Vol de semences pour la mère patrie

Quand l’espionnage industriel chinois cible même les champs de maïs

Écrit par Joshua Philipp, Epoch Times
02.04.2014
  • Un technicien de Monsanto inspecte des grains de maïs. Des Chinois sont accusés aux États-Unis d’avoir volé des semences de plusieurs compagnies américaines, dont Monsanto. (Brent Stirton/Getty Images)

Un beau jour, un gestionnaire chez DuPont a vu un homme en train de creuser dans un des champs de la compagnie dédiés à la recherche en Iowa, alors qu’un deuxième se tenait à proximité. Lorsque confrontés, l’un deux – Mo Hailong – a déclaré qu’il assistait à une conférence dans le coin. Ensuite, le téléphone cellulaire du gestionnaire a sonné et, lorsqu’il s’est arrêté pour prendre l’appel, les deux hommes louches ont pris la fuite. Ils ont sauté dans leur voiture et traversé un fossé.

Mo Hailong a finalement été arrêté par le FBI et a été inculpé en décembre 2013, en compagnie de cinq présumés complices. Cet incident a soulevé quelques questions, car ce n’est pas tous les jours que l’espionnage industriel cible les champs de maïs.

En surface, il s’agit d’un crime étrange, mais en grattant un peu on découvre l’espionnage et les intérêts nationaux, une industrie massive jalouse de la compétition étrangère et un stratagème impliquant pouvoir et manipulation.

Il ne s’agissait pas d’hommes ordinaires mettant leur nez dans les affaires des autres. En effet, leurs titres évoquent bien les forces qu’ils représentent.

Mo Hailong est directeur du commerce international chez Beijing Dabei Nong Technology Group Company (DBN Group). Wang Lei, qui s’est fait prendre avec Mo en train de voler des graines, est le vice-président de Beijing Kings Nower Seed S&T Co. Ltd. Tous les autres inculpés, sauf un dont l’emploi et le titre n’ont pas été révélés, ont un profil semblable.

DBN se définit comme une entreprise de haute technologie étatisée avec une philosophie d’affaires d’«agriculture patriotique» et qui vise le sommet. La compagnie est un des chefs de file en Chine en matière de science et technologie agricoles.

Cette philosophie n’est pas que des paroles en l’air. Des photos publiées dans un magazine en 2013 montrent les employés de la compagnie lors d’une sortie organisée. Ils sont vêtus d’uniformes de l’Armée populaire de libération et participent à un entraînement au mont Jinggangshan, soit le berceau de l’Armée rouge chinoise.

Directives d’en haut

L’affiliation étatique et le devoir patriotique sont révélateurs.

Lorsque l’ex-dirigeant communiste chinois Deng Xiaoping a introduit des réformes économiques en 1978, il a déterminé que le secteur des sciences et des technologies était des plus importants pour moderniser la Chine.

Un groupe de 6000 délégués s’est rassemblé à une conférence et a choisi 27 secteurs de recherche et 108 projets de recherches essentiels. Parmi huit projets d’envergure, comprenant l’informatique et l’aérospatial, se trouvait l’agriculture.

Deng Xiaoping a par la suite lancé le Projet 863, aussi appelé «le Plan de développement de l’État en haute technologie». Cela cadrait dans la politique de «rattraper rapidement et de surpasser» les puissances occidentales, politique que l’on blâme souvent pour le vol à grande échelle de propriété intellectuelle occidentale par la Chine.

La biotechnologie est une des industries ciblées par le Projet 863, et c’est ce que les hommes auraient tenté de voler en subtilisant des semences.

Ce vol de semences n’est pas un cas isolé.

En août 2013, les douanes américaines ont intercepté une délégation chinoise qui tentait de transporter clandestinement en Chine des graines volées dissimulées dans leurs bagages.

Cette tentative de contrebande a été retracée jusqu’à deux hommes d’origine chinoise travaillant aux États-Unis, Zhang Weiqiang et Yan Wengui, et tous deux ont été arrêtés. M. Zhang était un multiplicateur de semences agricoles et M. Yan travaillait pour le département de l’Agriculture comme généticien du riz.

