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«Executive order» sur l’immigration, symptomatique d’un système étatsunien à bout de souffle?

Écrit par Affaires-stratégiques.info
23.11.2014
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Quelles vont être les conséquences des décrets annoncés en matière d’immigration par Barack Obama? A-t-il le soutien de la population américaine?

Les conséquences des décrets annoncés par Barack Obama vont être insuffisantes, voire néfastes, car s’il a agi conformément à la Constitution, il l’a fait à l’encontre des mœurs politiques des Etats-Unis. De plus, l’immigration, l’intégration et l’identité nationale sont des questions profondes, importantes et qui se posent dans de nombreux pays. Barack Obama n’a absolument pas attaqué ces questions avec le sérieux nécessaire et n’a pas cherché à créer de consensus national autour de son projet. Pire encore, il a agi à la fois de manière précipitée et trop tardivement. Il aurait fallu plus d’explications, de consultations et de consensus autour de son projet. Par cette décision, il veut accomplir un acte historique pour marquer sa présidence – ce qu’il n’a pas réussi à faire jusqu’ici – mais aussi provoquer ses adversaires politiques qui lui ont systématiquement barré la route et l’ont effectivement empêché de gouverner depuis les élections législatives de mi-mandat en 2010. S’il peut obtenir le soutien d’une partie de la population autour de son projet d’intégration, bien peu d’Américains goûteront ses méthodes. Son projet est mal conçu, partiel et vengeur. C’est une approche désastreuse, politiquement et historiquement.

En ayant recours aux «executive orders» Barack Obama n’enterre-t-il pas tout espoir de collaboration future avec le Congrès, désormais à majorité républicaine?

Tout à fait: il enterre tout espoir de coopération avec le Congrès sauf en cas d’une énorme catastrophe nationale. Ces décrets sont un acte politiquement désespéré et très provocateur. Depuis un certain temps, on a pu identifier une forme de lassitude, voire d’ennui, chez Barack Obama du fait des limites à son pouvoir, alors qu’il pensait gouverner grâce à son seul charisme, ce qui n’a évidemment pas marché.

Les Républicains n’ont aujourd’hui aucune raison de collaborer avec un président qui est désormais irrémédiablement un «canard boiteux» (lame duck) excepté en matière de politique étrangère. Le manque de concertation et l’absence de collaboration par Barack Obama font que les Républicains vont tenter de lui bloquer sur toute autre initiative. C’est la guerre.

Ce recours aux décrets présidentiels pour contourner le Congrès est-il symptomatique des difficultés que connaît la démocratie américaine?

Absolument. Ces difficultés ne proviennent pas d’un simple désaccord politique – c’eût été un bonheur – mais des défauts fondamentaux de l’architecture des institutions et du système politique américain, qui prévoient un partage du pouvoir et provoquent une lutte pour celui-ci. Il faut se souvenir que c’est le Congrès qui a élaboré la Constitution en 1787, après avoir été la seule forme de gouvernement fédéral pendant plus d’une décennie. C’est donc le Congrès qui a créé la présidence et qui s’est conservé bon nombre de prérogatives, spécialement en politique interne où il était censé être plus proche des citoyens. Du côté exécutif, il n’y a pas de «gouvernement» aux Etats-Unis mais seulement une «administration». Ainsi le Président américain ne peut qu’agir en concertation avec le Congrès en matière de politique intérieure, là où ses pouvoirs propres ont été délibérément réduits. Mais le Congrès aujourd’hui est largement la créature des «intérêts spéciaux», c’est-à-dire des lobbyistes qui représentent notamment les milieux d’affaires et qui contrôlent le financement des campagnes des élus. J’ai eu moi-même des conversations avec des congressmen qui se plaignaient en privé de «devoir passer 95% de mon temps à faire du fund-raising».

Aujourd’hui, avec son décret sur l’immigration, Obama se trompe de méthode sur la manière d’ériger une politique nationale. Cela ne résoudra absolument pas le problème de fond. Avec ses pouvoirs limités, Obama pourra-t-il régulariser la situation de tous les immigrés illégaux? Loin de là. Au contraire, son action va créer encore une fois – comme c’est trop souvent le cas aux Etats-Unis – une situation confuse, mal gérée, très individualiste et profondément inégalitaire. Une démocratie doit rassembler et non diviser les citoyens. Ce recours aux décrets présidentiels est un indicateur de plus de la non-gouvernabilité du système américain.

Source: Affaires-stratégiques.info

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