Aide sociale à l’enfance et prostitution : deux départements poursuivis par des familles pour « défaillances graves »

Par Epoch Times avec AFP
1 mai 2025 17:10 Mis à jour: 1 mai 2025 17:22

Les départements de l’Essonne et des Bouches-du-Rhône ont été « mis en demeure » pour « défaillances graves » de leur Aide sociale à l’enfance (ASE), à l’initiative de deux familles dont les enfants se sont prostituées, a indiqué mercredi à l’AFP l’avocat à l’origine de la démarche.

« Nous leur avons adressé un recours préalable », sorte de « mise en demeure » avant le lancement d’une procédure judiciaire, a précisé Me Michel Amas au sujet de cette initiative révélée par France Info. « Pourquoi ? Parce que les enfants placés sont censés être protégés, or ce n’est pas le cas. »

« Scandale d’État »

Ilona a été placée en foyer à 12 ans et a été menacée dès le début par une fille plus âgée pour qu’elle se prostitue, rapporte BFMTV. « Clairement, non, je ne voulais pas. Elle est venue me voir en me disant si tu ne veux pas te prostituer, tu vas te faire frapper, tu vas te faire séquestrer », a témoigné Ilona qui s’est prostituée pendant deux ans. « C’était de tout âge, de tout métier. Des papys, des tontons, des papas, des frères… » « Ils (les éducateurs ndlr) entendaient qu’on se prostituait, mais ils n’ont rien fait”, accuse-telle.

« Nous sommes face à un scandale d’État, il n’est pas acceptable aujourd’hui en France que des enfants de 12 ans se prostituent alors qu’ils sont placés sous la protection de l’État », affirme Michel Amas, avocat d’Ilona et de sa mère.

Dans les courriers adressés aux présidents des conseils départementaux des Bouches-du-Rhône et de l’Essonne, datés de mardi et consultés par l’AFP, l’avocat au barreau de Marseille évoque le parcours de deux mineures placées à l’ASE et qui se sont prostituées.

Sont notamment demandées une reconnaissance publique des « erreurs commises » et une indemnisation symbolique de 1 euro dans un délai de 15 jours. Dans le cas de l’Essonne, le département est en outre sommé d’annoncer les « mesures correctives » qu’il envisage pour remédier à « ces graves dysfonctionnements ».

Dans un communiqué transmis à l’AFP, le département de l’Essonne a indiqué que son président François Durovray allait lancer « une enquête administrative pour connaître et garantir la sécurité des jeunes enfants et apporter toutes les réponses attendues ».

« Cette enquête permettra aussi de savoir si toutes les conditions de sécurité et de protection des enfants sont réunies », a ajouté le conseil départemental, assurant que la protection de l’enfance était « une priorité absolue ».

Sollicité par l’AFP, le département des Bouches-du-Rhône n’a pas réagi dans l’immédiat.

Me Amas a indiqué qu’un recours préalable similaire serait adressé dans un second temps au département des Yvelines. Contacté par l’AFP, ce dernier n’a pas souhaité faire de commentaire.

Le garde des Sceaux veut renforcer les contrôles des structures

« Les présidents de départements sont des coupables faciles quand tout le monde tourne les yeux », pointe le président de Départements de France, François Sauvadet, cité dans un communiqué de l’association mercredi soir.

« La violence qui gangrène notre société ne s’arrête, hélas, pas aux portes de nos structures. Elles sont le reflet de tous les travers de notre époque, la prostitution en fait partie », ajoute l’association.

« Plus que d’indignations légitimes ou sélectives, la protection de l’enfance a besoin d’être confortée », ajoute l’organisation, qui par ailleurs « prend note de la volonté du garde des Sceaux de renforcer les contrôles des structures accueillant des enfants placés » et de « la prise de conscience des difficultés » par le Parlement.

Il faut que « l’État se réinvestisse, d’urgence, dans ses missions régaliennes de santé, d’éducation et de sécurité, pour le bien des enfants », ajoute-t-elle.

Des victimes posent devant le palais de justice avant l’ouverture du procès de 19 personnes pour des actes de maltraitance sur des enfants placés dans des familles d’accueil non agréées, à Châteauroux, le 14 octobre 2024. Un procès de 19 personnes s’ouvre au palais de justice de Châteauroux, notamment pour des faits de maltraitance sur une vingtaine d’enfants placés dans des « familles d’accueil », par l’Aide sociale à l’enfance (ASE), qui n’ont en réalité jamais obtenu d’agrément officiel. (Photo JEAN-FRANCOIS MONIER/AFP via Getty Images)

Plus d’une dizaine de rapports depuis 2022

Le secteur de l’ASE (ex-Ddass) vacille depuis plusieurs années, ébranlé par un manque de budget, une pénurie de professionnels, un épuisement des acteurs de terrain et une justice saturée.

« La prostitution a toujours existé mais pas à ce point : le nombre, l’âge des jeunes filles et des garçons aussi », alerte la patronne du parquet des mineurs de Marseille, citée par la journaliste Charlotte d’Ornellas. Notre confrère relève plusieurs raisons expliquant ce phénomène : les criminels délaissent le trafic de stupéfiant devenant plus dangereux pour investir ce secteur, la facilité des transactions grâce aux réseaux sociaux et les locations ponctuelles qui anonymisent le crime. Mais il y a forcément plus, ajoute-t-elle, évoquant la chute de la morale commune élémentaire, « celle qui nous fait horreur ». Les acteurs pénaux décrivent d’un côté « des proxénètes très jeunes attirés par l’argent facile incapables de distinguer le bien du mal dans leurs raports humains, de l’autre de toutes jeunes filles fracassées parfois elles-mêmes incapables de s’identifier comme victimes ou devenant à leur tour recruteuses ou proxénètes ».

Depuis 2022, plus d’une dizaine de rapports ont été publiés pour alerter sur la situation et exhorter l’État et les départements, qui ont compétence en la matière depuis les années 1980, à agir.

Mi-avril, une plainte a été déposée contre la France auprès du comité des droits de l’enfant de l’ONU pour « violations graves et récurrentes » des droits des mineurs confiés à l’ASE.

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