La conférence chinoise sur les transplantations d’organes qui n’a pas eu lieu

Les organisations internationales prennent leur distance du régime de transplantation chinois

Écrit par Matthew Robertson, Epoch Times
15.07.2014
  • Le président de la Transplantation Society, Dr Francis Delmonico (en haut à droite), observe la signature de la résolution de Hangzhou le 29 octobre 2013 en Chine. Les autorités de la santé chinoises n’ont pas respecté leurs engagements inscrits dans la résolution, et une conférence qui devait avoir lieu en juin a été annulée ou reportée. (Capture d’écran/declarationofinstanbul.org)

Le mois de juin cette année devait être l’occasion de célébrer pour la communauté des transplantations en Chine. Une importante conférence était au calendrier, dont le but était «d’établir la Chine comme un exemple en matière de normes internationales telles qu’établies par les principes directeurs de l’Organisation mondiale de la santé et la Déclaration d’Istanbul», les deux références internationales en ce qui a trait à la pratique éthique des transplantations d’organes.

Cependant, il n’y a pas eu de conférence en juin dernier. Aucun bruit à ce sujet, que ce soit de la Commission nationale de la Santé et de la Planification familiale chinoise – qui apparemment supervise le système de transplantations d’organes – ou de la Transplantation Society (TTS), l’association médicale internationale qui a travaillé pendant des années avec les responsables chinois pour tenter de transformer un système fondé sur l’abus en un modèle d’éthique pour d’autres pays.

En effet, il semble que les groupes internationaux du domaine des transplantations ont cessé la coopération très directe avec la Chine. La TTS et le groupe des gardiens de la Déclaration d’Istanbul (Declaration of Istanbul Custodian Group) ont envoyé en février dernier une lettre ouverte au dirigeant chinois, Xi Jinping, lui demandant d’éradiquer la corruption et les abus dans l’industrie des transplantations d’organes.

La participation de la communauté internationale des transplantations était essentielle pour la tenue de la conférence en juin. Sans elle, la conférence semble s’être dégonflée. Il n’y a aucune mention de la conférence sur l’Internet chinois, où ce genre d’événement est habituellement annoncé en grande pompe.

«Les Chinois veulent avoir le beurre et l’argent du beurre aussi – ils veulent pratiquer des abus dans les transplantations d’organes et ils veulent gagner en prestige dans le domaine sur la scène internationale», assène David Matas, un avocat canadien spécialiste des droits de la personne qui a coécrit un livre phare sur les prélèvements d’organes forcés sur les pratiquants de Falun Gong en Chine. «La communauté professionnelle des transplantations les rejette et les réprimande pour leurs abus.»

Changement de politique

L’idée de tenir une conférence en juin a été proposée en octobre dernier, durant l’excitation entourant la résolution de Hangzhou, alors que des responsables chinois avaient promis à d’importants médecins internationaux que leur pays allait cesser d’utiliser les organes de prisonniers exécutés.

«Une réunion est prévue à Pékin en juin 2014 sous la présidence de Huang Jiefu, et seront invités les dirigeants des principales sociétés internationales de transplantations […] afin d’appuyer les pratiques changeantes de don et de transplantation d’organes en Chine», indique un compte rendu du sommet d’octobre 2013 publié sur le site du Declaration of Istanbul Custodian Group, qui défend l’éthique dans le domaine des transplantations.

Beaucoup de choses ont changé depuis octobre dernier.

Particulièrement, Huang Jiefu – l’ex-sous-ministre de la Santé chinois et maintenant directeur du Comité chinois sur les transplantations d’organes, l’organisation officielle qui doit superviser et mettre en application les politiques en matière de transplantations – a déclaré que la Chine n’allait pas cesser de s’approvisionner chez les prisonniers exécutés.

Un grand nombre d’échanges de la communauté internationale des transplantations avec la Chine étaient basés sur la condition que tout le monde œuvrait à éliminer cette pratique.

Toutefois, en mars dernier, M. Huang a déclaré : «Les instances judiciaires et les ministères de la santé locaux devraient établir des liens et permettre aux prisonniers dans l’antichambre de la mort de donner leurs organes volontairement et être ajoutés au système informatisé d’allocation d’organes.»

«Promesses en l’air»

«Les médecins occidentaux qui travaillent avec la Chine ne se font plus duper», affirme Dr Torsten Trey, le directeur administratif de Doctors Against Forced Organ Harvesting, une association médicale qui se penche sur les abus dans le domaine des transplantations en Chine.

«Après six ou sept ans de promesses en l’air de la Chine, les médecins comprennent maintenant et disent “Ou bien vous respectez ce que vous avez promis avec la résolution de Hangzhou, ou bien nous arrêtons de coopérer.”»

Des représentants officiels de la TTS n’ont pas répondu à de nombreuses requêtes au sujet de la conférence pour savoir s’ils avaient refusé de participer.

Dr Jacob Lavee, un chirurgien transplantologue israélien et un membre du comité d’éthique de la TTS, a indiqué dans un courriel qu’à sa connaissance, «depuis la lettre ouverte du Dr Delmonico et d’autres dirigeants de la TTS au président de la Chine, la TTS a cessé toutes activités en Chine».

L’Organisation mondiale de la santé, qui devait participer à l’événement et apposer une touche de crédibilité, n’a pas répondu à une demande de commenter. Il est possible que la conférence se tienne plus tard dans l’année, avec un nombre réduit de participants.

La Transplantation Society n’a pas coupé complètement ses liens avec la Chine. Dr Francis Delmonico, président de la TTS, a participé et a prononcé une allocution à une réunion organisée par la Commission nationale de la Santé et de la Planification familiale chinoise en mars dernier.

Il est possible que l’adoption d’une position plus ferme vis-à-vis la Chine portera ses fruits à long terme.

«Il ne s’agit pas d’isoler la Chine, ce qui impliquerait de cesser toute discussion, débat ou conversation. Les canaux de communication sont encore ouverts», explique Dr Trey. «Il y a eu une promesse et il est clair qu’elle n’a pas été respectée. C’est un message à la Chine que les promesses en l’air ne vont pas fonctionner avec la communauté médicale internationale.»

Il reste à voir si quelque chose de pertinent peut voir le jour, étant donné qui tire les ficelles en Chine. Les services de sécurité et le complexe médico-militaire conservent la mainmise sur la majorité du système de transplantation, laissant aux technocrates du domaine de la santé très peu d’influence sur les pratiques et sur la source des organes.

«La totalité de l’effort, de la part de tout un chacun, même si sincère, était naïf», commente David Matas. «La théorique était qu’on obtiendrait une île de primauté du droit dans une mer houleuse de tyrannie et d’abus. Cela ne peut survenir, particulièrement quand il s’agit d’une sphère où la persécution du Falun Gong est centrale», explique-t-il.

«L’échec était inévitable. Quiconque pensait que ça fonctionnerait, je dirais qu’à tout le moins leur perspective était trop étroite – ils ne se penchaient que sur un problème sans se préoccuper du contexte, plus précisément le contrôle de la Chine par le Parti communiste.»

Version originale : The Disappearing China Organ Transplantation Conference