Fausse puissance économique pour vrai désastre écologique

Écrit par Joshua Philipp, Epoch Times
26.08.2014
  • Une femme prélève de l’eau rouge polluée s’écoulant d’un égout jusque dans la rivière Jian à Luoyang, dans la province du Henan, nord de la Chine. (STR/AFP/Getty Images)

L’environnement chinois a rudement souffert du développement urbain et industriel et la pollution de l’air, de l’eau et des terres a atteint un niveau alarmant. «Cela évolue à une échelle et à une rapidité que le monde n’a jamais connues», a averti Jennifer Turner, directrice du Forum sur l’environnement chinois au Woodrow Wilson Center. Que savons-nous à ce sujet? Comment pouvons-nous agir?

«Airpocalypse»

La pollution de l’air à Pékin a atteint un niveau si alarmant en janvier 2013 qu’une nouvelle expression a été inventée pour désigner le phénomène: «l’airpocalypse». Depuis, le mot est employé pour faire référence au niveau préoccupant de la pollution de l’air à Pékin et dans d’autres villes chinoises.

Le niveau de fines particules en suspension (PM2.5) à Pékin a dépassé 500 en janvier 2013, un indice élevé qui a été de nouveau atteint en 2014.

La visibilité était si faible dans cette ville étouffée par le smog que les écoles et les bureaux ont dû fermer.

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) mesure les PM2.5 comme indicateur de santé. Ces particules en suspension dans l’air d’un diamètre inférieur à 2,5 micromètres peuvent s’introduire dans le flux sanguin et dans les poumons, causant maladies respiratoires, cancers du poumon et autres affections. Pour être hors de danger, il ne faudrait pas être exposé à plus de 10 microgrammes par m³ et à 25 microgrammes par m³ sur une période de 24h.

  • Janvier 2013: une femme et sa fille portent des masques lors d'une visite sur la place Tiananmen de Pékin en raison du niveau dangereux de la pollution de l'air. (Feng Li/Getty Images)

D’après un rapport publié en février 2013 par l’Académie des Sciences sociales de Shanghai, Pékin se trouvait à la deuxième place d’un classement listant les 40 villes du monde où l’environnement est le plus dégradé, selon le Daily Mail. L’étude considérait Pékin comme une ville «à peine vivable», en raison de son importante pollution de l’air.

Le smog affecte particulièrement les villes du nord de la Chine durant l’hiver lorsque le charbon, utilisé comme combustible pour le chauffage, contribue à la pollution de l’air. En octobre 2013, la ville de Harbin, située dans le nord du pays, a enregistré un indice de PM2.5 de 1.000, avec une visibilité réduite à moins de 50 mètres, selon des données fournies par l’Agence chinoise pour la protection de l’environnement.

Le développement débridé de la Chine, grande consommatrice de charbon, est une cause directe de la pollution de l’air. Ainsi, la Chine consomme par exemple la moitié du charbon produit dans le monde.

La pollution de l’air a largement affecté la santé de l’homme. Selon une étude sur la «charge mondiale de morbidité» effectuée en 2010 et publiée en décembre 2013 dans la revue médicale britannique The Lancet, la pollution de l’air a causé la mort prématurée de 1,2 millions de personnes en Chine en 2010, soit près de 40% du total mondial.

La pollution de l’air a réduit l’espérance de vie des habitants du Nord de la Chine de 5,5 ans, selon une étude effectuée par des chercheurs de Chine, d’Israël et des États-Unis et publiée l’an dernier dans les Actes de l’Académie nationale des sciences.

L’«airpocalypse» en Chine n’affecte pas seulement les villes chinoises, elle touche également d’autres pays à travers les transports longue distance de substances polluant l’air. 40 à 60% de la pollution due aux particules fines au Japon provient de Chine, a déclaré au New York Times Hiroshi Tanimoto de l’Institut national japonais des études environnementales. Les conséquences sont encore plus considérables en Corée du Nord. Les substances polluantes ont aussi traversé l’océan Pacifique pour toucher l’ouest des États-Unis.

  • Septembre 2013: un résident enlève des poissons morts de la rivière Fuhe à Wuhan. Selon un utilisateur de Weibo, ces poissons sont morts en raison de niveaux très élevés d'ammoniaque. (STR/AFP/Getty Images)

L’«airpocalypse» chinoise est étroitement liée au fait que la Chine est le premier pays émetteur de gaz à effet de serre, ce qui favorise le changement climatique mondial et amplifie la menace du réchauffement climatique.

De l’eau «trop dangereuse à toucher»

Si la pollution de l’air est déjà grave, la pollution de l’eau est pire et constitue un problème encore plus difficile à résoudre, selon un article de l'Economist.

