La mise en scène des auto-immolations manipule l’opinion publique en Chine

La fausse propagande persiste en Chine: 13 ans de rétrospective

Écrit par Matthew Robertson, Epoch Times
11.01.2014
  • En 2001, le PCC montait une scène maladroite d’u00abauto-immolations» sur la place Tiananmen dans une tentative de retourner l’opinion publique contre la pratique paisible du Falun Gong (Capture d’écran de la vidéo False Fire)

Un matin de 1971, la Chine s’est réveillée éberluée en apprenant que Lin Biao, le successeur de confiance du président Mao Zedong, avait en fait été un à la fois un «arnaqueur politique», un «intrigant» et un «homme possédant des connexions étrangères».

La presse chinoise a plus tard dit qu’il avait mis au point un plan pour assassiner Mao Zedong, mais que son projet a été contrecarré, après quoi il s’est enfui en Union soviétique. Son avions s’est crashé au cours du voyage, précisait la presse. Des photos ont été publiées sans qu’elles puissent être authentifiées. Tous les slogans révolutionnaires de Lin Biao ont été abandonnés, des rassemblements se sont organisés, des chants ont été entonnés et les journaux du Parti ont expliqué en détail pourquoi le plan du «renégat et traître» n’avaient pas été dévoilés plus tôt.

Personne ne saura jamais ce qui est réellement arrivé à Lin Biao – certains suggèrent que Mao Zedong le voyait comme une menace et l’a fait liquider – mais cet exemple fait partie des nombreux coups politiques rendus possibles par un environnement médiatique hautement contrôlé et une propagande incessante. L’histoire de Lin Biao constitue également une importante leçon au sein du monde énigmatique et souvent mortel des campagnes propagandistes du Parti communiste chinois, une forme de persuasion de masse qui existe encore aujourd’hui.

Émission «Focus»

(Voir la vidéo du documentaire False Fire)

Faisons un bond dans le temps de trente ans en avant. Le 31 janvier 2011, une semaine après le Nouvel An chinois, la plus grande fête du pays. Les familles sont toujours rassemblées, tout le monde est à la maison et après le repas, beaucoup se branchent sur la chaîne nationale China Central Television (CCTV) pour regarder l’émission d’informations d’investigation «Focus». Ce jour-là, des tracts avaient été distribués dans les immeubles résidentiels pressant les gens à regarder l’émission.

Des centaines de millions de spectateurs ont donc à nouveau été très surpris d’apprendre que ce qu’ils pensaient être une paisible pratique de qigong – le Falun Gong, aussi appelé Falun Dafa) – était en fait une «religion perverse» qui procédait à des actes d’auto-immolation. Les autorités ont diffusé un documentaire de 20 minutes, monté en une semaine, montrant de prétendus pratiquants de Falun Gong qui s’étaient immolés par le feu le 23 janvier.

Il y avait de nombreuses failles visibles dans l’histoire: allant de la logique – si l’auto-immolation faisait partie des enseignements du Falun Gong, pourquoi cela arrivait-il pour la première fois? – à l’absurde – comment le nombre d’immolés est passé de cinq dans les rapports officiels à sept une semaine plus tard? – et le pratique – Philip Pan du Washington Post a prouvé qu’au moins deux participants n’étaient pas des pratiquants de Falun Gong: les prétendus immolés portaient des vêtements ignifuges, des policiers se sont précipités sur la scène avec des extincteurs, normalement pas à portée de main directe sur la Place Tiananmen, et d’autres éléments.

Attaque des médias

Mais ces petits problèmes n’ont pas empêché les autorités de poursuivre leur plan.

Des plans ambitieux. La campagne médiatique qui s’est ensuivi dépassait de loin la campagne contre Lin Biao. Dans les jours qui ont suivi l’incident, trois, quatre voir, cinq articles ont été publiés dans chaque numéro de 24 page du Quotidien du Peuple. Au cours des 18 premiers mois de la persécution du Falun Gong qui a commencé le 20 juillet 1999, 966 articles «dénonçant et critiquant» le Falun Gong ont été publiés dans le Quotidien du Peuple. En 2001, 530 articles ont suivi.

Le Falun Gong, une méthode populaire de cultivation et pratique chinoise, a été interdit et persécuté en Chine en 1999, dans une campagne menée par Jiang Zemin – mais contrairement aux précédents mouvements politiques de masse, celui-ci a rencontré des difficultés à capturer l’imagination d’une population de plus en plus désintéressée. Les immolations ont changé tout cela.

