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Winter Sleep

Retour sur le film du cinéaste turc, Nuri Bilge Ceylan, qui a reçu la Palme d’or au festival de Cannes 2014

Écrit par Michal Bleibtreu Neeman, Epoch Times
23.09.2014
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  • Nihal la jeune épouse enfermée dans le paradoxe de la condition humaine.

Dans les montagnes enneigées d’Anatolie, Aydin, un ancien comédien, reconverti en rédacteur d’un magazine à petit tirage, vit avec sa jeune épouse qui revendique son autonomie, et sa sœur venue trouver refuge après son divorce.

Comme dans les grands moments d’Ingmar Bergman, l’intensité de l’action passe par l’intimité de l’image et réside dans la non-action. La caméra, immobile la plupart du temps, passe de temps à autre de l’un à l’autre pour trouver un angle inattendu. De longues conversations dans la pénombre, des visages immobiles également éclairés dans une lueur douce comme sortie d’une peinture flamande. La caméra dépouille les visages dans une lenteur saisissante. Le spectateur plongé dans l’âme des personnages, pénétré de leur psyché, en vient inéluctablement à se poser des questions existentialistes.

Difficile de prendre parti dans cette famille. Tout le monde se veut bienveillant, voire altruiste, et ne rate pourtant pas une occasion de blesser l’autre afin de soulager secrètement ses rancoeurs inavouées. Ces personnages, qui vivent constamment le paradoxe de l’humain, inspirent rarement la sympathie. Aydin se veut honnête, intègre, juste et tolérant, et prêche même contre la perte des valeurs morales. Il ne tolère pourtant pas que l’on puisse être différent de lui et ne peut s’empêcher de ressentir un total dédain envers la faiblesse des autres. Sa soeur, qui prône de convertir le mal en bien plutôt que de s’y opposer, veut faire payer à la servante les deux verres qu’elle a cassés. La jeune épouse, elle, veut vivre sa vie et se sentir libre mais tout en restant chez son mari. Elle n’ose pas se libérer de ses liens et partir. Aydin, en bon philanthrope, donne une fortune pour soutenir les écoles du coin. Par contre, il fait un procès à son locataire qui n’a pas de quoi payer son loyer. «Il faut parler avec mes avocats, je n’y suis pour rien», dit-il a son locataire. Ces personnages ont pourtant tous de bonnes intentions, c’est d’ailleurs un leitmotiv dans le film: «La route vers l’enfer est pavée de bonnes intentions». Non, ils ne sont pas hypocrites, juste comme nous tous, condamnés à vivre les paradoxes qui régissent notre être, condamnés à subir la dualité, le bien et le mal.

  • Dans les montagnes enneigé es d'Anatolie centrale Aydin un ancien comédien vit enferme avec sa jeune épouse et sa sœur venue trouver refuge après son divorce.

C’est l’imam, ce type odieux, mélange de Uriah Heep de Dickens et du Tartuffe de Molière, qui agira de manière réellement altruiste en accueillant héroïquement sa vieille mère, son neveu, sa belle-soeur et son frère – qui par son tempérament bouillonnant et aveuglé par son honneur, mènera toute la famille à la ruine. Avec son petit salaire, il nourrit cette famille qui ne lui cause que des problèmes.

Certes, il est difficile de s’identifier à ces personnages qui sont pourtant si proches de nous. Le film pose au spectateur des questions dérangeantes. Nous avons tous des idéaux, nous aspirons au bien mais qui, parmi les hommes, peut renoncer réellement aux intérêts personnels et aux gains? À l’instar d’Aydin, on aurait sans doute du mal à laisser un locataire sale et qui ne paye pas son loyer dans notre appartement. Ou comme la soeur, à fermer les yeux quand on nous casse un objet auquel on tient. On retrouve là le fameux paradoxe de la condition humaine qui est centrale dans l’oeuvre de Tchekhov: l’homme aspire à être meilleur mais n’en est finalement pas capable.

Le film est d’ailleurs inspiré des nouvelles de Tchekhov, et comme lui, Nuri Bilge Ceylan aime ses personnages. En un acte de compassion, il allume en chacun d’eux une étincelle. Il leur octroie le courage d’être eux-mêmes, dans un moment unique d’authenticité, d’avouer leur vulnérabilité, de se laisser aller à leur faiblesse, un moment durant lequel ils ouvrent le coeur courageusement, abandonnent pour un instant leur armure pour la sincérité. On ne peut alors que leur pardonner leurs faiblesses et les aimer, tout simplement.

 

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