Crise des semences en Chine

La Chine a un appétit indiscutable pour la biotechnologie, alors qu’elle est aux prises avec une crise agricole qui affecte autant l’approvisionnement pour nourrir les humains que le bétail. Devant ce défi, Pékin a annulé sa politique d’autosuffisance en matière de semences au mois de février.

  • Des épis de maïs sèchent au sol dans la province du Shandong, en Chine. La Chine est aux prises avec un grave problème agricole en raison de la pollution et de la désertification. (Ed Jones/AFP/Getty Images)

La pollution a détruit l’essentiel des ressources en eau potable en Chine. Le quart du territoire chinois est du désert et de plus en plus de terres arables sont perdues en raison de la désertification. Ailleurs, l’usage excessif de fertilisants et la pollution environnementale détruisent encore plus de terres cultivables.

Dans une rare démonstration de transparence, le ministère chinois de la Terre et des Ressources a publié des statistiques en juin 2012 démontrant que la Chine perdait rapidement ses terres cultivables et que l’approvisionnement en nourriture allait bientôt être affecté.

Le plus inquiétant c’est que la région la plus fertile en Chine, soit une surface de 87 millions d’acres de tchernozium (ou terre noire) dans le Nord-Est, est une des régions les plus affectées. Cette région produit plus de 30 % des céréales en Chine, dont la majorité de leur riz et de leur maïs.

Voilà un sérieux dilemme pour les autorités chinoises. Alors que l’eau potable et les terres arables se font de plus en plus rares, la demande pour la viande augmente.

Pourrait-il y avoir un lien entre l’étude chinoise sur l’état des terres agricoles et les vols allégués de semences?

Mo Hailong, Wang Lei et leurs quatre complices auraient tenté de voler les semences de maïs entre septembre 2011 et octobre 2012 dans des champs en Iowa et en Illinois, soit presque au même moment où les autorités chinoises auraient commencé leur étude sur l’état des terres agricoles.

Les semences auraient été volées entre 2011 et 2012, mais ils n’ont été arrêtés qu’un an plus tard, en décembre 2013.

Entre-temps, ils auraient possédé leur propre terrain aux États-Unis où ils auraient cultivé et expérimenté avec des semences croisées. Cela indique qu’ils ont eu plus d’un an pour cultiver et croiser les semences.

Les semences croisées sont à pollinisation directe et doivent être croisées avec d’autres semences croisées pour créer une semence hybride, qui est ensuite vendue aux agriculteurs.

  • Récolte du maïs dans un champ du Dakota du Sud, aux États-Unis (Scott Olson/Getty Images)

L’essentiel de la recherche va dans la création des semences croisées. Le processus est à la fois long et onéreux. Selon le communiqué du FBI, entre cinq et huit ans sont nécessaires pour développer les semences croisées, et les coûts en recherche et développement s’élèvent à au moins de 30 à 40 millions de dollars.

Toutefois, pour générer une semence hybride, il suffit d’effectuer une pollinisation croisée de deux types de semences croisées, et les accusés auraient eu amplement le temps de le faire. Ils auraient volé les semences des chefs de file de la biotechnologie agricole, soit DuPont Pioneer, Monsanto et LG Seeds.

DBN Group lorgnait également une technologie pour copier les semences qui auraient été volées.

En juin 2013, DBN Group a annoncé un partenariat avec Bioceres Argentina afin de commencer l’expérimentation et la production de semences résistantes à la sécheresse et la salinité. La technologie devrait combiner les recherches de la Chine et de l’Argentine en utilisant du soya et des gènes de maïs.

L’annonce a été faite presque au même moment où les compagnies qui auraient été victimes du vol ont annoncé de nouvelles semences de maïs résistantes à la sécheresse et à la salinité.

La Chine n’a pas produit de semences de maïs hybride importantes depuis 2001, selon le New York Times, outre un type produit par une collaboration entre Pioneer et une compagnie chinoise en 2007.

La Chine a un intérêt évident dans des semences qui peuvent résister à la sécheresse et aux insectes. La résistance à la salinité du sol est particulièrement importante en raison de la désertification.

Version originale : Stealing Corn Seeds for the Motherland