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Pourquoi le Parti Communiste Chinois défie la Démocratie

Écrit par He Qinglian1
30.11.2012
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  • La police anti-émeute (accompagnée de voyous et de gangsters, à en croire les villageois) a effectué une descente dans le département de Yangshan, Province de Guangdong sur des villageois, le 12 Juillet, après que ces derniers eurent coincé 80 policiers et cadres du Parti dans un entrepôt. Les villageois disent que les fonctionnaires avaient volé leur terre pour ensuite la louer à une compagnie minière et en tirer profit. (Weibo)

A la cérémonie d’ouverture du 18ème Congrès National du Parti Communiste (PCC), le chef sortant du Parti Hu Jintao déclarait, «Nous ne suivrons pas la voie fermée et rigide du passé, et nous ne pouvons pas non plus prendre la voie perverse d’un changement de bannière». Cette déclaration a déçu ceux qui attendaient des gestes en direction de réformes politiques, alors que certains médias et individus tournaient les yeux pleins d’espoir vers le nouveau  chef du Parti, Xi Jinping.

Une soi-disant réforme, qui a depuis toujours été la manière dont le régime s’arrange pour survivre aux crises, survient habituellement sous couvert d’une ou plusieurs des situations suivantes: les filières de profit du régime se trouvent bloquées; la fondation du régime est affaiblie; la résistance opposée par la société est hors contrôle; ou le régime se trouve sous une pression externe énorme.

La Chine jouit en ce moment d’un environnement international très favorable et le régime connaît peu de pression externe. Mais, en ce qui concerne les trois premières situations, le Parti a encore des remèdes.

Filières de profit

A la fin des années 1990 la Chine entama une période ⎯ qui se poursuit encore aujourd’hui ⎯ dans laquelle les gens de pouvoir se mirent implacablement à piller des fortunes présentant peu de risque. Le système en cours en Chine assure le contrôle total du groupe d’intérêt du Parti sur toutes ressources de l’Etat au nom (ou pour le bénéfice) du peuple. (Les ressources incluent aussi bien la terre urbaine et rurale, les forêts, rivières, mines, et autres ressources naturelles, que les droits de décision pour certaines industries particulières).

L’Etat décide ensuite de quelle manière assigner un revenu à partir de ces ressources publiques. La part que  l’Etat chinois prélève sur un PNB, en constante augmentation, s’est accrue d’un quart à un tiers. De cette manière, les biens publics sont devenus une source de richesse pour quelques privilégiés ainsi que pour ceux qui leur sont proches.

Dans les deux dernières décennies, la croissance de la Chine est venue principalement de la terre, l’activité minière, les services financiers et le marché boursier, tandis que les projets publics fournissaient de nombreuses opportunités de soudoyer les fonctionnaires. Des «aristocrates rouges» et officiels de province jusqu’aux cadres de village, chacun dans le système s’est employé à exploiter ces ressources publiques.

Actuellement, les riches et les puissants, autant que les fonctionnaires d’Etat, continuent à avoir un accès facile à  de telles ressources. Les retraités sont protégés par ceux qu’ils ont promu et à qui ils ont été bénéfiques, tandis que les nouveaux-venus peuvent se greffer sur la chaîne alimentaire et en tirer profit.

Le PCC est celui qui crée les règles, autant joueur dans cette partie de Monopoly, que juge du comportement de marché. Qui plus est, le PCC a de longue date formé une alliance scélérate de pillage dans laquelle un cadre de village peut aisément détourner des centaines de millions, tandis qu’un fonctionnaire départemental pourra entretenir des douzaines de maitresses. Pourquoi diable voudraient-ils changer un système aussi rare qui protège ses propres membres?

Par conséquent, les remarques de Hu portant sur l’idée de ne pas prendre «la voie fermée et rigide du passé» exprimait la pensée du groupe des privilégiés. Du temps de Mao, alors que le gouvernement contrôlait toutes les ressources, les fonctionnaires ne bénéficiaient pas d’un marché au sein duquel ils pouvaient troquer le pouvoir contre de l’argent, et l’écart entre les fonctionnaires supérieurs et le peuple était alors moindre.

Mais maintenant le fossé s’est élargi de façon exponentielle sous la combinaison actuelle d’une règle totalitaire et d’une économie de marché, étant donné que le régime garde toutes les ressources du pays sous une coupe serrée. Dans un tel système, les officiels s’acoquinent opportunément avec les milieux d’affaires afin d’échanger pouvoir contre richesse, pour ensuite cacher cette richesse à l’étranger. Les élites de la puissance et du privilège ont accumulé une fortune suffisamment vaste pour assurer des vies luxueuses sur plusieurs générations.

Pour ces gens, il est tout simplement autodestructeur de vouloir combattre la corruption ou de rechercher la démocratie, la séparation des pouvoirs, la liberté de la presse, des élections, ou la transparence sur les revenus des fonctionnaires. Ceci dit, la déclaration de Hu est une manière intelligente d’apaiser le Parti.

