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Le choix contraire ou la crise de confiance en Chine

Écrit par Li Ding, Epoch Times
04.07.2014
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  • 3 avril 2014: Une ligne de policiers se tient face à un rassemblement de manifestants protestant contre l’ouverture d’une usine de production de paraxylène devant le siège des autorités de Maoming, dans la province du Guangdong, sud de la Chine. (STR/AFP/Getty Images)

Le 30 mars de cette année, un groupe de manifestants était descendu dans la rue et s’était rassemblé devant le bâtiment des autorités municipales de Maoming, dans la province du Guangdong, dans le sud de la Chine. La manifestation s’était finalement transformée en de violents affrontements avec la police, ce qui avait déclenché des manifestations dans d’autres villes.

Les manifestants s’opposaient à la construction d’une usine de paraxylène d’une valeur de 3,5 milliards de yuan (soit 413 millions d’euros) qui devait s’ajouter à d’autres industries pétrochimiques dans la région. Les autorités avaient fait mine d’assouplir leur position en émettant une déclaration expliquant que l’usine de paraxylène n’avait pas encore reçu l’approbation finale. Les autorités affirmaient ainsi: «Si la majorité des gens sont contre, les autorités municipales ne prendront pas de décision contraire à l’opinion publique».

Un tel incident n’est pas rare en Chine aujourd’hui. Ce qui est intéressant dans ce cas est que les autorités locales ont commencé par déployer une grande campagne d’information sur l’usine de paraxylène en invitant des experts, en publiant de nombreux articles rassurants dans les journaux locaux ou en envoyant par courrier 100.000 brochures détaillant les avantages économiques de l’usine.

Cependant les gens ont choisi de ne pas croire le battage médiatique et ont boycotté le projet malgré cette campagne d’informations qui a duré tout un mois.

La méfiance envers les autorités est profondément enracinée et la réaction des gens rappelle un problème classique de la théorie économique: le choix contraire.

Prenons un marché de voitures d’occasion, comme illustré dans l’article Le marché des ‘citrons’: l’incertitude de la qualité et le mécanisme du marché, écrit par le professeur George Akerlof de l’Université de Berkeley. L’acheteur se trouve face à un vendeur qui sait tout sur la qualité de la voiture qu’il vend, alors que l’acheteur n’en connaît pas grand-chose.

Dans un tel cadre d’asymétrie d’information, la confiance que l’acheteur place dans le vendeur devient primordiale. Si l’acheteur estime que le vendeur est honnête (bien sûr, chaque vendeur vante la qualité de sa voiture), il est prêt à payer le prix d’une bonne voiture et la transaction aura lieu.

Toutefois, si l’acheteur a peu confiance dans le vendeur et croit que ce dernier souhaite juste lui vendre un tacot à la place d’une bonne voiture, l’acheteur sera prêt à payer seulement le prix d’un tacot ou tout simplement passera son chemin. Le manque de confiance mène l’acheteur à faire un choix contraire.

Manque de crédibilité

L’exemple du marché automobile peut être élargi à d’autres aspects de la vie économique. La question clé est la confiance entre les parties. Sans confiance, même si l’acheteur est prêt à payer le prix d’une bonne voiture et le vendeur vend effectivement une voiture de bonne qualité, la transaction ne se fera pas.

De façon plus large, dans une société où il y a un manque de confiance, de nombreux projets qui peuvent être socialement bénéfiques à la société avorteront même si toutes les parties peuvent potentiellement en bénéficier et vouloir y participer.

Dans la société chinoise actuelle, le problème de la crédibilité du régime imprègne presque chaque incident social: l’épidémie de SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) en 2003, le tremblement de terre du Sichuan en 2008, les rapports sur la pollution atmosphérique de Pékin, les indices de corruption des cadres, ainsi que les nombreux conflits locaux tels que les manifestations contre l’usine de paraxylène à Maoming. La méfiance de la population est bien justifiée en tenant compte des nombreux exemples de malhonnêteté du régime.

Pire encore, comme l’avait souligné la théoricienne politique Hannah Arendt: «Il a souvent été remarqué que le résultat le plus probable à long terme du lavage de cerveau est un genre particulier de cynisme, un refus absolu de croire en quoi que ce soit, peu importe comment la vérité des choses a pu être établie.»

