L’Association canadienne des professeurs d’université demande de fermer les Instituts Confucius

Epoch Times a sondé les établissements hôtes pour connaître leurs positions sur les politiques d'embauche discriminatoires

Écrit par Omid Ghoreishi, Epoch Times
13.01.2014
  • Sonia Zhao était autrefois chargée d'enseignement à l'Institut Confucius de l'Université McMaster, qui a été fermé après que Mme Zhao est allée devant un tribunal des droits de la personne pour dénoncer les pratiques discriminatoires d'embauche de l'Institut Confucius. (Gordon Yu/Époque Times)

L’Association canadienne des professeures et professeurs d’université (ACPPU) appelle les universités et les collèges à rompre leurs liens avec les Instituts Confucius qui, selon elle , sont «subventionnés par le gouvernement autoritaire de la Chine» et «fonctionnent sous sa tutelle».

L'ACPPU, qui représente près de 70 000 professionnels du domaine académique au Canada, a adopté une résolution en décembre demandant aux universités et collèges canadiens avec des Instituts Confucius (IC) de fermer ceux-ci et a également demandé à ceux qui sont en pourparlers pour en obtenir un de ne pas poursuivre leurs démarches.

«Les Instituts Confucius sont essentiellement des prolongements politiques du gouvernement chinois», a déclaré James Turk, directeur général de l'ACPPU.

«Les Instituts Confucius entravent la libre discussion des sujets jugés controversés par les autorités chinoises; aussi ne devraient-ils pas avoir leur place sur nos campus.»

Les IC, avec leurs centaines de branches dans le monde financées par le régime communiste chinois, ont pour mission officielle de promouvoir la langue et la culture chinoises. Ils sont supervisés par le Bureau du Conseil international de la langue chinoise, ou Hanban, et les agences de renseignements occidentales estiment qu'ils servent à étendre le pouvoir de persuasion de la Chine.

L'ex-directeur du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) avait déclaré que les IC sont contrôlés par les missions diplomatiques chinoises et qu'ils font partie, avec d'autres efforts du régime, des méthodes utilisées pour influencer la politique du Canada sur la Chine.

M. Turk a indiqué que l'Université du Manitoba avait refusé d'accueillir un Institut Confucius par crainte de censure politique (quoique l'université a officiellement cité des «problèmes logistiques») et l'Université McMaster a fermé son institut après le dépôt d'une plainte d'atteinte aux droits de la personne par une chargée de cours disant être victime de discrimination en raison de la politique d'embauche des IC qui empêche aux employés de pratiquer le Falun Gong.

Actuellement, parmi les établissements d'enseignement qui accueillent un IC, on retrouve l’Université de Regina, l'Université de Waterloo, l’Université Brock, l’Université de la Saskatchewan, l’Institut de technologie de la Colombie-Britannique, l’Université de Sherbrooke/Collège Dawson, le Collège Seneca, l’Université St. Mary’s, l’Université Carleton, le Toronto District School Board, l'Edmonton Public School Board, le ministère de l'Éducation du Nouveau-Brunswick et le Coquitlam School District.

Pratiques d'embauche discriminatoires

McMaster a fermé son Institut Confucius en 2013 en raison de son insatisfaction avec les pratiques d'embauche discriminatoires de l'IC en Chine.

«Les décisions d'embauche en Chine n'étaient pas prises de la façon que nous aimerions procéder pour embaucher», avait déclaré un porte-parole de l'université à l'époque.

Epoch Times avait rapporté en 2011 que Sonia Zhao, une Chinoise venue au Canada pour travailler à l'IC de McMaster, avait dû signer un contrat promettant de ne pas pratiquer la discipline spirituelle Falun Gong (aussi appelée Falun Dafa).

Le Parti communiste chinois (PCC) a lancé une campagne de persécution et de diffamation contre le Falun Gong en 1999 et elle se poursuit toujours. Le Falun Gong est une pratique de méditation enracinée dans la culture traditionnelle chinoise qui est devenue populaire auprès de dizaines de millions de Chinois dans les années 1990.

La discrimination contre le Falun Gong pratiquée par les Instituts Confucius est un prolongement de ce qui se déroule à grande échelle en Chine, où même le système d'éducation est utilisé par le PCC pour persécuter les pratiquants de Falun Gong.

