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En mémoire de l’Holocauste

Écrit par David Matas, avocat international des droits de l’homme
02.02.2015
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  • Berlin, Allemagne – Des roses déposées par des proches de victimes côtoient l’une des nombreuses plaques explicatives des convois transportant les juifs de Berlin vers le camp de concentration de Gleis 17 (Voie 17). Ce 27 janvier 2015 est le 70e anniversaire de la libération d’Auschwitz. (Carsten Koall/Getty Images)

Discours prononcé par David Matas, avocat international des droits de l’homme, le 27 janvier lors d’une conférence de presse à la Fondation pour la liberté d’expression, à Varsovie, Pologne.

Le 27 janvier est la journée anniversaire de la libération d’Auschwitz. Ce jour a été choisi par une résolution adoptée en 2005, par l’Assemblée générale des Nations unies pour commémorer l’Holocauste. Demain (28 janvier) je me rends avec beaucoup d’autres à Auschwitz pour commémorer cette libération à l’endroit même où elle s’est produite.

Aujourd’hui, j’aimerais dire quelques mots sur la meilleure façon de commémorer cette horreur. Lorsque nous commémorons l’holocauste, de quoi précisément devons nous nous souvenir? De deux choses à mon sens. Nous devons nous rappeler le caractère unique de l’Holocauste. Ensuite, nous devons en tirer des leçons applicables à d’autres atrocités.

En parlant d’autres atrocités, nous n’avons malheureusement que l’embarras du choix, tellement les exemples sont nombreux. Je vais m’attarder sur un seul, comme une étude de cas. C’est la preuve irréfutable que des dizaines de milliers de pratiquants du Falun Gong ont été tués en Chine, pour leurs organes qui sont vendus à des patients en attente de greffe. C’est, je crois, un exemple instructif parce que les nazis allemands de l’époque étaient— tout comme les communistes chinois le sont aujourd’hui — dans des gouvernements de pays mondialement puissants.

Dans les annales humaines, l’Holocauste reste une expérience unique. Les fausses analogies, assimilant d’autres atrocités à l’Holocauste, sont des pièges à éviter. Et pourtant, nous ne devons pas non plus isoler l’Holocauste du reste de l’expérience humaine.

Le caractère unique de l’Holocauste résidait dans sa déconnexion d’avec la réalité. D’autres génocides naissent de conflits politiques et ethniques. Alors que le meurtre d’innocents est toujours irrationnel, on peut voir, avec d’autres génocides, la politique qui a conduit au génocide. En revanche, avec l’Allemagne nazie, il n’y avait pas ce contexte ou une explication. Selon l’historien Yehuda Bauer : «C’est bien la première fois dans l’histoire, que la motivation [du génocide] avait peu, voire aucun lien avec des facteurs économiques ou sociaux, mais était purement idéologique. Et l’idéologie a été totalement déconnectée de la réalité».

L’Holocauste n’est cependant pas à exclure du reste de l’expérience humaine.

Le génocide des juifs était sans précédent de par son ampleur, de par la volonté de tuer chaque juif, quelque soit son âge et peu importait sa proximité ou son éloignement du judaïsme et de la communauté juive. La conversion au christianisme ou même au nazisme, le mariage mixte, ou le fait d’avoir des amis nazis dans les hautes sphères, l’adoption d’enfants juifs par des parents non juifs, n’ont pu arrêter la machine à tuer nazie. Rien ne pouvait l’arrêter.

L’exposition des chaussures d’enfants à Auschwitz est déchirante, en raison du grand nombre de chaussures certes, mais parce qu’elle rappelle la détermination des nazis à tuer des enfants. Sur les six millions de morts de l’Holocauste, environ deux millions étaient des enfants. Les rapports de terrain nazis répertoriaient les juifs assassinés et établissaient une liste précise du nombre d’enfants tués comme preuve de l’accomplissement de leur mission.

  • Quelques jours avant le 70e anniversaire de la libération du camp, un homme marchant dans la neige passe près de l’entrée de l’ancien camp de concentration nazi d’Auschwitz-Birkenau. On peut lire cette phrase au-dessus de l’entrée: «Arbeit macht frei» («Le travail rend libre») à Oswiecim, Pologne, le 25 janvier 2015. (Carsten Koall/Getty Images)

Des enfants en grand nombre sont tués, dans beaucoup d’autres génocides. Mais jusque-là, dans aucun génocide, les enfants n’avaient été une cible pour la seule raison qu’ils étaient vivants. L’historien Yehuda Bauer constate à nouveau que: «Pour la première fois dans l’histoire,  toute personne considérée par les acteurs nazis comme étant membre du groupe cible, donc juif, devait être tué pour avoir commis le crime d’exister».

