mission et les contacts qu’ils ont eus sur place.

La mission de ces émissaires à Kiev, dont Moscou n’avait pas été averti, avait été interprétée comme le préambule d’une reconnaissance par Constantinople d’une Eglise orthodoxe ukrainienne indépendante. L’un des deux émissaires, l’archevêque américain Daniel, avait d’ailleurs affirmé sur place le 17 septembre que la création d’une Église orthodoxe ukrainienne indépendante était d’ores et déjà « décidée ». Furieux, Moscou avait rompu une partie de ses liens avec Constantinople, dénonçant un « coup dans le dos » de la part d’un Patriarcat avec qui les relations étaient déjà difficiles et menaçant de couper tout contact en cas de reconnaissance d’une Eglise ukrainienne indépendante.

Le Patriarche russe Kirill, considéré comme un allié du président Vladimir Poutine, s’oppose fermement à la volonté d’indépendance du Patriarcat de Kiev, qu’il assimile à une « catastrophe » et à un « schisme » dans le monde orthodoxe. Si le Patriarcat de Constantinople est le plus ancien, c’est celui de Moscou qui compte le plus grand nombre de fidèles et de paroisses. La perte de son influence en Ukraine porterait un coup sérieux à son statut dans le monde orthodoxe. En Ukraine, l’Eglise dépendante du Patriarcat de Moscou est la plus importante communauté religieuse par le nombre de paroisses, mais les Ukrainiens sont de plus en plus nombreux à rejoindre l’Eglise du Patriarcat de Kiev.

Selon un sondage réalisé par l’organisation américaine International Republican Institute (IRI) en mai-juin 2018, 36 % des Ukrainiens s’identifient comme fidèles du Patriarcat de Kiev, contre 19 % pour l’Eglise rattachée au Patriarcat de Moscou. Souvent tendues, les relations entre ces deux Eglises ont été exacerbées avec la crise russo-ukrainienne marquée par l’annexion de la Crimée par la Russie en mars 2014, suivie du conflit dans l’Est séparatiste pro-russe de l’Ukraine, qui a fait plus de 10.000 morts. Alors que la reconnaissance d’une Eglise orthodoxe indépendante semble imminente, Moscou a averti mercredi que des troubles se produiront probablement en Ukraine si une décision en ce sens était annoncée.

« Nous assistons déjà à la saisie illégale d’églises orthodoxes en Ukraine. Les croyants sont sur la défensive », a déclaré le métropolite Hilarion, en charge de la diplomatie du Patriarcat de Moscou. « Nous pouvons imaginer ce qui se passera si ces usurpations sont officiellement approuvées par les autorités et si elles prennent un caractère systématique. Bien sûr, les gens sortiront dans la rue et défendront ce qui est sacré pour eux », a-t-il ajouté. Le président ukrainien Petro Porochenko a multiplié les critiques ces derniers mois contre la branche de l’Eglise orthodoxe loyale à Moscou, allant jusqu’à la qualifier de « menace directe à la sécurité nationale ».

L’Eglise ukrainienne rattachée au patriarcat de Moscou, qui compte des milliers de fidèles dans le pays, a de son côté dénoncé une ingérence de l’Etat dans les affaires religieuses. Certains ecclésiastiques de paroisses fidèles à Moscou en Ukraine ont exhorté leurs fidèles à se rassembler pour prendre la défense de leurs églises. Le métropolite de Potchaïv, dans l’ouest de l’Ukraine, a ainsi appelé ses paroissiens, dans un communiqué diffusé sur internet, à « se tenir prêt à défendre » le monastère.

D.C avec AFP

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