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Vandana Shiva, une femme pour une Terre en Paix

Écrit par Sandra Kunzli, Epoch Times
15.03.2015
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  • Vandana Shiva pendant la semaine de l’Environnement dans les jardins du palais présidentiel à Berlin, Allemagne, le 5 juin 2012. (Adam Berry/Getty Images)

Prix Nobel alternatif en 1993, agroécologiste, écoféministe, aussi célèbre dans son pays qu’aux États-Unis, Vandana Shiva, à l’âge de 62 ans, parcourt les terres d’une Inde dévastées par les pesticides.

Prônant la désobéissance civile et la non-violence, héritage de la philosophie gandhienne, elle redonne espoir aux autochtones submergés par les dettes envers les multinationales telles que Monsanto qui ont conduit un grand nombre de paysans à la vente d’un rein ou au suicide par ingestion de pesticides.

Elle récolte les semences autochtones indiennes et himalayennes et les redistribue aux familles dépossédées, afin de leur permettre de pouvoir survivre à la famine et les rendre à nouveau autonomes. Symbole d’espoir pour certains, ennemie numéro 1 pour d’autres, Vandana Shiva est une femme pleine de bravoure qui consacre sa vie aux hommes et à la nature, avec un intarissable sourire.

Un parcours atypique

Vandana Shiva est issue d’une famille d’érudits. Son grand-père, Mukhtiar Singh, s’est battu pour l’éducation des filles et contre la fermeture de leur école, bravant les idéologies brahmanes.

Sa mère, Jagbir Kaur, inspectrice d’éducation, cultivait sa terre et refusait d’acheter ce qu’elle pouvait produire. Elle ramassait des feuilles, des baies et expliquait à ses enfants leurs vertus culinaires, médicinales, agricoles, etc. Elle organisera les réunions du mouvement de femmes Chipko (littéralement: encercler, enlacer les arbres), luttant contre l’agriculture intensive et le déboisement des forêts. Malgré la curiosité et le respect qu’inspirait cette famille, chacun participait à Chipko sans distinction de religion, de caste, de finance et de sexe.

Son père, d’un naturel méditatif, inspirait la confiance et le respect par son écoute patiente et son réconfort. Il était promu à une carrière militaire brillante, mais devint garde forestier sous l’influence de sa femme.

Vandana, élève surdouée, devient spécialiste en physique nucléaire vouée aux intérêts de l’énergie atomique. Elle tournera le dos à une carrière prestigieuse pour se consacrer entièrement à l’écologie, luttant activement contre le brevetage du vivant et la biopiraterie. Contre l’introduction des OGM en Inde, elle s’engage en faveur de la paix mondiale, la biodiversité et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Elle a converti des villages entiers à l’agriculture biologique.

Entourée d’experts reconnus et brillante physicienne, Vandana découvre un véritable trésor de connaissances poussé à l’extrême parmi les femmes «primitives ou arriérées»: la pratique quotidienne de la biodiversité, un mode de vie humble et respectueux de la nature, la préservation des animaux, des champs, des semences, des forêts, des rivières, rien de ce qui pouvait préserver la vie n’échappait à ces cueilleuses. Vandana formule une théorie: l’écoféminisme, des femmes qui ne donnent pas uniquement la vie biologiquement, mais aussi à travers leur rôle social, autour de la préservation et la reproduction des graines.

L’histoire de son combat pacifique pour la vie

Alors qu’elle arpentait, une dernière fois, les forêts de son enfance avant son voyage au Canada pour étudier la théorie quantique, elle n’y trouva que désolation. Les rivières avaient été détournées et asséchées pour les besoins de l’agriculture intensive. Les arbres qui n’avaient pas succombé avaient été rasés pour les chantiers de l’industrie extractive. Le choc fut si intense qu’il en devint physique et ancra définitivement son engagement dans le mouvement Chipko.

«Se battre contre un ennemi, aussi injuste et abject soit-il, ne légitime pas qu’on lui fasse violence», disait Gandhi. Alors que les tronçonneuses vrombissaient dans les montagnes himalayennes, afin d’abattre 300 frênes pour le compte d’une entreprise d’équipements sportifs, chaque arbre a été encerclé et protégé par les manifestants prêts à mourir pour leur forêt. Après six mois de lutte acharnée, la compagnie a rebroussé chemin. Ce fut le prélude de nombreux combats.

À la suite de ses recherches sur les effets d’une industrie minière, dans la vallée de Dun, demandées par le ministère de l’Environnement, on vit apparaître la première décision légale de la cour suprême de l’Inde en faveur de l’environnement. Le verdict fut: «quand le commerce détruit la vie, alors ce commerce doit cesser et la vie continuer».

