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Un rideau de bambou entre Europe et Chine

Écrit par Erping Zhang
09.07.2014
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  • Le Roi Philippe de Belgique (à gauche) et le dirigeant chinois Xi Jinping à Bruges lors de la dernière visite de Xi Jinping en Europe. (Yves Logghe/AFP/Getty Images)

À travers l’histoire, il est probable que personne n’ait autant emprunté la Route de la Soie et parcouru la Chine que le grand marchand et explorateur vénitien Marco Polo, dont l’histoire  légendaire est encore racontée avec plaisir aujourd’hui. Mais il avait prévenu: «Je n’ai pas raconté la moitié de ce que j’ai vu.» Alors que les technologies modernes ont transformé le monde en un village global plus accessible, le fossé entre l’Europe et «l’Empire du milieu» demeure, dans beaucoup de domaines, aussi profond qu’auparavant.

Le dirigeant chinois Xi Jinping a récemment fait une tournée «d’amitié» dans plusieurs des principaux États membres de l’Union européenne (UE), accompagné de plus de 200 directeurs d’entreprise et a signé des contrats de plusieurs milliards pour acheter des avions et des voitures en France et en Allemagne. Bien que Xinhua, l’agence de presse officielle chinoise,  ait qualifié cette visite de nouveau chapitre dans la coopération entre l’UE et la Chine, l’Europe semble toujours confrontée au choix de se mettre dans les bonnes grâces de la Chine ou de lui tenir tête  dans un grand nombre de domaines, sans pouvoir saisir clairement ce qui se trouve derrière «le rideau de bambou».

Au niveau national, Pékin doit répondre simultanément à deux immenses défis. Premièrement, sur le plan économique, Pékin a déclaré qu’en 2014, la dette des autorités locales a augmenté jusqu’à 2,2 billions d’euros soit 67% de plus qu’en 2010. Une telle hausse a amené le total de la dette publique chinoise, comprant la dette des autorités centrales, à un niveau de 58% de sa production économique de 6,2 billions d’euros. La rapide progression des prêts bancaires a conduit à la création de 11,22 billions d’euros de crédits, tandis que  les chiffres publiés en février montraient que les montant des prêts bancaires sous-performants ou non-performants avaient atteint un niveau record depuis la crise financière.

Pire encore, le récent déclin de l’Indice des directeurs d’achat dans l’industrie (48,5 en février) et des exportations inquiètent sérieusement Pékin, de tels indicateurs trahissant une perte de main d’œuvre et de recettes en  devises étrangères - après tout, la Chine repose toujours son économie sur les exportations. L’estimation officielle de Pékin du coefficient Gini au niveau de  0,473 est bien sous-évaluée, même selon les économistes chinois. L’alarmant fossé des revenus en Chine demeure un problème grave pour la stabilité sociale du pays. De plus, les prix de l’immobilier dans les grandes villes telles que Shanghai et Pékin sont parmi les plus élevées au monde, alors que le PIB par habitant chinois n’occupe que la 91e place au niveau mondial.

Ensuite, la longue lutte pour le pouvoir au sein du Parti a atteint son apogée au cours de la récente Assemblée nationale populaire, accompagnée de nombreux articles de presse au sujet de la corruption et des comptes bancaires offshore des haut dirigeants communistes. Les nouveaux dirigeants sous la houlette de Xi Jinping tentent de consolider la base du pouvoir, alors que l’ancienne garde  communiste maintient son contrôle de quelques domaines importants, tels que la propagande, la police armée et le système judiciaire. Avec plus de 100.000 manifestations de masse enregistrées chaque année, la justice sociale fait défaut en raison de l’absence d’état de droit. Le ralentissement de la croissance du PIB, associée à un État étroitement contrôlé par le Parti conduira à plus de troubles sociaux et de divisions, comme le notent les spécialistes de la Chine.

Démuni et méfiant 

À ce moment critique, la Chine a besoin de l’aide de l’UE pour plusieurs raisons. En 2013, avec des échanges bilatéraux de 410 milliards d’euros, l’Union européenne était le plus grand partenaire commercial de la Chine, alors que la Chine était le deuxième partenaire de l’UE, juste derrière les États-Unis. L’Europe fournit des voitures, des avions, des médicaments et des produits de luxe à la Chine tandis que l’Europe importe de Chine des textiles, des biens électroniques et d’autres produits à 282 milliards d’euros.

Malgré ces échanges florissants, la Chine, deuxième puissance économique du monde, reste très méfiante envers l’Europe sur de nombreux points.

Tout d’abord, l’UE n’a pas encore reconnu la Chine en tant qu’économie de marché à part entière et maintient son embargo sur les armements suite au sanglant massacre des étudiants sur la place Tiananmen en 1989.

Ensuite, la Chine espère augmenter  ses exportations vers l’Union européenne pour 1) garder son statut de centre industriel mondial, 2) soutenir son économie basée sur l’exportation pour gagner des devises étrangères, 3) maintenir l’emploi de sa main d’œuvre, 4) acquérir des technologies et du savoir-faire grâce aux investissements directs étrangers (IDE) et 5) utiliser le commerce comme levier pour préserver les intérêts nationaux en collaborant  individuellement avec chaque État membre de l’UE, y compris pour réduire au silence les critiques de l’UE sur les violations des droits de l’homme, telles que la récente Résolution du Parlement européen contre les prélèvement forcés d’organes sur les pratiquants du Falun Gong et autres prisonniers de conscience  en Chine.

