Anglais | Chinois | Coréen | Français | Allemand | Espagnol | Japonais | Russe | Ukrainien | Hébreu | Roumain | Bulgare | Slovaque | Tchèque | Indonésien | Vietnamien
Faites un don

Le combat contre le pillage du jade au Guatemala

Une anthropologue américaine mène la charge

Écrit par John Christopher Fine, Epoch Times
25.06.2013
| A-/A+
  • Mary Louise Ridinger (gauche) et Raquel Perez révisent les preuves qu'elles ont recueillies au sujet du trafic de jade au Guatemala. (Gracieuseté de Myriam Moran)

ANTIGUA, Guatemala – On la remarque facilement dans une foule. N'importe quelle foule, n'importe où. Grande et imposante, Mary Louise Ridinger est anthropologue et archéologue. Ces quarante dernières années, elle les a passées au Guatemala où elle et son mari, feu Jay Ridinger, ont redécouvert l'ancienne source du jade maya dans la vallée de Motagua, province de Zacapa.

Il n'a pas été facile de travailler dans un pays reconnu pour sa violence du passé et sa détresse du présent. «Pendant les dix premières années, nous n'avons jamais permis à quiconque de prendre nos visages en photo. Nous avions peur d'être kidnappés», raconte Mme Ridinger.

Son mari, lui aussi très grand, portait des vêtements de safari et une grosse barbe hirsute. Leur fils fait, quant à lui, 6 pieds 8 pouces. Pas besoin de voir leurs visages pour reconnaître ces Américains transplantés dans les forêts montagneuses du pays d'Amérique centrale.

Toutefois, il fallait demeurer dans ce pays possédant une richesse inégalée : le jade. Des montagnes de jade.

«Le Guatemala est situé sur la plaque tectonique des Caraïbes. Le jade a été formé où il y a eu subduction des plaques. Le jade vert impérial est une des pierres les plus précieuses», indique Mme Ridinger. C'est dans le contexte d'un pays corrompu et prompt à l'exploitation qu'est arrivé l'inévitable : l'extraction minière illégale et la contrebande du jade.

Pour comprendre la valeur du jade, il faut comprendre la culture chinoise.

Le jade dans l'histoire

Le jade est la pierre des rois. Il était, et est encore, révéré non seulement pour sa beauté, mais aussi pour ses propriétés mystiques. En Chine, le jade est associé à l'immortalité et à l'éternité. Le jade est pratiquement indestructible. Il vient en deux formes : la néphrite, un silicate de magnésium et de calcium, et la jadéite, un silicate d'aluminium et de sodium. Les différents métaux se trouvant dans le jade lui donnent ses couleurs variées.

«En Méso-Amérique, l'or, l'argent et les émeraudes n'avaient pas autant de valeur que le jade», affirme Mme Ridinger. «L'or peut être fondu, frappé, transformé en une forme ou une autre. Le jade, pour les Mayas, représentait le matériau le plus solide et durable. Il représentait la vie, la fertilité et le pouvoir. Durant la dynastie Qing, en Chine, l'empereur réservait la jadéite d'un vert brillant à la famille royale.»

Le jade asiatique a été exploité au fil des siècles. «Il n'y a jamais eu de jade en Chine. Ils allaient dans d'autres pays pour en obtenir, comme la Corée, le Turkistan, Taïwan, le Kazakhstan, la Birmanie, le Japon et la Sibérie. Si vous comprenez l'histoire du jade, c'est une partie de l'histoire de la Chine. Ils envahissaient fréquemment d'autres pays pour le jade.»

Dévastation des ressources et des travailleurs

Il y a seulement deux endroits dans le monde où la jadéite peut être trouvée en quantité commerciale : en Birmanie et au Guatemala. Les Chinois sculptent environ 40 autres types de pierres vertes, mais il ne s'agit pas du jade. Seules la jadéite et la néphrite sont véritablement du jade, et la valeur de la jadéite est beaucoup plus élevée que celle de la néphrite.

«Ici, au Guatemala, les Taïwanais subtilisent le jade et l'envoient illégalement à Taïwan. Ils le volent des zones où je détiens un permis. J'ai un permis du gouvernement et je paie pour chaque livre de jade que j'extrais. Nous ne faisons qu'une collecte en surface», insiste Mme Ridinger.

«L'exploitation du jade à travers le monde est alimentée par la cupidité. Il n'y a que la cupidité et la destruction de l'environnement. Les femmes qui travaillent dans les mines en Birmanie sont payées un salaire de misère. C'est ce qui va arriver au Guatemala. Les nouveaux gouvernements sont en place pour quatre ans et ne comprennent pas ce qui se passe», déplore-t-elle.

Mme Ridinger s'est alors dirigée vers un mur où sont affichées des photos de leur exploitation du jade. «Voilà notre mine de jade. Il s'agit d'un champ de maïs. Les gens nous ont vendu cette propriété en 1975 et ils y plantent encore du maïs. Tout ce qu'ils font, c'est ramasser le jade, l'empiler là et nous passons le ramasser. Ils s'en tirent beaucoup mieux que les Birmans. Nos gens peuvent s'acheter des camions et des motos, ils ont leurs téléphones cellulaires et leurs propriétés. Leurs enfants vont à l'école.»