Elargir la base

Les «réformes politiques» dans le lexique du PCC sont essentiellement des mesures destinées à renforcer sa domination, telles que par exemple augmenter le nombre des membres du Parti, autoriser des propriétaires d’entreprises privées à rejoindre le Parti et établir des succursales du Parti dans des sociétés privées étrangères.

La contribution de l’ex-Chef du Parti Jiang Zemin à l’idéologie communiste, appelée les «Trois Représentants,» a fait passer le PCC de la représentation des trois classes révolutionnaires: travailleurs, paysans et soldats, à une  représentation de trois intérêts-clefs: le développement de forces productives avancées (en direction des élites économiques, de la classe moyenne urbaine, des intellectuels et des experts de la haute technologie), l’orientation vers une culture chinoise avancée (c.-à-d., promouvant matérialisme et consumérisme), et les  intérêts de la vaste majorité du peuple chinois.

Depuis que Jiang a avancé sa théorie, le PCC a mis tous ses efforts à construire une fondation sociale nouvelle. Tous les niveaux du Congrès du Peuple, la Conférence Consultative Politique Chinoise et les huit «partis démocratiques», financièrement soutenus par le PCC, sont devenus depuis des clubs politiques que le PCC utilise pour recruter des élites d’affaires, culturelles et sociales.

En même temps, le PCC a accéléré l’expansion du Parti, en particulier auprès des étudiants de faculté. Au moment où démarrait le 18ème Congrès, il y avait 82.602 millions de membres du Parti -plus que la population totale du Royaume Uni et de la France.

Les Chinois voient l’adhésion au Parti comme un ticket ouvrant la porte des privilèges. Liang Wengen, président du Groupe Sany et membre du noyau central du Parti Communiste, a dit au cours d’une interview durant le 18ème Congrès du Parti: «En Chine, si un jeune homme est membre du Parti Communiste, il lui est plus facile de se trouver une petite amie. La plupart des épouses de membres du Parti sont plus belles que celles de non-membres du Parti».

Les commentaires de Liang sont devenus une plaisanterie populaire sur internet. Mais ce que Liang exprimait véritablement c’est que:

1. En Chine, l’argent n’est pas tout. C’est le Pouvoir qui l’est. Donc les élites des affaires doivent se fier au PCC, parce que les entrepreneurs qui ont du succès comme Liang auront besoin de la protection du PCC. 2. C’est seulement en devenant membre du Parti qu’un Chinois ordinaire obtiendra un ticket pour le pouvoir.

3. Les gens (potentiellement) puissants sont les prix à gagner dans le marché du mariage. Mais, encore une fois, il faut rejoindre le Parti pour devenir puissant.

Comment un organisme aussi massif, uni par les bénéfices matériels peut-il cesser d’abuser de son pouvoir en échange d’un maximum de profits? Comment un parti politique ainsi obsédé par l’intérêt personnel peut-il penser au-delà de ses propres profits et prendre en considération le peuple et le futur du pays?

Résolus à ne faire aucun compromis

Les initiés à Pékin ont révélé avant le 18ème Congrès du Parti que beaucoup des fonctionnaires supérieurs du Parti (y compris les cadres supérieurs du Parti à la retraite) déclaraient, «Et bien je ne vais tout simplement pas changer. Que pouvez-vous y faire?». Ceci indique que le PCC ne s’embarrasse plus de justifier ses décisions politiques et de prouver sa légitimité. Il n’est désormais plus guère différent d’un parrain de la Mafia.

Selon moi, l’assurance du PCC à ne faire aucun changement est fondée sur les éléments suivants:

D’abord, la propagande du Parti a prêché en continu la doctrine selon laquelle: «la Chine dégringolera dans le chaos sans  la direction du PCC». Le niveau inférieur de la société et les régions les plus pauvres sont devenus une telle jungle que les  classes moyennes et semi-bourgeoises se sentent de plus en plus exposées. Entre un Etat violent et une populace violente, elles préfèrent le premier.

Deuxièmement, le PCC est confiant dans le fait d’avoir préparé des forces armées en quantités suffisantes pour réprimer toute protestation régionale de masse.

La Chine fait face à des perspectives désastreuses sous la coupe d’un parti politique qui n’a d’autre légitimité que le «contrat du pain» (un contrat tacite mis en œuvre par le gouvernement tunisien de fournir «du pain»—essentiellement des subventions—  en contrepartie d’une déférence politique). Les membres de la société chinoise ont souffert, et vont continuer de souffrir, alors que ce système corrompu approche lentement de sa fin.

1He Qinglian est un auteur et économiste chinois très en vue. Actuellement basée aux Etats-Unis, elle a signé Les Périls de la Chine, qui concerne la corruption de la réforme économique dans la Chine des années 1990, et Le Brouillard de la Censure: Contrôle des Média en Chine, qui aborde la manipulation et la censure de la  presse. Elle écrit régulièrement sur des questions sociales et économiques de la Chine contemporaine.

Publié pour la première fois dans Droits Humains de China Biweekly.

Version anglaise: Why the Chinese Communist Party Defies Democracy

Plus de 204 718 434 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.