En parallèle des moyens économiques, la Chine construit activement sa «puissance douce» en Europe en implantant de nombreux Instituts Confucius dans les universités européennes et en ayant recours à ces institutions pour reproduire les schémas de sa propagande à l’étranger.

Inquiétudes de l’Union européenne

L’Union européenne de son  côté, n’est pas non plus du tout satisfaite de ses 132 milliards d’euros de déficit commercial avec la Chine en 2013, surtout en regard des restrictions d’importations imposées en Chine, le plus grand marché asiatique. L’Europe ayant à peine plus de 2% d’IDE en Chine, cette dernière a également un faible investissement direct dans l’Union européenne. Tout comme les investisseurs américains, les pays de l’UE trouve qu’il est impossible  de participer financièrement dans les secteurs stratégiques chinois comme les transports, les télécommunications et la santé.

D’autres sérieuses préoccupations commerciales du côté européen concernent les mesures anti-dumping , les violations des droits de propriété intellectuelle et la façon de politiser les affaires commerciales en Chine. Par exemple, le choix de la Chine pour l’achat des Airbus français ou des Boeing américains dépendent souvent de la question de quel président a récemment rencontré le dirigeant tibétain.

Mark Wu, professeur de la faculté de droit de l’Université de Harvard, a commenté les cas de conflits commerciaux, comme la récente décision de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) contre la Chine sur les terres rares et autres métaux: «Bien que la commission de l’OMC ait pris la décision  contre la Chine, elle n’a  pas demandé de payer une compensation. Selon le statut de l’OMC, ses recours ne sont pas rétrospectifs. Le but principal de la résolution de conflits par l’OMC est d’imposer le respect de la loi plutôt que d’appliquer une justice économique pour des dommages antérieurs. L’OMC fournit en effet aux pays une tolérance temporaire envers un non-respect des lois. Tant qu’un pays contrevenant met un terme à sa politique illégale dans un laps de temps raisonnable après le jugement définitif, ce dernier n’a pas à craindre d’être puni.»

Dans un État autoritaire où un système juridique indépendant et la liberté de la presse n’existent pas, en cas de litige, les investisseurs étrangers ne s’attendront probablement pas à obtenir un jugement juste ou favorable d’un tribunal chinois, comme l’ont appris après coup de nombreuses entreprises étrangères. Par exemple, en 2009, le groupe Danone France a été obligé de se retirer de sa joint-venture en vendant sa part de 51 % au Groupe Wahaha, une des plus grandes entreprises chinoises de boissons.

En 2011, l’Italie, la huitième puissance économique mondiale, aurait cherché de l’aide auprès de la Chine pour renflouer sa dette nationale. Une stratégie plus sage pour l’Italie, ainsi que pour d’autres États membres, serait de demander à la Chine d’importer davantage de produits européens, notamment parce que la Chine possède une énorme réserve de devises étrangères de près de 2,80 billions d’euros, provenant en partie de son surplus commercial avec l’Europe.

Après tout, l’Union européenne détient l’avantage compétitif de produire quelques-uns des meilleurs produits de luxe qui sont très demandés sur le marché chinois. Au bout du compte, il n’est plus possible d’ignorer que l’Union européenne, une union de démocraties, n’a plus affaire à la Chine féodale que Marco Polo a découvert il y a environ 800 ans.

Ce n’est plus la Chine de Marco Polo

Malgré ses efforts en matière de réforme économique, la Chine reste aujourd’hui une dictature communiste avec les  soi-disant caractéristiques chinoises, qui se range politiquement du côté de la Corée du Nord, de l’Iran, de Cuba ou encore de la Russie, le principal fournisseur d’équipement militaire à la Chine. Il faut surtout noter que la Chine garde le silence au sujet de l’Ukraine, en connaissant très bien la position de l’UE à ce sujet.

En cette ère de technologies digitales, il est toujours impossible d’accéder à Facebook, Google, YouTube ou Twitter en Chine. En fait, quiconque pratique le Falun Gong ou milite pour la démocratie peut être jeté en prison, voire être tué. Le progrès économique de ces trente dernières années n’a pas transformé la Chine en une société d’état de droit ; au contraire, il a renforcé un régime draconien qui manque de respect envers les normes et directives internationales. Des différences fondamentales demeurent dans les systèmes de valeurs entre l’Europe démocratique et la Chine communiste.

Les États membres de l’UE n’ont pas d’intérêt à long terme à troquer leurs principes démocratiques fondamentaux en cherchant une coopération économique avec une Chine émergente. En fin de compte, l’intérêt de l’Europe et de toute l’humanité est de voir la Chine se transformer en une  démocratie et non en un dragon tyrannique qui finira par mordre la main qui le nourrit. Au moins pour l’instant, l’Europe et la Chine ne se dirigent pas dans la même direction, que ce soit politiquement ou économiquement. Une compréhension claire de la situation des deux côtés du rideau de bambou est essentielle pour réussir au niveau commercial et diplomatique.

Sun Tzu (544-496 avant notre ère), le tristement célèbre stratège militaire, a écrit dans L’art de la guerre: «Connaissez-vous vous-même et votre ennemi, et vous gagnerez des centaines de guerres». La Chine sera-t-elle un jour intégrée à la communauté des démocraties? Nous l’espérons et le croyons tous. Mais en attendant, le philosophe romain Sénèque nous a transmis une sagesse: «Si la vertu nous précède, chaque pas sera sûr.»

Erping Zhang est directeur de l’Association pour la recherche asiatique de New York.

Version en anglais: The Bamboo Curtain Between EU and China

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