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Les nouveaux visages au sommet du régime chinois en 2012

Écrit par Michael Young
06.02.2012
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  • Les membres du Parti communiste chinois (PCC) et leurs délégués lors d'une séance plénière du Congrès National du Peuple à la Grande Salle du Peuple à Pékin le 15 mars 2008. Le PCC avait reconduit Hu Jintao pour cinq ans. (TEH ENG KOON/AFP/Getty Images)(Staff: TEH ENG KOON / 2008 AFP)

En 2012, le Parti Communiste chinois (PCC) aura un nouveau leader et les chefs du Parti vont une fois de plus constater qu’ils n’ont d’autre choix que de coopérer, alors même que dans les coulisses, ils se battent entre eux pour le pouvoir. Lorsqu’en 2002, Hu Jintao est devenu Secrétaire Général du PCC et a succédé à Jiang Zemin, les médias occidentaux ont constaté un transfert pacifique du pouvoir et en ont déduit que le régime chinois avait connu une évolution politique. Mais les apparences sont trompeuses. Car si M. Hu a accédé à de nouvelles fonctions en 2002, on ne lui a pas donné tout le pouvoir qui va avec.     

Le précédent établi par Deng Xiaoping

 Après la mort de Mao, les «Huit Immortels» ou les «Huit Ainés» un groupe composé de Deng Xioping et de sept autres vétérans communistes ont été au centre du pouvoir chinois, avec Deng comme chef suprême.

 

C’est ce petit groupe qui, en juin 1989, a décidé d’écraser avec des chars et des mitrailleuses l’appel des étudiants chinois pour plus de transparence et de démocratie. Il a aussi révoqué Zhao Ziyang, secrétaire général du PCC de l’époque, jugé trop favorable aux étudiants pro-démocratie. Même si Zhao occupait officiellement la plus haute fonction au sein du Parti, dans les coulisses il était soumis à la faveur ou à la désapprobation de ce petit groupe.

Aux yeux de Deng, l’une des grandes fautes commise par Zhao a été de révéler au président de l’ancienne Union Soviétique Mikhail Gorbatchev, lors d’une visite en Chine, que Deng Xiaoping avait le dernier mot sur toutes les décisions politiques. À l’époque, Deng avait déjà démissionné de toutes les fonctions qu’il occupait au sein du PCC.

 

Deng a créé dans le pouvoir chinois un précédent qui depuis est devenu une sorte de tradition: les grands leaders du PCC «à la retraite» conservent assez de pouvoir pour choisir la nouvelle direction du Parti et la contrôler jusqu’à leur propre disparition.

Deng a commencé une autre tradition qui consiste à choisir le successeur de son successeur afin de s’assurer que sa famille politique sera hors de danger longtemps après sa mort. Deng a ainsi choisi Jiang Zemin pour succéder à Zhao Ziyang et il a aussi choisi Hu Jintao pour ensuite remplacer Jiang Zemin.

Jiang a suivi l’exemple de Deng et a choisi Xi Jinping pour succéder à Hu Jintao. Durant toutes ces années, il a continué à avoir voix au chapitre sur toutes les décisions importantes prises au sein du PCC. En contraste avec la discrétion de Deng, à chaque occasion, Jiang a voulu montrer au public qu’il détenait toujours les rênes du pouvoir. Il a assisté autant que possible à tous les évènements nationaux en demandant que son nom soit inscrit à côté de celui de Hu Jintao.

Les groupes se partageant le pouvoir

Dans le régime chinois, il n’y a rien qui ressemble de près ou de loin à un parti d’opposition ou à un groupe d’opposition dans le Parti Communiste. Cependant, comme partout ailleurs, les individus construisent leurs réseaux  en fonction de leurs origines et des opportunités qui leur sont offertes.

Depuis la mort de Mao, trois principaux groupes d’individus se sont partagés le pouvoir et l’influence au sein du parti.

Le premier groupe est celui des «princes». Ils sont les fils des leaders vétérans du Parti Communiste. Par exemple, Xi Jinping qui doit remplacer l’année prochaine Hu Jintao, et Bo Xilai qui fait campagne pour devenir l’un des membres du Comité permanent du politiburo, sont tous deux des princes. Leurs parents étaient des hauts dignitaires de l’époque de Mao, ils sont ainsi devenus plus puissants que des proches alliés de Deng Xiaoping.

Ils représentent aujourd’hui en Chine le groupe qui a le plus de droits, le plus de privilèges et le plus de puissance politique, et économique, avec – plus important encore – une influence majeure sur l’armée.

Les princes ont vu dans les réformes économiques de la Chine une aubaine pour s’enrichir, eux et leurs amis. Ils se pensent héritiers naturels du pouvoir politique et plus encore maintenant, conviction qui est devenue besoin avec la nécessité croissante de protéger leurs intérêts financiers.

Le deuxième groupe est appelé le Tuan Pai. Ce groupe est composé d’anciens leaders de la Ligue de la Jeunesse Communiste, l’organisation chargée de faire adhérer les jeunes générations à la doctrine communiste. Certains d’entre eux viennent du groupe des princes, mais la majorité est issue de familles ordinaires. Les personnes de ce groupe ont tendance à être politiquement sensibles et loyales envers le Parti. On y trouve les personnalités les plus charismatiques et enthousiastes de l’appareil chinois.