Avant et après la Seconde Guerre mondiale, les autres massacres se sont produits dans un contexte local, territorial, voire national. L’Holocauste par sa portée illimitée et par son ampleur globale a été sans précédent.

Jamais auparavant, ni depuis lors, un groupe d’individus n’a essayé de conquérir le monde afin d’exterminer tous les membres d’un autre groupe. Pratiquement tous les pays du monde ont été complices du crime de l’Holocauste, soit en participant directement aux massacres soit en refusant d’accueillir les juifs. Certains ont même octroyé l’asile aux meurtriers nazis. La portée mondiale du génocide, une haine envers un peuple, qui s’est infiltrée dans tous les coins et recoins du globe, était unique avant l’Holocauste et n’a plus été atteint depuis. L’Holocauste n’était pas seulement un crime contre l’humanité. C’était un crime de l’humanité. L’Holocauste, c’était un acte de folie dans lequel le monde entier était devenu fou.

Qu’apprenons-nous de l’expérience de l’Holocauste, que nous pouvons appliquer à l’assassinat des membres du Falun Gong pour leurs organes? Contrairement aux nazis et à leurs victimes juives, le Parti communiste chinois ne cherche pas à conquérir le monde par la force des armes pour tuer les pratiquants de Falun Gong à travers le globe. Pourtant, le Parti communiste chinois et ses organes d’État chinois, par leurs ambassades, leurs consulats, leurs multinationales et leurs instituts Confucius, incitent à la haine et à la discrimination contre les pratiquants de Falun Gong dans le monde entier.

Contrairement aux traitements infligés aux victimes juives par les nazis, le Parti communiste chinois accepte les conversions: si un pratiquant abandonne le Falun Gong, y renonce par écrit, arrête la pratique, fait l’éloge du Parti communiste et dénonce ses compagnons de pratique, alors il peut échapper aux tortures du Parti communiste, à la détention et à l’exécution arbitraire pour le prélèvement de ses organes.

Contrairement aux massacres des juifs par les nazis, les meurtres de pratiquants de Falun Gong pour leurs organes ont un lien avec la réalité même si ce lien est pervers. Le Falun Gong est un ensemble d’exercices avec un fondement spirituel basé sur les enseignements de Li Hongzhi, rendu public en 1992. Il incorpore et met à jour la pratique des traditions bouddhiste et le taoïste. À ses débuts, le Falun Gong était soutenu par le Parti communiste pour ses bienfaits sur la santé, avant d’être interdit en 1999.

L’aspect spirituel du Falun Gong entre en contradiction avec l’athéisme du Parti communiste. Le lien qu’entretien le Falun Gong avec les traditions chinoises contraste avec l’occidentalisation et la modernisation du communisme. Mais par dessus tout, c’est la popularité grandissante du Falun Gong, qui a rendu jaloux le Parti communiste et réveillé sa peur d’échouer à maintenir sa propre suprématie idéologique.

Le Parti a lancé une campagne de dénigrement à l’encontre du Falun Gong pour justifier son interdiction. Cette campagne de dénigrement a mené à la dépersonnalisation et à la déshumanisation qui rendent le meurtre des pratiquants du Falun Gong plus facile pour leurs geôliers. Lorsque le Parti communiste a arrêté de subventionner le système de santé, suite à son passage du socialisme au capitalisme, les hôpitaux et les médecins se sont retrouvés en difficulté. La vente d’organes prélevés sur des prisonniers du Falun Gong comble ce besoin financier.

Malgré ces différences entre l’Holocauste et les meurtres de pratiquants du Falun Gong pour prélever leurs organes, il y a des similitudes. L’Holocauste a pu se produire parce qu’il y avait des racistes au pouvoir en Allemagne certes, mais aussi parce que les gens ordinaires à travers le monde, ont collaboré ou sont restés indifférents. Analyser l’Holocauste comme un récit mêlant démons, anges, monstres et héros est une erreur. Cela surpasse toute histoire des gens ordinaires. Les principaux responsables de l’Holocauste étaient des Allemands ordinaires. Ils étaient cependant loin d’être les seuls responsables.

Sur les six millions de Juifs tués dans l’Holocauste, 210.000 étaient des citoyens allemands et autrichiens. Dans les autres régions les nazis ne connaissaient ni les langues locales, ni les lieux, ni les personnes. Dans ces endroits, ils comptaient surtout sur la police locale, le personnel administratif et les fascistes organisés en milices pour débusquer les juifs et les envoyer aux camps de la mort. Sans cette collaboration active de dizaines de milliers de personnes, et l’indifférence passive de millions d’autres, les nazis n’auraient pas pu accomplir leur mission mortelle.

 

 

 

Version originale: Commemorating the Holocaust

 

 

 

 

Plus de 204 717 860 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.