Le temple de la Philharmonie de Paris

Écrit par Héloïse Roc, Epoch Times
01.02.2015
  • Le gala d’ouverture par l’Orchestre de Paris dirigé par Paavo Järvi avec Lang Lang au piano le 15 janvier. (Dominique Faget/Getty Images)

C’est en 2007 que l’architecte Jean Nouvel a été sélectionné pour créer le projet de construction d’un centre musical à Paris. Lancé par l’association Philharmonie de Paris, un espace musical est né, qui a accueilli dès le 15 janvier l’Orchestre de Paris.

Situé dans le prolongement du Parc de la Villette, dans le XIXe arrondissement, la construction, presqu’achevée, abrite la grande salle symphonique de 2.400 places. Le bâtiment dispose d’un pôle éducatif, d’un espace d’exposition temporaire, d’une salle de conférences… L’inauguration s’est déroulée le 14 janvier.

L’établissement, dédié à la musique symphonique, incorpore en son sein la Cité de la Musique, rebaptisée Philharmonie 2, et qui comprend pour sa part, deux autres salles de concert de respectivement 900 et 250 places, ainsi qu’un Musée de la musique et une médiathèque. Dans l’attente des premiers concerts, l’orchestre dirigé par Paavo Järvi avait présenté une vidéo tournée de nuit sur le chantier. Ainsi, sur un extrait de la Symphonie Fantastique de Berlioz, on a découvert les images projetées d’une partie des 120 musiciens sur les façades du bâtiment conçu par Jean Nouvel.

À la manière des grandes capitales européennes

Cet équipement était souhaité depuis plus de trente ans par le monde de la musique classique. À la différence des grandes capitales européennes telles que Vienne, Amsterdam, Copenhague ou Berlin, il n’existait aucun auditorium symphonique à Paris.

    

Mais ce projet a créé une polémique sur le plan budgétaire, allant à l’encontre des pouvoirs publics qui demandent une maîtrise des dépenses publiques, alors que la musique classique ne représente qu’un tout petit noyau dans le marché du disque et du spectacle.

Les annonces de la ville s’inscrivent dans un contexte où les marges de négociation entre la ville de Paris et l’État, pour tenter de limiter les pertes budgétaires, sont étroites. Le coût pour la Philharmonie serait passé de 118 millions d’euros, en 2007, à 381 millions d’euros aujourd’hui, selon la ville. L’architecte de l’œuvre, Jean Nouvel, a boycotté l’inauguration de la Philharmonie, estimant avoir subi des pressions ces deux dernières années et un mépris affiché envers le métier d’architecte.

Pourtant, ce projet a été, au départ, le fruit d’une ambition commune de l’État, de la Ville de Paris et de la région Île-de-France qui en parlaient en ces termes: «La Philharmonie de Paris marquera une étape emblématique dans la construction du Grand Paris. Elle sera un témoignage fort de la volonté de tous les partenaires publics à œuvrer ensemble.»

Bertrand Delanoë, alors maire de Paris, déclarait en 2012: «Ce lieu sera un écrin de choix pour un des orchestres majeurs soutenus par la Ville de Paris, l’Orchestre de Paris qui y résidera. Ses qualités acoustiques et architecturales, la souplesse de ses espaces permettront à tous les ensembles d’y trouver leur place, quel que soit leur effectif, quel que soit leur répertoire.»

Et d’ajouter: «Le Temple de la Philharmonie créera de nouvelles exigences, de nouveaux devoirs et des défis qu’il sera vital de relever. Fer de lance d’un renouveau des pratiques musicales, son rôle sera essentiel pour la vitalité culturelle de la capitale. C’est ainsi que la culture restera ce vecteur d’émotion et de références partagées, essentiel pour vivre ensemble, en harmonie.»

Une certification environnementale (HQE)

Exemplaire en ce qui concerne la maîtrise des enjeux environnementaux, la construction s’inscrit dans une démarche de certification menée par des organismes de contrôle reconnus. La qualité environnementale du bâtiment est structurée selon quatorze cibles définies par l’association HQE (Haute Qualité Environnementale) qui sont évaluées à plusieurs stades du déroulement de l’opération, selon des critères précis. La Philharmonie de Paris s’est, de façon prioritaire, positionnée sur quatre cibles pour lesquelles elle ambitionne un très haut niveau de performance: la gestion de l’énergie, la gestion de l’eau, la maintenance – pérennité des performances environnementales et le confort acoustique.

Des solutions énergétiques pragmatiques et innovantes

Avec un volume brut chauffé d’environ 200.000 m3 et une surface de l’enveloppe thermique de

28.000 m², la compacité du bâtiment est exceptionnellement performante. Cette dernière a une influence importante sur les déperditions et sur les consommations énergétiques, ainsi que sur les coûts de construction.

La principale source de chaleur est la captation des vapeurs haute pression du réseau de chauffage urbain. La génération de chaleur est fondée sur un bouquet d’énergies diversifiées dans lequel la valorisation des déchets, des boues d’épuration, de la biomasse, de la géothermie représentera 60% de la production de chaleur.