Le président Hu Jintao provient de ce groupe et a promu beaucoup de membres issus de ce groupe à des postes importants au sein du Parti Communiste, parmi lesquels le vice-premier Ministre Li Keqiang. Le public perçoit généralement ce groupe comme moins corrompu, mais aussi comme moins pragmatique.

La troisième catégorie est celle des technocrates. Ces membres ont un cursus en technologie, dans les sciences ou en économie. Leur ascension vers des hauts postes s’obtient par leur loyauté politique au communisme et par leurs solides compétences managériales. L’ancien Premier ministre Zhu Rongji et l’actuel, Wen Jiabo, en sont les illustrations. Pragmatiques, ils savent manœuvrer au quotidien l’énorme machine administrative, mais sont fréquemment perturbés par des décisions qui reposent sur des raisons politiques ou des luttes de pouvoir, et qui sont préjudiciables à l’économie et à la stabilité de la société. Les membres de cette catégorie n’ont que peu d’influence sur le processus d’évolution politique du Parti.

Le partage du pouvoir

Ces trois groupes ne s’affrontent pas pour le pouvoir en public. Ils ont tous compris qu’ils ont besoin les uns des autres pour garder le pouvoir et pour protéger les intérêts de leurs familles. Selon leurs propres mots, ils sont dans le même bateau et se doivent une entraide mutuelle.

Mais ce n’est pas parce qu’ils se savent interdépendants qu’ils ne luttent pas en silence entre eux pour acquérir des avantages personnels. La corruption étant partout et à tous les niveaux, chacun a un cadavre dans le placard. Lorsque l’équilibre du pouvoir est menacé, la lutte anti-corruption se révèle ainsi une arme parfaite pour se débarrasser de ses adversaires et de leurs alliés.

 Lorsque Jiang Zemin a pris la tête du Parti, le maire de Pékin, Chen Xitong, a été mécontent et s’est montré peu coopératif. Jiang a réussi à pousser le bras droit de Chen, Wang Baosen à se «suicider» avant d’emprisonner Chen pour crime et corruption.

 

Hu Jintao a, à son tour, enfermé le chef du Parti de Shanghai afin de garder le contrôle sur «le gang de Shanghai» de Jiang. Le jeu s’est arrêté lorsque tous les protagonistes ont fini par accepter de suivre la règle de non-agression mutuelle.

 

L’année prochaine, Hu Jintao va se retirer des plus hautes fonctions de président de la Chine et de secrétaire général du Parti Communiste. Il espère pouvoir imiter Jiang. Tout d’abord, conserver pendant deux ans encore le pouvoir en tant que président du Comité Militaire Central et deuxièmement choisir le successeur de son successeur.

Hu rencontre semble t-il la résistance de Jiang et de ses alliés qui ne sont pas prêts à renoncer au pouvoir qu’ils détiennent. C’est ainsi qu’en plein milieu des négociations de passation de pouvoir, le tristement célèbre Lai Changxing a été brusquement renvoyé en Chine depuis le Canada où il s’était réfugié. Lai est un criminel économique impliqué dans des actes officiels de corruption massive, dont les liens étroits avec les alliés de Jiang sont établis.

Au même moment, une chaîne de télévision de Hong Kong annonçait la mort de Jiang Zemin. Hu n’a apparemment jamais obtenu autant de pouvoir que Jiang lorsque ce dernier était en poste. L’avantage de Jiang est que Deng était mort alors que lui était encore en fonction. Jiang est par contre toujours en vie au moment où Hu se retire, ou comme les leaders communistes disent – «se met dans la deuxième rangée».

Hu pas plus que Jiang n’ont le dernier mot dans l’établissement de la nouvelle génération de dirigeants. Pour la première fois en Chine, les candidats eux-mêmes vont devoir gagner durement leur place. Par exemple, Bo Xilai, actuel chef du Parti à Chongqing et également l’un des 24 membres du Politiburo, a adopté un style de campagne à la Mao pour montrer qu’il représente le véritable esprit du Parti Communiste.

Wang Yang est le favori de Hu et dirige le Parti dans la province du Guangdong, l’une des plus avancées économiquement en Chine. Il veut montrer qu’il œuvre pour une vraie réforme qui permettra au Parti et au pays d’avancer. Récemment, il a même permis l’organisation d’une manifestation dans les rues de sa province au cours de laquelle on a scandé des slogans anti-corruption.

Quelque soit le scénario, il ne faut cependant s’attendre à rien d’autre qu’à un compromis entre ces puissants groupe d’intérêts. L’espoir d’un vrai changement au sein du Parti Communiste – s’il a existé – s’est maintenant pratiquement évaporé.

Michael Young  est  un  écrivain américain d’origine chinoise qui est installé à Washington, DC. Il écrit des articles sur la Chine et les relations sino-américaines.

Plus de 204 718 434 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.