La famille de Mme Zhao a été victime de persécution en Chine, alors que sa mère a été emprisonnée plus d'une fois. Mme Zhao craignait elle-même d'être punie si le régime venait à savoir qu'elle pratiquait le Falun Gong.

La règle selon laquelle les chargés de cours ne doivent avoir «aucun historique de participation au Falun Gong» avait été publiée sur le site anglophone de Hanban pendant des années, mais il a été finalement retiré après la décision de McMaster de fermer l'institut. Néanmoins, la règle est toujours affichée sur la version espagnole du site.

L'avocat Clive Ansley, en Colombie-Britannique, qui a travaillé sur des dossiers constitutionnels et relatifs aux droits de la personne, affirme que la règle est une violation de «tous les codes de droits de la personne au Canada».

L'éminent anthropologue et professeur émérite de l'Université de Chicago, Marshall Sahlins, a souligné la décision de McMaster de fermer son IC dans un article écrit pour le magazine The Nation, mais il a fait remarquer que l'université avait pris cette décision seulement après le dépôt d'une plainte et la présentation du cas devant un tribunal des droits de la personne.

M. Sahlins affirme que finalement la «position noble» de l'université de fermer l'IC a été «sapée par l'échec de l'université d'effectuer sa diligence raisonnable : l'interdiction du Falun Gong était affichée sur le site du Hanban bien avant que McMaster ait conclu une entente avec l'IC».

Réponses des établissements hôtes

Epoch Times a demandé aux établissements canadiens qui accueillent des IC s'ils étaient préoccupés par les pratiques d'embauche de ceux-ci dans la foulée des développements à McMaster.

Luigi Benedicenti, vice-président académique associé à l'Université de Regina, affirme que l'université jouit d'une «relation très productive» avec son IC et affirme appliquer ses propres politiques d'embauche qui sont libres de discrimination.

Toutefois, les chargés de cours comme Sonia Zhao, qualifiés «d'enseignants bénévoles» par l'IC, doivent signer un contrat avec Hanban avant de quitter la Chine. Bien que le terme «bénévole» soit employé, les chargés de cours reçoivent une allocation de subsistance alors qu'ils sont au Canada. Le permis de travail canadien de Mme Zhao indiquait que McMaster était son employeur.

M. Benedicenti dit qu'il ne peut commenter les contrats autres que celui de son université.

Charles Beaupré, chargé d'enseignement en langues modernes et classiques chinoises et codirecteur de l'Institut Confucius à l'Université St. Mary's, avance le même genre d’argument.

«Le processus d'embauche a lieu en Chine, donc si ces candidats qui sortent de cette structure ou programme de formation sont envoyés au Canada ou ailleurs dans le monde, nous devons comprendre que cela se déroulait en Chine, sous juridiction chinoise, et ils sont essentiellement responsables de travailler avec eux dans ce contexte», affirme M. Beaupré.

L'avocat canadien spécialiste en droits de la personne internationaux, David Matas, n'est pas d'accord. Selon lui, les établissements qui hébergent des IC «ont la responsabilité de s'assurer qu'il n'y ait pas de discrimination».

Lorsque McMaster a tout d'abord affirmé que le contrat de Sonia Zhao en Chine se trouvait à l'extérieur de la juridiction de l'université et donc n'était pas sous sa responsabilité, M. Matas a déclaré au tribunal entendant le cas que McMaster «ne peut se dérober à sa responsabilité de respecter le Code des droits de la personne de l'Ontario en déléguant ses responsabilités d'embauche à un agent à l'extérieur de la juridiction et en fermant les yeux sur les pratiques d'embauche discriminatoires de cet agent».

Karen Falconer, directrice générale de l'éducation permanente et internationale au Toronto District School Board, affirme qu'elle s'attend à ce que le personnel du district s'assure que leurs propres politiques soient respectées.

«Nous nous attendons à ce que notre directeur de l'Institut Confucius va s'assurer du respect de toutes nos politiques», affirme Mme Falconer, tout en soulignant que les modalités de la relation entre la commission et l'IC ne sont pas complètement établies. On ne sait pas comment la commission va superviser la signature des contrats en Chine.

Parmi les universités ayant un IC qui ont été jointes par Epoch Times, l'Université de Waterloo, le ministère de l'Éducation du Nouveau-Brunswick et l'Edmonton Public School Board n'ont pas répondu aux questions.

