Arrestation de Zhu Yunsong: le régime chinois veut-il faire passer un message?

Écrit par Heng He, Epoch Times
08.08.2014
  • 16 août 2012, capture d'écran du site Sohu.com: des médecins transportent des organes fraîchement prélevés dans un hôpital de la province du Henan. (Epoch Times)

Un média contrôlé par l’État chinois a récemment rapporté qu’un médecin de haut rang était impliqué dans des prélèvements d’organes illégaux. Cet article a-t-il été publié dans un timing parfait, ou était-ce au contraire un accident? En Chine, il est parfois difficile de deviner ce qu’il se passe en coulisses.

L’article en question a été publié dans le Legal Daily le 28 juillet dernier, soit à mi-parcours des six jours du Congrès mondial de la transplantation qui a eu lieu du 26 au 31 juillet à San Fransisco, États-Unis. Si le régime chinois voulait utiliser un article de presse pour désamorcer l’attention des crimes contre l’humanité commis en Chine, le timing de la publication ne pouvait pas être mieux calculé.

Le sujet des prélèvements forcés d’organes sur des pratiquants de Falun Gong vivants en Chine a attiré plus d’attention au cours de ce dernier Congrès que durant les précédentes éditions. Il a été communiqué que pas moins de 35 articles soumis par des médecins de Chine ont été rejeté par le comité de révision du Congrès en raison du manque d’informations sur la provenance d’organes.

À proximité du lieu du Congrès, des pratiquants de Falun Gong distribuaient des dépliants pour informer les intervenants et le public. L’association Médecins contre les prélèvements forcés d’organes (en anglais DAFOH, Doctors Against Forced Organ Harvesting) a également organisé plusieurs rencontres autour du sujet.

La publication de l’article du Legal Daily semblait également tardive. Cet article traitait d’un cas dont les accusés avaient été jugés en juin et condamnés le 25 juillet. L’affaire impliquait un groupe de trafiquants de reins.

Ce qui rendait ce cas particulier est que les reins obtenus de façon illicite auraient été livrés au Dr Zhu Yunsong, qui est le vice directeur du service des greffes de reins de l’Hôpital général de la région militaire de Guangzhou. La plupart des transplantations impliquant des organes prélevés sur des pratiquants de Falun Gong ont eu lieu dans des hôpitaux militaires.

L’implication du Dr Zhu dans les prélèvements d’organes avait déjà été dénoncée auparavant. En avril 2006, au cours d’un appel téléphonique enregistré par des enquêteurs indépendants, Zhu Yunsong avait reconnu qu’il possédait des organes de pratiquants de Falun Gong disponibles pour une transplantation.

Personne ne s’attend à ce que les informations du Legal Daily s’éloignent de la ligne officielle du régime chinois, le journal étant en quelque sorte le porte-voix du département juridique du Parti communiste chinois (PCC). Il ne peut non plus être affirmé avec certitude que cet article a été programmé pour coïncider avec le Congrès mondial de la transplantation. Cependant, il existe un certain nombre de cas où des informations internes ont été diffusées de façon calculée, notamment au cours des enquêtes visant l’ancien membre déchu du Politburo Bo Xilai et l’ancien patron de la sécurité intérieure Zhou Yongkang.

Les réactions codées du régime chinois

Alors que le régime chinois ne répond habituellement pas officiellement aux accusations de prélèvements d’organes, portés par les pratiquants de Falun Gong, les groupes de défense des droits de l’homme et la communauté internationale, les autorités chinois ont dans certains cas réagi, de façon peu évidente.

Le 12 décembre 2013, le Parlement européen a voté une résolution contre les prélèvements forcés d’organes en Chine. Huit jours plus tard, le site web officiel de la Commission centrale d’inspection de la discipline du PCC annonçait la suspension de Li Dongsheng de ses fonctions.

Cette annonce était particulièrement remarquable dans la façon dont elle faisait référence à Li Dongsheng. Li Dongsheng était généralement désigné comme cadre de haut rang au sein du département de la propagande et vice-ministre de la sécurité publique, mais l’annonce commençait en citant deux titres plus obscurs: directeur adjoint du Groupe dirigeant pour la prévention et la gestion des questions liées aux sectes et directeur du Bureau du groupe dirigeant.

Le Groupe dirigeant et le Bureau du groupe dirigeant ont tous deux été créés le 10 juin 1999 par Jiang Zemin, alors dirigeant du PCC. La plupart des médias en langue chinoise en Chine et à l’étranger ont évité de mentionner ces deux titres dans leurs articles, l’usage soudain de ces deux titres avait donc un but bien précis.

La seule mission du Groupe dirigeant et de son bureau, aussi appelé Bureau 610, était de faire appliquer la persécution des pratiquants du Falun Gong. Pour la première fois, ces titres sont apparus sur des sites web des autorités ou dans des médias proches du Parti central alors que ces organisations opéraient depuis plus de 14 ans.

Révéler que Li Dongsheng occupait ces postes avait certainement pour but de réagir à la résolution votée par le Parlement européen ou aux accusations visant la persécution du Falun Gong.

Comme il n’avait pas été nécessaire de révéler les titres des organisations les plus secrètes de la Chine communiste dont la plupart des gens n’avaient jamais entendu parler au cours des 14 dernières années, l’emploi de ces titres dans l’annonce du renvoi de Li Dongsheng semblait vouloir dire: «Regardez, ce que vous voulez est déjà là. Ne nous accusez pas de ce que d’autres ont fait.»

De même, l’enregistrement de la conversation téléphonique avec Zhu Yunsong a été publiée dans le livre Prélèvements meurtriers publié par l’ancien secrétaire d’État canadien David Kilgour et l’avocat défenseur des droits de l’homme David Matas.

Le Legal Daily a-t-il pensé au livre Prélèvements meurtriers en publiant son article sur Zhu Yunsong? En tout cas, une chose est certaine: un médecin dont l’implication dans des crimes de prélèvements d’organes a été révélée dans ce livre n’aurait certainement pas été dénoncé comme criminel par des médias contrôlés par l’État lorsque Li Dongsheng et Zhou Yongkang étaient au pouvoir.

Le point de vue exprimé dans cet article est l’opinion de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Epoch Times

Version en anglais: Did Chinese Regime Implicate Military Doctor to Send a Message?