Malgré les menaces envers le fils et le père de Vandana, les agressions à coup de barres de fer, de chaînes, de jets de pierre, les femmes pacifistes de Chipko ne reculent pas et 53 des 60 carrières finissent par fermer. Bientôt, elle se rend dans la région mouvementée du Pendjab. Elle parvient à démontrer la violence de la Révolution verte, cette modernisation de l’agriculture apparemment prometteuse, détruisant la sécurité alimentaire des paysans, devenant le lit du terrorisme et de la violence (assassinat d’Indira Gandhi, catastrophe industrielle fauchant des milliers de vies, sécheresse…). La ruine des paysans, les méthodes intensives amplifiées par l’érosion et l’assèchement des ressources en eau confortent Vandana en faveur de l’agriculture biologique et la défense des variétés locales des graines.

En 2002, la compagnie Coca-Cola, installée au Plachimada, a connu la détermination des femmes illettrées et des petits paysans dont le sit-in a duré deux ans. Coca-Cola avait l’autorisation de produire, chaque jour, 561.000 litres de soda sachant que chaque litre nécessitait l’utilisation de 3,8 litres d’eau. Sans compter la baisse du niveau de l’eau, les tests d’un laboratoire ont démontré que l’eau aux abords de l’usine était impropre à la consommation, aux champs, aux animaux, à la toilette et au lavage des vêtements.

Ainsi le pouvoir de la non-violence eut encore raison d’une des plus grandes multinationales. En 2005, en écho à Plachimada, 100.000 manifestants se sont réunis autour des 87 usines Coca-Cola et Pepsi, les exhortant à quitter l’Inde définitivement, laissant derrière eux les actes criminels de privation d’eau potable pour les populations, de pollution des terres et des rivières, l’empoisonnement de milliers d’humains et d’animaux.

  • Le prince Charles en compagnie de Vandana Shiva lors de la visite de Navdany’s Earth University le 7 novembre 2013. (Raveendran/Getty Images)

Une dictature sur la vie

C’est en 1987, en Haute-Savoie, que se tient le premier débat mondial sur les modifications génétiques et le refus du brevet sur le vivant. Très vite, Vandana Shiva comprend qu’il s’agit de breveter des semences anciennes dont un laboratoire aurait inclus des gènes de variétés obtenues par des agriculteurs. Comment serait-il possible qu’une entreprise puisse s’approprier une graine indienne et y déposer un brevet? Comment une entreprise pourrait-elle priver les paysans indiens de leur pesticide naturel et traditionnel (tel que le margousier) en déclarant qu’il est devenu une innovation de cette multinationale? Ces connaissances ancestrales et partagées depuis la nuit des temps, seraient-elles maintenant enfermées dans des brevets?

La militante comprend très rapidement qu’une dictature sur le vivant est en marche, assujettissant le monde entier. Les paysans se verraient prochainement dépossédés de leur liberté d’échanger leur savoir, leurs graines, de les conserver et de les vendre, privés de ce qui marque la première chaîne alimentaire.

La graine devient alors son nouveau combat pour les vingt prochaines années, le symbole de sa résistance. La collecte de milliers de variétés de graines commence très rapidement afin de les protéger et de les redistribuer aux paysans. Ainsi, avec l’aide de l’organisation européenne Bread for the world, elle crée l’association Navdanya (les neuf graines ou le don renouvelé).

À la suite des mauvaises récoltes, du désespoir et des endettements, des villages entiers se sont tournés vers Navdanya afin de se convertir à l’agriculture biologique. Rapidement, la banque de semences aide 500.000 agriculteurs. 54 autres banques rattachées à Navdanya se développent en Inde. En 2002, l’université des graines appelée Bija Vidyapeeth (École de la Graine ou Université de la Terre) voit le jour.

Une lutte pour la vie

Inlassable, Vandana Shiva voyage, dénonçant les brevets des grandes firmes telles que Monsanto, Grace, Rice Tech (…). Elle révèle au monde entier, les 250.000 suicides par an qui frappent les paysans ainsi que l’acharnement des forces de l’ordre sur les communautés tribales.

L’ironie du sort a voulu que cette femme, imprégnée de non-violence, supporte une vie de combat, sans relâche, au nom de la vie. Alors que nous associons le mot «guerre» à de plus en plus de pays, Vandana ne cesse de rappeler que la plus grande guerre est celle que l’on mène contre la planète.

Plus de 204 717 860 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.