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100 photos de Ai Weiwei pour la liberté de la presse

Écrit par Michal Bleibtreu Neeman, Epoch Times
29.09.2013
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  • Un lampion rouge qu’il accroche juste en-dessous de la caméra qui le surveille, symbole de la Chine perdue maintenant dans un État policier. (Ai Weiwei)

Ai Weiwei, dissident chinois le plus médiatisé, est connu en France pour son exposition au Jeu de Paume en 2012 et pour le documentaire Ai Weiwei Never Sorry, diffusé sur Arte l’année dernière.

Ce grand artiste, qui a su faire de sa vie une œuvre d’art, se dit honoré de servir la cause de RSF. Dans cet album, il présente ses œuvres emblématiques comme Sunflower Seeds (Graines de tournesol) (2010), ainsi que des photos inédites, témoignant du quotidien d’un État policier. Un État où nul n’échappe à l’œil de Big Brother, et où les muses, au même titre que les journalistes, doivent répéter les mensonges de la propagande.

Le budget annuel du régime chinois pour la censure et le contrôle de l’État par la police secrète, nous dit Ai Weiwei, dépasse celui de l’armée. Les régimes totalitaires survivent en maintenant leurs citoyens prisonniers de l’ignorance et de la terreur qu’ils sèment. Liao Yiuw, le poète en exil, dans son texte intitulé Dans la prison invisible, dédié à cet album, explique pourquoi les Chinois sont tous prisonniers, visibles ou invisibles.

L’album propose également un texte de Lech Valesa, lauréat du prix Nobel de la paix 1983, ainsi que les textes des blogueurs – dissidents Zeng Jinyan et Hu Jia. L’album fait également appel à la photo emblématique prise par Stuart Franklin de l’homme défiant les tanks sur la Place Tiananmen.

Ai Weiwei, un artiste total, un homme total

Né en 1957, fils d’un poète qui a subi la révolution culturelle, Ai Weiwei a vécu ses 17 premières années dans un camp de travail et de rééducation où il a été témoin des humiliations subies par son père pour avoir eu ses propres opinions.

En 1981, il se trouve enfin en liberté pour faire des études à New York. Là, il rencontrera le poète Allen Ginsberg et d’autres artistes illustres de l’époque. Dès son retour en Chine, il fait partie des milieux artistiques underground. Paradoxalement, il participe à la conception du stade des Jeux olympiques, «Le Nid d’oiseau» avec les architectes Herzog & de Meuron, un projet qu’il abandonne rapidement pour appeler au boycott des Jeux olympiques.

Cependant, le réel tournant de ses relations avec le régime se situe juste après le séisme au cours duquel 5.000 enfants ont trouvé la mort dans des écoles mal construites, en raison de problèmes de corruption. Ai Weiwei décide de briser le silence imposé par le régime et part sur le lieu du drame pour enquêter, établir une liste de noms sur son blog et prendre des photos. Il réalise alors une œuvre monumentale, Remembering, faite de 9 000 cartables d’écoliers avec lesquels il écrit en chinois: «Elle a vécu sept années heureuses dans ce monde», citation des propos d’une mère.

Ai Weiwei se fait tabasser par la police et son blog est fermé. En 2011, le régime monte un dossier contre lui et l’accuse d’évasion fiscale, puis le fait disparaître comme beaucoup d’autres. Sa détention dure trois mois. Il est libéré grâce à une mobilisation internationale.

Son atelier est démoli. Il est placé sous surveillance, entouré d’innombrables agents secrets et d’autant de caméras pénétrant sa vie jusque dans son intimité la plus élémentaire. Ai Weiwei ne perd pas la tête pour autant. Sa vie est son art. Il prend en photo les agents secrets qui le poursuivent, leurs voitures, les déchets qu’ils laissent. De proie, il devient prédateur. Il ridiculise le régime avec son lance-pierre qu’il pointe vers les caméras, ou avec un lampion rouge qu’il accroche juste en-dessous, symbole de la Chine traditionnelle perdue maintenant dans un État policier.

Au-delà de l’ironie, c’est la banalité du mal saisie dans l’instant qui frappe le spectateur. Voilà ses gardiens en short, les voilà regardant leur portable, installant les caméras, mangeant, s’ennuyant, lisant, encore s’ennuyant. Rien de spécial. Ils ne font que leur métier. Aujourd’hui, ils mangent des nouilles instantanées, demain ils passeront à tabac un dissident, le feront disparaître… Et pendant ce temps, chez eux, une femme les attend peut-être.

Tout prend des mesures spectaculaires chez Ai Weiwei. Que ce soient les 9.000 cartables dans Remembering, ou les 100 millions de graines de tournesol en porcelaine peintes à la main (Sunflower Seeds), ou encore les 1.001 Chinois qu’il réussit à faire sortir de Chine pour son projet Fairytale (2007) à la Documenta de Kassel (la ville des frères Grimm). Dans cet album, c’est la banalité de l’oppresseur qui prend une dimension bouleversante.

Ai Weiwei, ce grand homme de courage intransigeant, qui trouble et défie le régime chinois, a été choisi par RSF pour porter le message de la liberté aussi bien aux Chinois qu’au reste du monde.