L'Université Brock et le Coquitlam School District ont refusé de commenter.

L'Université de Sherbrooke (qui accueille son IC en partenariat avec le Collège Dawson) a déclaré ne pas donner d'entrevue aux médias concernant son institut.

L'Université de la Saskatchewan a indiqué que personne n’était disponible pour commenter.

Dans une déclaration envoyée par courriel, l’Institut de technologie de la Colombie-Britannique (BCIT) a dit que les «employés du BCIT sont engagés selon les politiques et procédures du BCIT». Le BCIT a refusé une demande d'entrevue et n'a pas voulu clarifier comment est traitée la question des contrats signés en Chine par Hanban.

Le Collège Seneca a indiqué dans un courriel que les instructeurs de son IC sont des employés de son institution partenaire en Chine, l'Université normale du Nord-Est. Le collège n'a pas répondu aux demandes d'entrevue.

John Osborne, doyen de la Faculté des arts et des sciences sociales à l'Université Carleton, qui supervise l'IC, a affirmé que la politique d'embauche ne s'applique pas puisque Carleton a une entente différente.

«C'est un système très différent, où nous échangeons essentiellement de faculté, alors ils ne signent pas un contrat avec nous, mais nous avons un accord d'échange avec l'Université normale du centre de la Chine», explique-t-il.

«Je ne suis pas au courant si la faculté qui vient à nous signe quelque chose avec Hanban, ce sont déjà des professeurs, de membres de la faculté.»

Un problème bien tangible

Joel Chipkar, porte-parole de l'Association du Falun Dafa du Canada, estime que tous les établissements qui hébergent un IC devraient emboîter le pas à McMaster et mettre la clé dans la porte.

«Nous avons été ravis de la décision de McMaster de respecter leur politique anti-discrimination sur cette question particulière concernant la discrimination de l'IC contre le Falun Gong. Ça démontre que le problème est clair, qu'il existe et qu'il est bien tangible», affirme M. Chipkar.

«Le fait que les autres organisations tournent le dos à cette question démontre qu'elles ne comprennent fondamentalement pas que cette discrimination soit un prolongement de la persécution du Falun Gong par le régime chinois dans le domaine de l'éducation.»

Selon lui, les établissements devraient «commencer à réaliser qu'ils ont la responsabilité de ne pas participer à la persécution ni de prêter leur nom et réputation aux politiques de persécution en hébergeant des IC».

Propagande

Li Changchun, lorsqu'il était le chef de la propagande du Parti communiste et le cinquième homme le plus puissant au sein du Comité permanent du Politburo, a déclaré que les IC sont «une partie importante de l'appareil de propagande de la Chine à l'étranger».

Alors qu'il tenait ces fonctions, Li Changchun a assisté à la cérémonie d'ouverture de l'IC à l'Université Carleton en 2012.

Selon un article de l'agence de nouvelles officielle Xinhua, durant la cérémonie des étudiants de l'IC ont récité le poème Neige de Mao Zedong. Mao a déjà déclaré que ce poème s'attaque au féodalisme et qu'il critique les anciens empereurs de la Chine.

Durant la Révolution culturelle, Mao avait lancé une campagne contre Confucius pour détruire la «pensée féodale» qui est associée aux enseignements de Confucius, nom que le PCC a maintenant récupéré.

Terry Russell, chargé d'enseignement au département d'études asiatiques de l'Université du Manitoba, explique que la présence de Li Changchun à une cérémonie d'ouverture d'un IC démontre l'importance de ceux-ci en matière de propagande pour le PCC.

«Cela ne fait que renforcer ce qui semble assez évident selon tous les autres indicateurs: [les IC] sont une propagande importante du gouvernement chinois, une façon par laquelle le gouvernement chinois tente de préparer le terrain pour son marché potentiel», estime M. Russell.

«Je ne connais pas beaucoup d'universitaires sérieux impliqués dans les études chinoises qui remettraient en question qu'il s'agit d'un exercice de propagande.»

Pas de politique?

M. Russell affirme que le régime utilise les IC pour présenter seulement leur vision des choses sur différentes questions.

«En donnant au gouvernement chinois le champ libre pour transmettre son interprétation de la culture chinoise, de la langue chinoise et ainsi de suite, cela signifie que les étudiants canadiens reçoivent vraiment une différente compréhension de ce que signifie la Chine, quelles valeurs, valeurs démocratiques, etc., pourraient signifier dans le contexte de la Chine», affirme M. Russell, qui a fait campagne pour empêcher la venue d'un IC à l'Université du Manitoba.