«En d’autres termes, le résultat d’une substitution totale et systématique de la vérité par des mensonges n’est pas que les mensonges seront acceptés comme vérité ou que la vérité sera acceptée comme mensonge, mais que le sens par lequel nous nous appuyons sur le monde réel – et l’opposition de la vérité au mensonge fait partie des moyens mentaux pour arriver à cette fin – sera détruit.»

Dans l’exemple de Maoming, l’«acheteur» est la population locale, le «vendeur» est représenté par les autorités locales qui détiennent beaucoup plus d’informations sur la qualité de la marchandise, c’est-à-dire les conséquences environnementales d’une telle usine.

Le problème est que même si les autorités locales voulaient être honnêtes cette fois et dire la vérité – cela est discutable, mais supposons que ce soit le cas – la méfiance mène au même résultat.

Maoming n’est pas le premier exemple de manifestation contre une usine de paraxylène. Au cours des dernières années, il y a eu plusieurs manifestations contre de telles usines dans des villes chinoises comme Dalian, Ningbo et Kunming. Il ne semble pas y avoir de remède efficace à la crise de confiance profonde et à la non-coopération des Chinois qui en découle.

Solutions possibles

Le professeur Akerlof a proposé quelques solutions au problème de la confiance. L’une d’elles est le mécanisme de garantie. La plupart des biens de consommation présentent des garanties, des gages de la qualité attendue par l’acheteur. Le risque est pris par le vendeur plutôt que par l’acheteur.

Une autre solution est l’association à des noms de marque. «Les noms de marques indiquent non seulement la qualité mais offrent aussi au consommateur des moyens de représailles si la qualité ne répond pas aux attentes. Le consommateur pourra alors réduire ses futurs achats.»

Les garanties ne marchent pas dans le cas des autorités chinoises. Les garanties dans le domaine commercial sont assurées par les agences gouvernementales d’application de la loi. Les garanties d’un gouvernement démocratiquement élu sont assurées par le processus électoral, par des mesures de contrôle et par l’équilibre des pouvoirs.

En Chine, il n’existe pas de mécanisme protégeant les intérêts des gens de la mauvaise foi des autorités. C’est le contraire qui a été observé au cours des années: des millions de pétitionnaires se rendent à pied à Pékin ou dans les capitales provinciales pour témoigner des injustices infligées par les autorités locales et n’y trouvent que des représailles.

Les «noms de marque» ne fonctionnent pas dans cette situation non plus. Qui veut assurer l’honnêteté des autorités chinoises ? Dans ce cas, le «nom de marque» a un effet inverse. Beaucoup souhaitent se dissocier du régime chinois afin de ne pas ternir leur propre image de marque durement acquise.

Voleur un jour, voleur toujours, dit le dicton, et le Parti a sûrement volé bien plus d’une fois. En conséquence, le coût de la malhonnêteté se fait sentir même si le régime fait des efforts dans l’espoir de gagner la confiance populaire: la campagne anti-corruption de Xi Jinping, le système de porte-paroles dans divers organismes d’État et la flexibilité de certains responsables dans la gestion des troubles sociaux, comme la campagne d’information par les autorités de la ville de Maoming.

Mais l’opposition à l’usine de paraxylène trahit une dure réalité. Malheureusement, en même temps, le régime poursuit son ancienne méthode de gestion de sa crédibilité.

L’an dernier, le Parti lançait une campagne de contrôle des discussions sur le web. Des sanctions pénales étaient infligées à ceux qui «répandaient des rumeurs» sur les microblogs qui étaient repostées plus de 500 fois ou vues par plus de 5.000 utilisateurs. Récemment, un blogueur a été condamné à trois ans de prison pour avoir propagé de soit-disant rumeurs.

Bien sûr, la notion de «rumeur» est définie par le Parti. Il en va donc de même de la «vérité».

Le Dr Li Ding est un des principaux chercheurs du site chinascope.org, un groupe de recherche basé à Washington DC qui analyse les médias en langue chinoise.

Version en anglais: Adverse Selection and the Trust Crisis in China

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