Libraires en France: des sacrifices au-delà des considérations économiques

Écrit par Caroline Chauvet, Epoch Times
21.07.2014
  • Une librairie Galerie Vivienne à Paris le 3 mai dernier. (Stephane De Sakutin/Getty Images)

Un chiffre d’affaires en baisse (moins de 10% par an depuis 5 ans), une rude concurrence de la part de géants comme Amazon: en France, le bilan est triste pour les librairies. Mais celles-ci font de la résistance. Presque en voie de disparition en Grande-Bretagne et aux États-Unis, on compte environ 2.500 points de vente exerçant la vente de livres à titre principal dans l’Hexagone. Comment expliquer cette excentricité économique?

«Avec des résultats aussi catastrophiques depuis plusieurs années, la logique économique voudrait qu’on ait assisté à bien plus de fermetures de librairies», s’étonne encore Gabriel Giraud, auteur pour le cabinet Xerfi d’une étude sur le marché des librairies, sur France Info. «La résistance de ce secteur est quelque chose d’inédit».

Outre-Manche et outre-Atlantique, il est presque temps pour les libraires de tourner la page. Un article du New York Times relève qu’aux États-Unis, la firme nationale Amazon vend 41% des livres neufs et détient% des parts de marché des ventes de ces livres.

Pas de doute pour le New York Times, la concurrence des géants fait couler les librairies indépendantes. Au Royaume-Uni, «un tiers des librairies ont mis la clé sous la porte ces dix dernières années, à cause des réductions consenties par les supermarchés ou par Amazon, allant parfois jusqu’à plus de 50%».

Dernière avancée d’Amazon, une sorte de Netflix pour livres: «Kindle Unlimited» donne accès à la lecture illimitée des livres électroniques, pour seulement 9,99 dollars par mois. La fonctionnalité n’est pas encore arrivée en France. Pour l’heure, c’est Youboox, une start-up française, qui fait figure de petit leader avec 55.000 livres en ligne et 4 millions d’inscrits.

Face à cette concurrence accrue, comment expliquer la pérennité des librairies? Leur survie dépend largement de la législation française.

Des lois en faveur des libraires

Dernière législation en date: la loi dite «anti-Amazon». En vigueur depuis le 8 juillet, elle abolit la gratuité des frais de livraison pour les ouvrages. Cette mesure, approuvée sans difficulté par le Sénat le 26 juin, s’inscrit dans la veine de toute une législation protégeant les petites librairies de géants commerciaux.

Dès 1981, la loi Lang instaurait le prix unique du livre: le prix est fixé par l’éditeur, il n’y a pas de réduction de plus de 5%, sauf pour les ouvrages soldés ou d’occasion. Lors de la vente d’ouvrages, les libraires peuvent également contraindre les éditeurs à leur accorder une part plus importante des bénéfices.

Le livre, «un bien culturel à part»

Pourquoi cet attachement à vouloir protéger les libraires? La journaliste du New York Times, Pamela Druckerman, tente une explication culturaliste. «Cette loi française sur les livres n’est pas seulement une question économique mais bien une vision du monde. Les Français considèrent les livres comme un bien culturel à part».

La théorie semble se confirmer par le rapport de Gabriel Giraud. L’analyste a pu constater que les libraires sont des «passionnés», prêts à faire des sacrifices au-delà des considérations économiques. «Pour eux, la rentabilité n’est pas une fin en soi, explique-t-il. Même avec des bénéfices ridicules, certains maintiennent leur activité pendant des années. Quitte à ne plus se verser de salaire».

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