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Laissez-nous rêver la fiscalité

Écrit par Aurélien Girard, Epoch Times
23.02.2015
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  • Jean-Claude Juncker, nouveau président de la Commission européenne le 12 février 2015 à Bruxelles. (John Thys/AFP/Getty Images)

Première année de cours à Sciences Po: Le grand attribut des États, avec celui de faire rendre justice et d’organiser la défense du pays, est leur capacité à lever l’impôt. Mesuré à cette aune, le droit pris par de grandes multinationales exerçant en Europe de ne pas s’y soumettre pourrait être la marque de leur supériorité sur les gouvernements. Celle-ci s’accepte, ou pas, fonction des époques ou des pays. Le «Luxleaks», révélé au mois de novembre dernier, a montré que le Luxembourg n’y voyait pas d’inconvénient, compensé qu’il était par la création d’emplois qui a suivi l’implantation sur son sol du siège européen de centaines de grands groupes internationaux. Car si les (grandes) entreprises peuvent parfois s’exempter d’impôt, leurs salariés s’en acquittent diligemment – ce au moins jusqu’à un certain niveau de rémunération, au-delà duquel ils peuvent avoir recours à des moyens de contournement aussi discrets que ceux de leurs employeurs. Ainsi se fait la transition du Luxleaks – cas d’évasion des entreprises, au Swissleaks – cas d’évasion des individus.

Jean-Claude Juncker, nouveau président de la Commission européenne directement entaché par les révélations sur les outils d’évasion fiscale au Luxembourg, a eu beau rappeler que vingt-deux pays de l’Union disposent d’outils fiscaux comparables à ceux du Luxembourg, le message ne passe pas. Grosse bagarre à Bruxelles: entre les tolérants et les rigoristes, entre la Commission européenne et son parlement, depuis novembre dernier, le débat s’agite autour de la création d’une commission d’enquête sur l’optimisation fiscale, et sur son champ de manœuvre; le 18 février, le débat s’est conclu par la création d’une commission spéciale de 45 députés, qui a six mois pour réaliser une cartographie des pratiques d’optimisation dans les pays de l’Union – sans qu’aucun de ceux-ci ne soit contraint à lui fournir la moindre information qu’il jugerait trop sensible.  C’est donc un petit, tout petit pas en direction du vieux rêve d’harmonisation fiscale européenne.

Le terme même «d’évasion» cité plus haut est caractéristique: la fiscalité serait donc une prison, douce ou dure fonction des pays, mais une prison toujours dont l’homme non résigné aurait le devoir de s’échapper? Légitimité, ou pas, du prélèvement fiscal? Grand spécialiste du sujet, Colbert aurait dit lui-même que «l'art de lever l'impôt consiste à plumer les oies sans trop les faire crier.» La question de légitimité, et donc d’acceptation de l’impôt, revient sans doute à la bonne utilisation de celui-ci: pour une entreprise, sera-t-il une forme d’investissement partagé permettant le développement d’infrastructures utiles au commerce, ou une confiscation? Pour un particulier, permettra-t-il l’accès à des services publics essentiels, bien organisés et optimisés? Ou, dans les deux cas, servira-t-il à maintenir ou faire grossir des systèmes lourds, complexes, étouffants? Comme un organisme humain dans son environnement, l’État trop gras vit aux dépens de son peuple. Pour être efficace et respecté, il se doit d’être mince, souple et réactif.  Vue sous cet angle, la question centrale n’est peut-être pas tant celle de la sécurisation des entrées fiscales que celle du désordre métabolique des États – ou des unions – qui les consomment.

 

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