La gestion de l’eau. Les eaux pluviales seront réutilisées pour l’arrosage des espaces verts, l’entretien du bâtiment et de ses abords et l’alimentation des sanitaires publics.

La performance acoustique. S’agissant d’un projet consacré à une salle de concert, il va de soi que cette cible a fait l’objet d’un approfondissement particulier. Enfin, tous les produits et matériaux utilisés dans le bâtiment respectent la norme NF P-01-010 «Qualité environnementale des produits de construction. Déclaration environnementale et sanitaire des produits de construction». Il s’agit de créer un lieu à l’acoustique irréprochable, d’offrir aux orchestres les lieux de répétition nécessaires à la préparation des concerts et aux nouveaux publics, tous les espaces adaptés à la transmission musicale.

Quelque soit le choix, l’acoustique est toujours excellente et la visibilité très étudiée, y compris pour les places latérales. Les musiciens sont enveloppés par le public, le public est enveloppé par le son, les balcons donnent l’impression de flotter dans l’espace comme dans un temps suspendu, arrêté. Acoustique, esthétique, visibilité et confort confèrent à cette salle une empreinte unique.

Un lieu d’éducation et de formation

Le cœur du projet pédagogique de la Philharmonie de Paris ne reposera pas sur de simples concerts ou spectacles éducatifs mais sur des ateliers de pratique produits à grande échelle pour sensibiliser les enfants à la musique, par un contact direct avec les instruments et le son. Il s’appuiera sur la magie du monde orchestral et tentera de relever trois défis majeurs: démocratiser l’éducation musicale, créer le public de demain et ouvrir les orchestres sur la Cité.

C’est pourquoi les ateliers développeront des approches éducatives «actives» et collectives faisant de la relation entre l’œuvre, le musicien et le public, une expérience plus directe et profonde: initiation aux instruments de l’orchestre, aux répertoires symphoniques, adaptation d’une œuvre classique à des instruments non classiques et écoute active de la musique à l’aide de supports multimédia permettant d’explorer les différents composants d’une œuvre…

Une légèreté scénique et acoustique

Deux acousticiens de notoriété mondiale ont œuvré au projet du temple de la Philharmonie de la Porte de la Villette: le Néo-Zélandais Harold Marshall et le Japonais Yasuhisa Toyota. Le premier est spécialiste des réflexions sonores latérales. Il a développé un système audacieux de balcons flottants.

Le second est l’expert incontesté des salles en «vignoble».

Ensemble, ils ont inventé une salle enveloppante, mêlant étroitement les réflexions latérales au son direct et offrant une synthèse révolutionnaire entre le modèle de la « boîte à chaussures » et celui de la salle en « vignoble ». La disposition du public autour de la scène avantage le son direct, mais les réflecteurs en forme de nuages au plafond, les parois des balcons et la canopée installée au-dessus de la scène permettent de développer les réflexions latérales. La sensation d’immersion dans le son est renforcée.

Une résonance toute à la fois chaleureuse et transparente

Le volume acoustique actif de 30.500 m3 permet aux spectateurs d’être littéralement immergés dans le son. Une sensation encore renforcée par les réflexions tardives provenant du volume situé entre l’arrière des balcons et les murs extérieurs, que l’on pourrait qualifier de deuxième espace acoustique. Le temps de réverbération moyen, prévu entre 2 et 2,3 secondes, engendre une résonance chaleureuse tout en restant transparente. Cette conception acoustique est pour tous : elle offre une restitution sonore optimale pour toutes les places tout en permettant aux musiciens de s’entendre parfaitement sur scène.

La mobilité de la canopée

L’acoustique joue la carte de la flexibilité, grâce notamment à la mobilité de la canopée, susceptible d’être disposée à différentes altitudes au-dessus de la scène, à de grandes quantités de rideaux acoustiques qui peuvent être déployées selon les répertoires et genres. Enfin, le confort des spectateurs a été particulièrement pris en considération: la distance entre deux rangées de siège n’est jamais inférieure à 90 cm et chaque fauteuil aura une largeur comprise entre 52 et 55 cm. L’une des spécificités de la Philharmonie par rapport aux autres grands auditoriums européens réside dans sa modularité. Pour développer cet aspect, l’architecte Jean Nouvel, assisté de Métra et associés, a étroitement travaillé avec Marshall Day Acoustics, ainsi qu’avec l’agence Ducks, spécialisée dans la scénographie des salles de concert et déjà à l’œuvre à l’Opéra de Lyon et à Copenhague. Le but est d’être en mesure d’adapter la salle de concert à différents genres musicaux et d’offrir à chaque fois le meilleur confort visuel et auditif.

À noter enfin qu’un autre défi acoustique, et non des moindres, est d’être parvenu à isoler la salle des bruits environnants, la Philharmonie étant située à proximité du boulevard Sérurier, du périphérique et du Zénith. Le concept mis en œuvre est celui de la « boîte dans la boîte », grâce à la désolidarisation des murs, sous la direction de Studio DAP. On retrouve à nouveau l’idée, tout à la fois poétique et technique, d’une «salle flottante».