La comparaison est frappante. En Birmanie, l'exploitation du jade a détruit l'environnement et perturbé la vie des mineurs.

En pointant sur une carte, Mme Ridinger a indiqué où se trouvent les exploitations minières à ciel ouvert des Taïwanais au Guatemala. «Il n'y a plus un seul morceau de jade dans cette région. Tout est à Taïwan, illégalement.»

«Les Taïwanais sont arrivés ici avec des rétrochargeuses, de la dynamite et des armes. Je ne fais que de la collecte en surface. Durant les neuf dernières années, ce fut une joute de police et des voleurs», mentionne Mme Ridinger. «Avec les méthodes de collecte en surface utilisées par les Mayas et les Olmecs pendant des siècles, les prochaines générations de Guatémaltèques pourraient avoir du jade pour encore plusieurs siècles.»

«Nous avons transmis cette information au nouveau gouvernement. Nous lui avons dit que s'il ne met pas fin à l'exploitation minière à ciel ouvert, le Guatemala n'aura plus de jade dans cinq ans.»

«À deux reprises, j'ai réussi à me débarrasser des bandits taïwanais. Je ne veux plus avoir à le faire. J'ai travaillé si longtemps pour faire revivre une tradition perdue. J'ai aidé à ramener la sculpture ancienne du jade maya dans l'héritage du Guatemala. J'ai travaillé là-dessus alors que neuf différents gouvernements sont venus et sont partis. Il est temps pour le gouvernement de s'attaquer à ce problème avant que tout le jade ne disparaisse», plaide-t-elle.

Une bataille juridique

Mme Ridinger et sa directrice générale, Raquel Perez, ont recueilli des preuves contre le Taïwanais Marcos Wang et sa famille. M. Wang est marié à Catalina Gomez et ils ont deux filles, le nom d'une d'elles apparaît sur les documents de fret pour l'exportation du jade.

Des documents du port de Puerto Quetzal, obtenus par Mmes Ridinger et Perez, révèlent que 18 cargaisons de jade ont été expédiées entre le 11 août 2011 et le 13 novembre 2012, pour une quantité totale de 500 tonnes.

«Cela se produit depuis plus de dix ans. Nous vendons le jade à 30 000 dollars la tonne minimum. Notre prix le plus bas est 15 dollars la livre. Faites le calcul. Admettons que seulement 2500 tonnes ont été sorties clandestinement du Guatemala au cours des dix dernières années, c'est 100 millions de dollars. J'aimerais dire aux gens de Taïwan ce qu'ils ne savent pas : tout ce jade a été volé au Guatemala. Rien n'a été importé légalement», affirme Mme Ridinger.

Sa plainte déposée auprès du ministère public à Zacapa le 9 janvier 2012 accuse Marcos Wang de vol et d'exportation illégale du jade. «Voici la liste de 25 cargaisons sortant de Puerto Quetzal. Cette liste a seulement débuté en 2011. Nous avons des photos datant de 1998. Raquel et moi enquêtons sur cette affaire depuis dix ans. Nous sommes de bonnes détectives.»

Mme Ridinger qui, jusqu'à ce point, était des plus sérieuses s'est esclaffée, tout comme Mme Perez. La tension est descendue d'un cran alors qu'elles ont révisé l'étendue du trafic illégal de jade au Guatemala et leurs efforts pour l'arrêter.

 

L'histoire de l'arrestation d'un des chauffeurs de Marcos Wang ressemble à un film de suspense.

  • Mary Louise Ridinger pose avec une roche pas ordinaire que son fils a ramassée en surface. Le jade vert impérial en son sein pourrait valoir de 10 à 15 millions de dollars. (Gracieuseté de Myriam Moran)

La surveillance

Elles savaient que Wang avait un lieu d'entreposage extérieur pour le jade extrait illégalement. Mme Ridinger et son équipe ont établi la surveillance de l'entrepôt. Elle avait été en communication avec son contact au ministère des Mines du Guatemala. Elle avait son numéro de téléphone personnel pour l'appeler si quoi que ce soit arrivait.

Des agents de surveillance ont alerté M. Ridinger qu'il y avait du mouvement sur le lieu. Un camion était en train d'être chargé. Mme Ridinger a dit à ses hommes de suivre le camion et de l'informer sur son emplacement. Elle a appelé le ministère des Mines, qui a ordonné à la police environnementale d'intercepter le camion. Ils savaient que la police locale était corrompue et qu'on ne pouvait lui faire confiance.

Lorsque la police environnementale a intercepté le camion et demandé au chauffeur d'ouvrir son cargo, il a refusé. Il a menacé la police d'arrestation si elle ouvrait l'arrière du camion. Mme Ridinger a appelé son contact au ministère des Mines. Il est arrivé sur place et a ordonné l'ouverture du camion, qui effectivement transportait une cargaison illégale de jade. Le chauffeur a été arrêté, le camion et la cargaison ont été saisis.