«Une majeure partie des ressources urbaines d’eau n’est pas seulement dangereuse à boire: il est même dangereux de la toucher», a déclaré John Parker, rédacteur du service mondialisation de l'Economist, dans un entretien filmé.

Les données fournies par les autorités chinoises en 2011 démontrent que plus de la moitié des grands lacs et réservoirs chinois sont trop contaminés pour pouvoir être utilisés par l’être humain. Les nappes phréatiques, qui constituent un tiers des ressources en eau de la Chine, sont victimes du même type de pollution. Parmi plus de 4.700 stations de contrôle de qualité des nappes phréatiques, près de 60% ont révélé un niveau de pollution relativement mauvais, voire pire. La moitié de la population rurale manque d'eau potable. 

Les usines chimiques, pharmaceutiques et électriques déversent des substances polluantes dans les cours d’eau, créant des zones mortes là où elles s'écoulent. Un exemple notable: la rivière Huai en Chine centrale, déclarée morte par Elizabeth Economy dans son célèbre ouvrage sur l’environnement chinois publié en 2004, La rivière qui devient noire.

  • Mars 2012: des déchets entravent un canal en périphérie de Pékin. La Chine a avoué que deux tiers de ses villes n'atteignent pas les nouvelles normes de qualité de l'air. (Mark Ralston/AFP/Getty Images)

Si la pollution de l’air en Chine a causé l’airpocalypse, la pollution de l’eau a provoqué des incidents qui ont attiré l’attention internationale. En 2007, un épais tapis d’algues bleu-vert cancérigènes s’est formé sur le lac Tai, comme le montrent des images rebutantes que l’on peut trouver sur le Web. En 2006, la rivière Songhua, dans le nord-est de la Chine, a été contaminée par des produits chimiques et la tentative de dissimulation par les autorités a été largement critiquée. Beaucoup d’autres incidents sont toutefois passés sous silence.

Certains incidents dus à la pollution de l’eau sont malheureusement surréels. Des cours d’eau urbains dans la ville de Wenzhou, dans l’est de la Chine, étaient si pollués par des produits chimiques qu’une simple cigarette allumée y avait mis le feu, comme le rapportait le Daily Mail en début d’année. Ce n’est pas la première fois qu’une rivière prend feu et d’autres clichés montrent des eaux devenues noires, rouges ou orange, ou recouvertes d’algues ou de poissons morts.

Un rapport publié sur le site web chinadialogue.net indique qu’en 2012, l’eau de plus de la moitié des villes chinoises était de «médiocre» qualité ou pire. «Pour les autorités, endiguer la pollution de l’eau est un défi aussi important et qui en vaut la peine de que combattre la pollution de l’air…  la pollution de l’eau représente une menace encore plus importante pour la santé des 300 millions de personnes qui vivent en zone urbaine» a déclaré à chinadialogue.net Ma Jun, un environnementaliste à la tête d’une ONG écologiste basée à Pékin.

Des terres et de la nourriture pollués

Un éditorial du China Daily, un quotidien anglophone publié par le régime chinois, stipulait que «les terres polluées par des métaux lourds érodent les fondations de la sécurité alimentaire de notre pays et devient un danger grandissant pour la santé publique.»

  • Mars 2013: un porc mort est couché dans un bras pollué de la rivière Yangtze dans la province du Hebei, centre de la Chine. Cette année-là, plus de 13 000 porcs morts ont été trouvés dans les mêmes conditions. (STR/AFP/Getty Images)

Près d’un cinquième des terres cultivées en Chine est pollué, selon le ministère chinois de la Protection de l’environnement et le ministère des Ressources terrestres. Des produits chimiques comme le cadmium, le nickel, l’arsenic, le plomb et le mercure, déversés dans les eaux usées utilisées pour l’irrigation, empoisonnent les terres.

Plus tôt cette année, le ministère de la Protection de l’environnement a reconnu que se trouvaient en Chine 450 «villages du cancer» victimes de la pollution. Plus tôt encore, les médias s'étaient brièvement intéressés à la pollution des terres et à la menace que celle-ci représente pour la santé et la nourriture, tandis que les autorités chinoises protègent les données sur la pollution des terres comme un «secret d’état.»

Ce changement a en partie été provoqué par un récent scandale autour de cadmium trouvé dans le riz, qui a poussé les habitants du Hunan à se méfier de la céréale. Selon la revue nationale économique Caijing, les restaurants de la ville de Canton ont été contrôlés et des niveaux excessifs de cadmium on été décelés dans 44,4% du riz et de ses produits dérivés. La plupart du riz venait de la province du Hunan.