Charles Beaupré, de l'Université St. Mary's, affirme que l’IC à son université ne trempe pas dans la politique.

«Nous avons ce mandat de travailler seulement avec ce qui est non politique en termes de langage, les aspects plus bénins de la culture, et essayer de promouvoir un peu plus ce genre de relations en termes d'activité économique ou même de promouvoir des échanges en termes de santé et de bien-être», explique-t-il.

Mais ce n'est pas toujours le cas dans les cours de l'IC.

En 2008, lorsque des troupes paramilitaires chinoises ont écrasé les manifestations au Tibet, un chargé d'enseignement de l'IC de l'Université de Waterloo a incité ses étudiants à dénoncer les reportages «anti-Chine» dans les médias occidentaux, poussant ainsi un réseau canadien à présenter des excuses.

Cette même année, l'Université de Tel Aviv a fermé une exposition de peintures organisée par des étudiants qui dépeignait l'oppression du Falun Gong en Chine, de peur de perdre son IC et autres avantages fournis par le régime chinois. Un juge israélien a plus tard tranché que l'université avait violé la liberté d'expression des étudiants.

John Osborne, de l'Université Carleton, affirme que son IC est un «véhicule pour bâtir des ponts et faciliter les échanges».

Selon lui, l'IC est hébergé par l'université non pas pour enseigner la politique, mais la langue.

«S'il y a eu des instances de cela, personne ne m'en a avisé, alors je ne suis pas au courant», ajoute-t-il.

Selon un document obtenu par Epoch Times, le personnel de l'IC à Carleton a organisé un événement pour les professeurs de chinois locaux au début 2013 abordant différents sujets, avec un accent sur les sujets actuels dans les médias sociaux chinois. Un des sujets était une discussion sur le 18e Congrès du Parti communiste chinois, abordant des thèmes comme la «constitution socialiste, le rêve chinois, l'abolition des camps de travail forcé, les nouvelles mesures anti-corruption», etc.

Après avoir vérifié avec les directeurs de l'IC à son université, M. Osborne dit qu'il n'est pas préoccupé par cette activité.

«Je suis confiant que cela ne représente pas une tentative d'endoctriner les étudiants de Carleton», commente-t-il.

M. Osborne indique que le contrat de l'université avec l'IC est d'une durée de deux ans et peut seulement être renouvelé par un accord mutuel.

«Si nous n'étions pas satisfaits, nous ne renouvelions pas. Mais jusqu'à aujourd’hui ça semble très bien fonctionner. Pas de plainte jusqu'à maintenant, pas un seul étudiant a porté plainte», ajoute-t-il.

Sujets délicats

M. Russell affirme que les universités ne devraient pas s'attendre à ce que leurs étudiants de premier cycle soulèvent des questions.

«Ils se font enseigner par des gens qui semblent en connaître beaucoup sur un sujet particulier, alors l'étudiant hésiterait à remettre en question, ou bien n'aurait pas vraiment les connaissances pour questionner ce qui lui est enseigné», mentionne-t-il.

«Je pense que ce qui se passe la plupart du temps, c'est que les sujets délicats sont simplement évités, et s'ils sont soulevés, [les étudiants] se font donner le point de vue du gouvernement chinois.»

C'est de cette manière que Hanban avait formé Sonia Zhao de l'IC de McMaster. Si des questions sur des sujets délicats comme Taïwan et le Tibet sont soulevées, les chargés d'enseignement doivent tenter de les éviter, mais si ça ne fonctionne pas, ils doivent offrir la ligne du régime.

M. Russell souligne que le site web de l'IC indique que Taïwan est la plus grande île en Chine, ne reconnaissant pas l'indépendance de facto du pays.

«Les étudiants auraient de toute évidence un problème à démêler ce qui se passe, mais ils supposeraient que ce que l'enseignant leur dit est que Taïwan devrait appartenir à la Chine», indique-t-il.

«[Les Instituts Confucius] transmettent délibérément le point de vue chinois sur certains sujets et, de la sorte, c'est une manière de diffuser leur message sur les questions qu'ils considèrent délicates.»

Version originale : Canada’s Association of University Teachers Calls on Universities to Close Confucius Institutes