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Tequila, mezcal, pulque: trois boissons alcoolisées très mexicaines à base d’agave

Écrit par Christiane Goor et Charles Mahaux
23.12.2014
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  • La tequila est aussi à la base d’un cocktail connu bien au-delà des frontières du Mexique, la fameuse Margarita. (Charles Mahaux)

Quand les Espagnols débarquent au Mexique, ils vont découvrir le maguey, nom nahuatl de l’agave, dont les natifs indigènes font des usages multiples. Ils retirent ainsi les fibres des feuilles avec lesquelles ils confectionnent des tissus, des nattes, des hamacs ou encore des chapeaux.

Mélangé au nopal – la feuille du figuier de Barbarie, le cœur des jeunes pousses devient un aliment délicieux et vitaminé.

Poussant dans la totalité des États mexicains, ce végétal s’adapte à tous les climats et serait utilisé depuis 10.000 ans par les indigènes. Ceux-ci aiment d’ailleurs à représenter l’agave sous la forme d’une déesse aux 400 seins, appelée Mayahuel, allusion certaine aux nombreuses épines qui protègent les feuilles comme une mère ses enfants.

Ce sont les herboristes espagnols qui vont la surnommer agave. La plante sera à l’origine de quelques grosses fortunes espagnoles et mexicaines. En effet, les fibres textiles que produit la variété henequén développée dans le Yucatán et que les Espagnols baptiseront sisal, vont servir au XIXe siècle à la fabrication de cordages utilisés par toutes les compagnies de navigation du monde pour attacher leurs bateaux, ceci jusqu’à l’apparition des fibres synthétiques. Aujourd’hui, ce sont la tequila et même le mezcal issus d’agaves distincts qui font les beaux jours de l’économie mexicaine.

  • Les champs de Tequila sont souvent d’accès difficiles et le cheval reste le moyen le plus aisé pour faire le tour des cultures. (Charles Mahaux)

Le pulque

Les Indiens préhispaniques consommaient  l’aguamiel, la sève extraite du cœur de la plante vivante. Fermentée, cette boisson devenait un hydromel appelé pulque, consommé lors de cérémonies rituelles car il représentait le sang de Mayahuel, la déesse de l’ébriété dans la mythologie aztèque. Grâce à ses vertus enivrantes, fortifiantes et aphrodisiaques, le pulque était considéré comme une boisson divine strictement réservée aux anciens, aux prêtres, aux guerriers et… aux femmes enceintes. Cependant, toute forme d’ivresse était rigoureusement interdite.

Après la conquête espagnole et la désacralisation de ce nectar, le pulque devient très vite la boisson des paysans et de la classe populaire qui fréquentaient des bars appelés pulquerías. Après l’indépendance mexicaine, ce breuvage populaire fut même érigé boisson nationale. Toutefois sa consommation tomba en désuétude à cause de la concurrence de la bière.

La production de la boisson est toujours la même depuis des siècles. N’est pas tlachiquero qui veut! Après avoir éliminé les feuilles latérales qui empêchent d’accéder au centre de la plante âgée de 4 à 8 ans, juste avant que la tige à fleurs ne pousse, le vendangeur de l’agave doit atteindre le cœur de la plante avec sa machette sans la détruire. Il ouvre une cavité pour extraire et jeter l’œuf qui contient la fleur puis la referme. Il indique sur une feuille charnue la date de cette opération et laisse reposer la plante pendant plusieurs mois pour qu’elle produise un hydromel de qualité.

Le moment venu, à l’aide d’une calebasse oblongue qui pénètre le cœur de la plante, il aspire son jus blanc et referme la cavité avec des feuilles pour la protéger. Si l’agave est bien traité, il peut produire 6 litres par jour durant 5 à 8 mois. Le breuvage est transporté dans des outres jusqu’à l’hacienda pulquera où il sera reversé dans d’immenses fûts de bois pour sa fermentation. S’il fermente de 10 à 14 jours, on l’appelle madre pulque et, mélangé à une petite quantité d’aguamiel, il fait entrer ce dernier en fermentation en 24 heures à peine et donne le meilleur pulque.