Selon le magazine Caixin New Century, des chercheurs de l’Académie chinoise des sciences et d’autres institutions avaient publié des reportages sur la pollution au cadmium en 2009. Ils avaient prélevé des échantillons sur cent rizières situées près de mines dans la province du Hunan et avaient déclaré que dans 65% des échantillons, la dose de cadmium dépassait les limites de sécurité. Le riz contaminé avait déjà pénétré les marchés régionaux et nationaux.

«Le cadmium provoque des effets toxiques sur les reins, le squelette et le système respiratoire», explique l’Office mondial de la santé sur son site web. Les métaux lourds proviennent des mines et des usines chimiques du Hunan.

Les nouveaux «villages du cancer» du Hunan, celui de Shuanqiao par exemple, font aussi beaucoup parler d’eux. La revue China Youth Daily rapportait que 26 habitants de Shuanqiao étaient morts d’empoisonnement au cadmium. Des prélèvements de la terre locale ont montré que celle-ci contenait 300 fois le niveau de cadmium autorisé et sur 2.888 habitants, 509 répondaient positifs au test d’empoisonnement au cadmium. L’élément toxique provenait de l’usine chimique de Xianghe, dont la pollution perturbe les habitants du village depuis 2006. Mais cet exemple n’est que la partie visible de l’iceberg qu’est l’intoxication chimique.

Une guerre contre la pollution plutôt inquiétante

Face à la catastrophique pollution de l'environnement, les autorités chinoises sont en alerte. «Nous allons déclarer la guerre à la pollution», a déclaré le premier ministre Li Keqiang à l’Assemblée nationale populaire, plus tôt dans l’année. «Le smog touche des régions de plus en plus grandes de la Chine et la pollution de l'environnement est devenu un problème majeur. C’est le signal d’alarme de la nature face à un modèle de développement inefficace et aveugle.»

  • 2010: des ouvriers drainent des eaux polluées à proximité de la mine de cuivre de Shanghang. (STR/AFP/Getty Images)

Le régime chinois a des projets de nettoyage de l’environnement. En septembre 2013, un projet de 280 milliards de dollars avait été lancé pour purifier l’air et cette année, les autorités ont annoncé un investissement de 300 milliards de dollars pour freiner la pollution de l’eau. Les experts ne sont toutefois pas certains que ces investissements apportent un quelconque changement.

L'insistance du régime à vouloir mener une «guerre contre la nature» a des raisons d'inquiéter. Dans une même «guerre contre la nature» menée à son époque par Mao Zedong, des actions draconiennes sur l’agriculture avaient détruit l’écosystème rural. La poursuite du développement économique de l'ère post-Mao n’a fait qu'aggraver la tendance avec une pollution de l’air, de l’eau et des terres sans précédent, provoquée par la croissance industrielle et urbaine.

Les spécialistes de la Chine pensent que les problèmes environnementaux de la Chine sont liés au contrôle hiérarchique du Parti communiste enlisé dans la corruption, le manque de responsabilité politique et d'un État de droit. Des primes sont allouées aux responsables pour qu’ils ne contrôlent pas la pollution. Et lorsque des usines polluantes ferment leurs portes, d’autres continuent d'apparaître.

«Les problèmes environnementaux sont l’une des conséquences d’un régime au parti unique, corrompu et déshumanisé», a déclaré au magazine ROAR Ahkok Wong, maître de conférence universitaire à Hong Kong.

La pollution de l'environnement est une source grandissante de mécontentement et de manifestations en Chine. Dans les années 1990, des manifestations dans les campagnes incriminaient déjà la perte de terres due à la pollution. Depuis les années 2000, de grandes manifestations ont gagné les villes où les citoyens refusent les usines et les centrales polluantes. Selon une enquête menée par le centre de recherche américain Pew, la moitié des manifestations en 2013 en Chine concernaient les problèmes environnementaux.

Le manque de changements fondamentaux dans le système politique ne laisse espérer aucune amélioration importante pour l'environnement.

Après que Mao Zedong ait détruit toute forme de croyance traditionnelle chinoise en l’harmonie entre les êtres humains et le Ciel, alors que le régime communiste post-Mao continue de privilégier le développement au détriment de l’environnement, les fondements moraux de la population chinoise se sont érodés, encourageant la corruption et le mépris d’autrui et de l’environnement.

Si aucun nouveau système moral n'est construit à la base de la société, l’environnement chinois et le peuple de Chine continueront de souffrir.

Version originale: China’s Environmental Catastrophe

Hong Jiang est professeure agrégée et présidente du département de géographie à l’Université de Hawaï à Manoa. Elle est spécialisée dans l’environnement et la culture de la Chine.