Et cela ne s’est pas limité au Quotidien du Peuple. Au cours des recherches pour l’écriture d’un article avant le 10e anniversaire de la plus grande mise en scène politique de l’histoire de la Chine moderne, Epoch Times a exploré des bases de données électroniques et découvert que la propagande autour des auto-immolations est apparue non seulement dans les journaux, les magazines et les revues, mais aussi dans les annuaires provinciaux et nationaux, les rapports économiques, les magazines économiques, les rapports d’hygiène, les articles de chimie, es publications pour retraités, les manuels d’école primaire, les manuels de formation de professeurs et sur à peu près tous les imprimés en Chine parus en 2001 et les années qui ont suivi.

Le message le plus efficace a cependant été véhiculé par les émissions télévisées. En particulier, le Parti a monté des images du corps apparemment brûlé d’une petite fille de 12 ans et en a fait le cœur de la campagne de discrétisation du Falun Gong. Cela a convaincu de nombreux Chinois. L’authenticité des images a pourtant été remise en question, lorsque juste quelques jours après la supposée immolation et après avoir soi-disant subi une trachéotomie, la petite fille a été filmée en train de chanter, ce qui aurait dû être impossible. Mais le public chinoise n’a pas été touché par ces contradictions.

Peter Zheng, un pratiquant de Falun Gong vivant aujourd’hui dans l’Illinois aux États-Unis, se trouvait à l’époque dans la ville de Wuhu, province du Anhui. «Ils ont diffusé chaque jour, sur quasiment chaque chaîne pendant une semaine, discutant de façon conservative,» a expliqué Peter Zheng. «D’autres programmes ont été suspendus, ils ont utilisé cela comme excuse. En dehors des auto-immolations, ils diffusaient d’autres informations anti-Falun Gong, des déclarations de confession, des rapports, des enquêtes, des cas de meurtres, des analyses sous tous les angles des rapports du PCC, toutes ces choses.»

Après la première vague de saturation des ondes, le volume des rapports a diminué, mais CCTV a maintenu son rythme de rapports au sujets des auto-immolations visant à attaquer le Falun Gong.

En mars 2002, NTD Television a diffusé le documentaire récompensé intitulé False Fire analysant les contradictions dans l’histoire des immolations et après cela, les médias officiels chinois se sont «calmés», selon Sun Yajun, qui était à l’époque professeur associé en psychologie à l’Université normale de la capitale (Pékin).

En Chine, la vigoureuse propagande des décisions politiques du Parti est toujours accompagnée de la répression des voix alternatives. Dans le cas des immolations, aucune enquête indépendante n’a été autorisée, aucun accès indépendant, aucune contre-examen des prétendues victimes et aucune analyse critique dans les médias nationaux. Les articles des médias occidentaux répétaient souvent simplement ce que disaient les médias officiels chinois.

La tentative des pratiquants de Falun Gong de présenter une histoire différente de l’incident en détournant un satellite de télévision et en diffusant un documentaire, s’est terminée par l’enlèvement et le meurtre de six personnes, dont le jeune radiologue Liu Haibo, qui a reçu une matraque électrique enfoncée dans le rectum avant d’être électrocuté à mort, comme l’a raconté l’auteur Ethan Gutmann dans un rapport détaillé publié dans le Weekly Standard.

La persécution se fait accepter

Les interviews données par des gens de Chine et les rapports de la presse étrangère de l’époque indiquent l’impact du bombardement médiatique unilatéral. Martin Regg Cohn a écrit pour le Toronto Star: «La ferveur de la campagne suggère que le Parti communiste reste paranoïaque face à tout ce qui peut défier son pouvoir. Malgré son air de mise en scène – un retour aux tactiques retentissantes de la Révolution culturelle entre 1966 et 1976 – la nouvelle croisade des autorités semble avoir touché la corde sensible de la population chinoise.»

Cette campagne a eu un puissant impact. Epoch Times a interviewé une série de gens qui se trouvaient en Chine en 2001: un professeur de l’Université Tsinghua, un capitaine de bateau de la province du Liaoning, un ouvrier minier du nord-est et un enseignant en classe maternelle de la province du Anhui. Ils avaient grossièrement la même histoire à raconter. Les gens sont passés d’être favorables au Falun Gong avant la campagne de propagande à mépriser la méthode. Ils sont passés d’être souvent déroutés par la persécution à l’accepter ou même vouloir y participer.

«Si vous regardez de l’extérieur, vous pouvez voir tous les problèmes dans l’histoire,» explique Helen Nie, 41 ans, vivant aujourd’hui dans l’Illinois. «Mais dans cet environnement, vous êtes piégé, vous êtes pris par l’histoire. C’est très convaincant: les personnes impliquées sont âgées, jeunes, un enfant, un étudiant à l’université, je ne pensais pas aux points suspects. Je croyais cela et j’étais extrêmement fâchée.» À cette époque, elle avait pratiqué le Falun Gong depuis plusieurs années. Elle dit qu’elle peut imaginer les sentiments des gens qui n’avaient pas cette expérience.