L'histoire ne s'arrête pas là. Lorsque l'affaire s'est rendue devant un juge local, elle a été rejetée. Finalement, cependant, «l'individu dans l'entrepôt et le chauffeur ont été reconnus coupables».

«Le cas contre Marcos Wang est en attente. La police locale est incapable de le trouver. Ses voisins disent qu'ils ne savent pas où il se trouve. Un autre Taïwanais, Luis Liu, a été reconnu coupable de trafic illégal de jade. Il a été condamné à huit ans de détention à domicile», explique Mme Ridinger en montrant une édition du journal Prensa Libre qui parle des arrestations et condamnations en décembre 2012.

Persévérance

«Mary Lou est très brave», affirme Mme Perez. «Elle s'inquiète pour le Guatemala et l'avenir de son jade.»

Mme Ridinger a regardé des photos prises des dommages causés à la terre, là où le jade a été extrait par des criminels taïwanais. «L'extraction illégale ne s'est pas seulement déroulée dans tes zones autorisées, mais aussi sur ta propriété. Toutes ces pierres ont été extraites. Cette photo montre les champs où les Taïwanais ont rassemblé tout le jade qu'ils ont extrait pour le mettre sur leur camion», indique Mme Perez en regardant les photos.

«Tout ça est très déprimant», soupire Mme Ridinger. Alors que ses rencontres avec des responsables et des ministres guatémaltèques n'ont mené nulle part, ses efforts auprès de l'ambassadeur taïwanais au Guatemala lui ont valu sa promesse de poursuivre les contrevenants.

L'ambassadeur Adolfo Sun a été très actif dans le soutien aux projets d'infrastructure et à l'entrepreneuriat.

«Nous savons que l'autre trafiquant de jade, M. Lu, est de retour au pays. Il était resté à Taïwan pour travailler sur le commerce de jade. Alors que les autres ont été exposés, nous savons que cet homme, seulement connu comme M. Lu, est de retour», explique Mme Ridinger avec inquiétude.

«J'ai rencontré Adolfo Sun en novembre. Il m'a dit qu'il allait s'assurer personnellement que les trafiquants de jade aillent en prison. J'ai envoyé les preuves à l'ambassade de Taïwan à Guatemala. Je n'en ai pas réentendu parler.»

Richesse maintenant, pauvreté plus tard

La jadéite, une des pierres les plus précieuses, peut être ramassée au sol dans les montagnes reculées du Guatemala. Avec une collecte responsable, les générations futures pourront en profiter. Avec l'extraction minière à ciel ouvert pour satisfaire l'appétit asiatique pour la pierre, elle sera rapidement épuisée et laissera derrière elle la destruction de l'environnement.

«Le gouvernement du Guatemala pensait qu'il allait avoir du jade pour toujours. Cela est vrai seulement s'il y a uniquement la collecte en surface. De nouveaux dépôts apparaissent avec chaque saison des pluies. Il est exposé dans les montagnes grâce au processus d'alluvionnement et peut être tout simplement ramassé. Le Guatemala ne comprend pas la différence entre l'exploitation minière à ciel ouvert et la collecte en surface. C'est une réserve que nous devons traiter avec respect», estime Mme Ridinger.

«J'ai commencé cette industrie. Imaginez si tout le jade était à Taïwan et en Chine et que les Guatémaltèques n'avaient plus de jade. Le jade est un cadeau de Dieu au peuple du Guatemala. Cette histoire, c'est l'histoire de la cupidité. C'est une histoire internationale. Avec l'exploitation minière à ciel ouvert, les gens détruisent leur propre culture et l'avenir de leurs enfants et petits-enfants. Il est difficile pour un pays pauvre de comprendre ça.»

Raquel Perez a sorti un grand classeur contenant des photos et des preuves du trafic de jade au Guatemala, qui se poursuit pratiquement sans entrave. Mary Louise Ridinger et Raquel Perez ne cessent pas leurs efforts pour y mettre fin.

Peut-être qu'au bout du compte, si la jadéite est valorisée par les Guatémaltèques pas seulement comme pierre précieuse, mais aussi pour ses propriétés mystiques de bonne fortune, de prospérité, de longue vie, de fertilité, de santé, d'immortalité et d'éternité, alors les sources du jade seront respectées et protégées au Guatemala.

Ses efforts pour mettre fin à l'extraction illégale au Guatemala, malgré quelques arrestations de bas niveau, ont été étouffés par la corruption, croit Mme Ridinger. C'est semblable aux diamants de la guerre en Afrique. Tant que le monde ne porte pas attention à cette crise aux dimensions internationales, il ne peut y avoir de solution à long terme.

Version originale : Fighting the Tide of Jade Plundering in Guatemala

 

 

 

   

 

     

 

Plus de 204 718 434 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.