L’album est en vente dans les kiosques et les librairies depuis le 12 septembre et est disponible en anglais et en français sur Apple store depuis le 23 septembre. Tous les bénéfices seront versés au profit de la liberté d’information et permettront de financer les activités de l’organisation dans le monde.

  • Ai Weiwei dans l’ascenseur alors qu’il est emmené en garde à vue par la police en août 2009, Sichuan, Chine. (Ai Weiwei)

Entretien avec Christophe Deloire, Directeur général de RSF

Pourquoi avoir choisi la Chine?

Parce que c’est l’un des pays dans lequel se joue l’avenir de la liberté de l’information et que les exactions et les violations de la liberté de l’information en Chine doivent cesser.

Il faut considérer aussi que la liberté de l’information est la liberté qui permet de vérifier l’existence de toutes les autres, c’est vraiment la liberté fondamentale et il est absolument essentiel de défendre cela en Chine, car malheureusement la Chine est la plus grande prison du monde pour les acteurs de l’information.

Par ailleurs à Reporters sans frontières, on sait qu’il y a beaucoup de journalistes chinois de qualité, et on peut compter sur eux pour, à l’avenir, repousser les frontières de la liberté. Ils savent qu’il y a un certain type d’affaires sur lequel ils peuvent travailler, et que plus ils se rapprochent du cœur du pouvoir, plus ils sont empêchés de travailler. Mais ils trouvent des astuces, des moyens pour décrypter au mieux la réalité, parfois à partir d’autres formes de journalisme, comme par exemple le journalisme économique ou environnemental.

La Chine arrive, de ce point de vue, à un moment important de son histoire, avec l’élection d’un nouveau président, même si, malheureusement, on se rend compte que les actes ne suivent absolument pas les discours. Au contraire, il y a même un verrouillage extrêmement fort qui est vraiment inquiétant.

Pourquoi Ai Weiwei?

Parce que Ai Weiwei est un artiste, il n’est pas un journaliste, il n’est pas un net-citoyen d’information à l’origine, mais il a compris par son expérience personnelle à quel point la liberté de la presse est fondamentale. Il a prouvé concrètement, et notamment à l’occasion du tremblement de terre au Sichuan, à quel point le fait qu’un système totalitaire soit établi, que les Chinois soient empêchés, par le gouvernement et les autorités, d’avoir accès à une information totalement libre – on essaie de les cantonner derrière la grande muraille technologique – à quel point cela est nuisible à l’ensemble des libertés en Chine.

C’est l’avenir de beaucoup de libertés qui se joue autour de la liberté de l’information. Pour un citoyen de n’importe quel pays, ne pas avoir accès à une information libre, c’est ne pas pouvoir se comporter comme un adulte, c’est vivre dans un monde de mensonges, de manipulations, d’interdits, de silences. Or, si l’on veut être pleinement un citoyen et même tout simplement un être humain, il faut connaître le monde, le système politique de notre pays, mais aussi le reste du monde. Malheureusement, quand les médias sont cadenassés, ce n’est pas possible.

On admire le courage d’Ai Weiwei, parce qu’au-delà d’être un immense artiste, à la réputation mondiale, c’est aujourd’hui l’une des grandes figures de la dissidence, et c’est un grand honneur pour nous qu’il ait accepté d’être l’ambassadeur de notre organisation.

C’est important que des gens comme lui mettent leur notoriété et leur capacité d’influence au profit de la liberté de l’information.

Comment avez-vous choisi les photos ?

L’album intitulé 100 photos de Ai Weiwei pour la liberté de la presse contient en fait plus de 120 photos inédites pour raconter la surveillance dont il fait l’objet, ces dizaines de caméras devant son studio, ces policiers qui le suivent partout. On voit à quel point la police peut sans vergogne porter atteinte à la vie privée des gens et à la vie des gens.

L’ouvrage contient à la fois des photos qui ont été présentées dans des grandes expositions, des photos iconiques – extrêmement célèbres – et à la fois des photos de son quotidien, de la surveillance, des photos qui montrent aussi sa force mentale qui lui permet de tirer au lance-pierre sur les caméras de surveillance ou d’y accrocher des lampions pour tourner en dérision ce pouvoir qui porte atteinte à l’un des droits fondamentaux.

Pouvez-vous donner à nos lecteurs trois raisons pour lesquelles l’achat de cet ouvrage est incontournable?

Tout d’abord, c’est acheter un livre collecteur: un numéro spécial Chine de cet album 100 photos pour la liberté de la presse auquel de grands photographes du monde ont participé, là c’est Ai Weiwei, y compris des textes des gens célèbres comme le prix Nobel de la paix Lech Walesa qui explique l’importance de la liberté de l’information.

Ensuite, c’est la force d’un témoignage sur la surveillance, dont fait l’objet Ai Weiwei. C’est un reportage incroyable qui a un caractère terrible, froid, de cette surveillance et cela permet de pénétrer dans sa vie quotidienne.

Pour finir, acheter les albums de Reporters sans frontières est un acte militant, car ils permettent de financer l’activité de l’organisation partout dans le monde.

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