Les mensonges que les médias officiels chinois ont commencé à monter contre le Falun Gong à partir du 20 juillet 1999, lorsque la persécution a commencé, étaient extrêmement «enfantins», dit Mme Nie. De nombreuses personnes rejetaient les rapports de presse qui disaient que les pratiquants de Falun Gong s’ouvraient le ventre ou devenaient subitement fous – mais ils se sont retrouvés face à une histoire plus complexe et un imaginaire plus attirant en 2001.

«C’était traître, parce que cela jouait sur la sympathie des gens,» analyse Mme Nie. «Comme les gens avaient de la sympathie pour les victimes immolées, la conséquence naturelle a été qu’ils ont commencé à haïr le Falun Gong.»

  • Des pratiquantes de Falun Gong portent les photos d’autres pratiquants décédés au cours de la persécution contre le Falun Gong en Chine, lors d’un défilé à Washington D.C. En juillet 2009. Après que le PCC ait lancé une lourde campagne de propagande contre le Falun Gong, à commencer par la mise en scène des auto-immolations sur la place Tiananmen, le nombre de pratiquants assassinés a gravement augmenté. (Dai Bing/Epoch Times)

Liu Hongchang, un mineur pratiquant le Falun Gong qui se trouvait à Pékin à l’époque et vit aujourd’hui aux Pays-Bas, avait été arrêté le 9 février, juste une semaine après la diffusion des images. La propagande continuait d’être diffusée, même dans les prisons. Les détenus et les gardes étaient vicieux, ils disaient: «Regardez, vous pensez que le Falun Gong est bon? Regardez-les!» Un capitaine de navire chinois qui se trouvait au Japon à l’époque a expliqué que les informations s’étaient aussi répandues jusque-là.

Sun Yanjun pense qu’il y avait plusieurs raisons pour lesquelles les gens ont cru à la propagande: «Les images étaient terrifiantes, ce qui a eu un impact sur les gens. Ils avaient l’habitude de regarder les informations de CCTV. Ils n’ont pas analysé et n’ont pas compris comment le PCC contrôlait tout ce qu’ils regardaient.»

«Aussi, pendant plus d’un an, la propagande du PCC a raconté aux gens que les pratiquants de Falun Gong n’étaient pas normaux et n’appréciaient pas la vie humaine. Cela a eu un impact et a ouvert la voie pour la mise en scène des immolations.»

La brutalité s’intensifie

Avec la haine sociale, le taux de violence s’est accru. En août 2001, le Washington Post rapportait que les immolations étaient un «point tournant» dans la campagne du PCC et avaient «libéré la main du Parti» pour utiliser la violence extrême contre les fidèles croyants.

«Les immolations ont eu un effet immense,» a confié une personne informée aux journalistes du Post. «Avant, la plupart des gens pensaient que la répression était stupide, comme un chien qui attrape une souris. Après que ces gens se soient immolés et que le Parti ait diffusé le visage de cette petite fille à la télévision près d’un mois sans discontinuer, la vision des gens ici a changé.»

James Ouyang a été victime des violences au début de la propagande, a rapporté le Post. Enlevé par la police, il a été «méthodiquement réduit à une «chose obéissante» après 10 jours de torture.» Il devait rester debout contre un mur et recevait des décharges électriques de haut voltage s’il bougeait.

Les décès par torture ont également augmenté après la vague de propagande des immolations. Selon le Centre d’information du Falun Dafa, il y a eu 67 décès causés par la torture en 1999, 245 en 2000 et le chiffre a grimpé à 419 en 2001. Les années suivantes, ce nombre – représentant ceux dont les noms, la date de décès et les circonstances du décès ont pu être confirmés et cela représente probablement une simple fraction du total – est resté autour de 400-500.

Une chose étrange rarement commentée dans les rapports de la propagande entourant l’incident est la divergence entre le message national et le message international: pour les journalistes occidentaux, l’événement est désigné comme une action de protestation organisée par des pratiquants de Falun Gong désespérés. Pour le public de Chine continentale, il est accepté comme un fait que dans la doctrine du Falun Gong, l’immolation est un moyen de «gagner le paradis».

Peut-être dans une tentative de faire à nouveau revivre la persécution du Falun Gong, l’agence de presse officielle Xinhua a publié une mise à jour des supposées victimes des immolations le 21 janvier juste avant la date du 10e anniversaire de l’incident. Cela a été republié par une douzaine de journaux et traduit en anglais. Aucune photo n’accompagnait l’article cette fois et les propagandistes du PCC ont changé un fait important par rapport à l’ancienne version de l’histoire: en 2001, seule une personne avait «succombé aux flammes sur place». En 2011, soudain, il y en avait deux!

Version en anglais: How a Staged Self-Immolation Manipulated Public Opinion in China

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