Jean-Pierre Vincent met en scène La Dame aux jambes d’azur à la Comédie -Française, une pièce de Labiche qui n’avait pas été montée depuis 1857.

Le rideau se lève, le metteur en scène annonce au public du Palais Royal que la première de La Dame aux jambes d’azur est annulée puisqu’elle n’est pas prête. Les spectateurs sont donc invités à assister à la répétition générale. «Les signes de désapprobation sont interdits, mais on peut applaudir», dit l’ancien comédien Arnal qui a décidé de passer à l’écriture et à la mise en scène. Dès lors, des événements burlesques et plutôt cauchemardesques s’enchaînent: le souffleur est remplacé par un machiniste qui ne sait pas lire, le rôle de la princesse est interprété par une fille sans manières qui mange sa saucisse et tricote sur scène. Le doge de Venise, quant à lui, devant déménager en urgence, cherche un appartement dans un Paris en pleine crise de logement. Un confrère, spécialiste du Vaudeville intervient dans la mise en scène sans y avoir été invité et le duc d’Este arrive avec son chien à la répétition. Bref, un vrai cauchemar pourles acteurs et le metteur en scène. C’est d’ailleurs sur cet effet de cauchemar que Labiche construit sa mécanique du rire, usant du décalage et de la dérision jusqu’à l’absurde.

Le théâtre se moque du théâtre

Cette  pochade vaudevillesque très peu connue de Labiche, et mise en scène au ralenti par Jean-Pierre Vincent ridiculise le monde du théâtre, comédiens, directeurs ou auteurs, se moquant de leurs ambitions, de leurs craintes et de leur égo démesuré, sans épargner  les stupides drames romantiques à la mode et la petite bourgeoisie du seconde Empire qui les applaudie.

Labiche a écrit cette pièce avec Marc Michel, comme d’ailleurs une grande partie de ses pièces, il la crée pour ses acteurs qui ont prêté ici leurs vrais noms aux personnages. Ainsi Labiche écrit une pièce de théâtre qui reflète l’univers du théâtre, une mise en abyme, «un théâtre dans le théâtre».

La Dame aux jambes d’azur a été créée en 1857 un mois après le grand succès de Labiche L’Affaire de la rue de Lourcine, au théâtre du Palais Royal, une pièce dans laquelle Labiche dépeint sans pitié la société de la petite bourgeoisie bornée, prétentieuse, sordide voire criminelle. Dans La Dame aux jambes d’Azur, Labiche envoie ses flèches sarcastiques vers l’incompétent et prétentieux auteur et metteur en scène Arnal qui sert à l’occasion de petit bourgeois.

Une pièce toujours actuelle

Jean-Pierre Vincent se tourne  pour la troisième fois vers Labiche après L’Affaire de la rue de Lourcine (1966) avec Patrice Chéreau et La Cagnotte (1971). Cette fois-ci, l’ancien administrateur de la Comédie Française fait jaillir une pièce des oubliettes, car depuis 1857 La Dame aux jambes d’azur n’avait plus été à l’affiche.

Jean-Pierre Vincent relève avec adresse le plus hilarant de la pièce, que certains diraient vieillie. La nature humaine reste toujours la même, difficile à surmonter dans sa grandeur et dans sa petitesse, qu’elle se présente  chez la petite bourgeoise ou dans le milieu théâtral. La pièce créée en 1857 est encore pertinente et drôle. De même, les appartements à Paris sont toujours difficiles à trouver.

Une pièce adaptée au jeune public

La Dame aux jambes d’azur,  c’est 55 minutes de plaisir simple, avec un humour à la portée des petits et des grands, ni trop sophistiqué ni trop vulgaire. Jean-Pierre Vincent compare la pièce aux grands burlesques américains, comme les films de Laurel et Hardy ou des Marx Brothers. Présentée à 18h30, la pièce est recommandée au jeune public à partir de 9 ans.

INFOS PRATIQUES

Date: jusqu’au 8 mars

Lieu: La Comédie-Française Studio-Théatre

Dans la galerie du Carrousel du Louvre

De: Labiche

Mise en scène: Jean-Pierre Vincent

Avec: Gilles David, Gérard Giroudon, Claude Mathieu, Jérôme Pouly, Benjamin Lavernhe, Noam Morgensztern, et à la musique Pascal Sangla et Philippe Briegh.

Réservation: 0825 10 16 80