Aujourd’hui cet alcool vit une renaissance, on le trouve dans des établissements de qualité qui n’hésitent pas à en présenter de nombreuses variantes selon la saveur fruitée avec laquelle on l’aromatise. Il s’agit alors de curado. México, Cuernavaca et Tlaxcala ont ainsi leurs pulquerías qui rassemblent de plus en plus de jeunes amateurs. Comme boisson traditionnelle et artisanale, elle ne bénéficie pas d’images publicitaires comme ses cousins, le tequila et le mezcal. Pourtant son faible taux d’alcool, à peine 2 à 3 degrés, sa richesse en vitamines et son goût végétal particulier sont des atouts non négligeables qui devraient lui assurer plus de succès.

  • Mundo Cuervo, une des grandes maisons de tequila établies au cœur même de la petite ville offre une visite des lieux qui permet de découvrir entre autres ce vieil alambic. (Charles Mahaux)

Le mezcal et le tequila

Pour faire simple, on peut dire que le mezcal est en fait le nom générique de l’eau-de-vie mexicaine issue de l’agave, le tequila étant un mezcal obtenu uniquement à partir d’une variété d’agaves bleues, el agave tequilana qui croît dans un territoire très précisément délimité, à savoir l’État de Jalisco et certaines zones des états de Guanajuato, de Nayarit, de Michoacán et de Tamaulipas.

Leur préparation est, à peu de choses près, la même et elle est née avec les Espagnols lorsqu’ils ont introduit le processus de la distillation inconnu des Indigènes préhispaniques. Il faut également attendre que les agaves mûrissent 6 à 12 ans avant de récolter la piña, à savoir le cœur du fruit qui est arraché à la terre après que le jimador, le cultivateur d’agaves, ait élagué les feuilles. Les piñas ont la forme d’un ananas de poids, certaines peuvent atteindre 60 kg! Traditionnellement, les fruits sont coupés, passés dans un four puis broyés pour en extraire la pulpe qui, additionnée de 5 à 10% d’eau, est placée dans des cuves où les sucres vont se transformer en alcool par l’effet de la fermentation. Le jus obtenu est alors distillé deux fois dans un alambic en cuivre ou en acier inoxydable pour obtenir une boisson totalement pure. Il est temps alors de vieillir le précieux breuvage dans des fûts en chêne. Alcools aux saveurs intenses, le mezcal et le tequila peuvent se décliner en trois versions: le blanco, clair et transparent, qui est immédiatement embouteillé, le reposado qui va reposer de deux mois à un an dans des barriques de chêne et le añejo ou extra añejo, de couleur ambrée, qui restera au moins un an dans les mêmes barriques scellées.

Les alcools dont l’étiquette ne comporte pas la mention 100% agave ou 100% agave bleue sont coupés avec du sucre de canne ou de maïs durant leur élaboration. On les appelle alors des mixtos. Le mezcal a obtenu le précieux label AOC en 1997, comme Mezcal d’Oaxaca réservé au seul mezcal produit  à base de 100% maguey dans cet État tandis que le tequila a reçu ses titres de noblesse en 1974 déjà et il ne peut être produit que dans cinq États à partir d’agave bleue Tequilana Weber âgée d’au moins 6 ans.

Le tequila est au Mexique ce que le cognac est à la France et le whisky à l’Ecosse et quand il est de qualité, il se déguste en suivant tout un rituel. La boisson la plus populaire est sans aucun doute la Margarita réalisée à base de 50% de tequila pour 20% de jus de citron vert et 30% de triple sec, servie dans une coupe givrée au citron et au sel fin et garnie de glace pilée. Quant au tequila naturel, il se sert en bandera dans trois petits verres hauts et étroits appelés caballitos: jus de citron vert, tequila blanco, sangrita (jus pimenté d’orange, de tomate et de citron), aux couleurs du drapeau mexicain. Le tequila añejo ou extra añejo se déguste comme un verre de cognac.

Le mezcal est également au cœur de plusieurs cocktails mais il se consomme également seul avec des tranches d’orange saupoudrées de sal de gusano, à savoir un mélange d’épices et de vers de maguey frits et réduits en poudre. Vers ou plutôt chenilles qui se nourrissent des feuilles du maguey. La pratique de mettre une de ces larves dans le fond des bouteilles de mezcal ne serait qu’une astuce commerciale pour le différencier du tequila et ne correspond donc à aucune coutume locale.

Christiane Goor, journaliste. Charles Mahaux, photographe. Un couple, deux expressions complémentaires, ils fixent l’instant et le racontent. Leur passion, ils la mettent au service du voyage, de la rencontre avec l’autre. 

 

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