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Ivanov

Du 7 avril au 3 mai à l’Odéon

Écrit par Michal Bleibtreu Neeman, Epoch Times
17.04.2015
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  • Ivanov. Marina Hands, Micha Lescot. (Ivanov © Thierry Depagne)

Lassitude, ennui, culpabilité, solitude et vide sont les ingrédients d’ Ivanov, la première grande pièce de Tchekhov.

A l’âge de 27 ans, Tchekhov écrit Ivanov, c’est sa première pièce à être jouée: Platonov, qu’il avait déjà écrite au lycée et de laquelle Ivanov est dérivée, avait été refusée. Quant à Sur la grand-Route, elle avait été censurée. En 1887, Ivanov est présentée en tant que «comédie» à Moscou. Le public est indigné. Tchekhov fait alors quelques adaptations et remanie le texte pour apaiser les esprits. En 1889, à Saint-Pétersbourg, après quelques changements, Ivanov n’est alors plus une comédie mais un drame.

Assis face au mur, dos au public, Ivanov, ce «Hamlet» tchekhovien, épuisé par la vie, entame la pièce dans la mise en scène saisissante de Luc Bondy.

Un symptôme révélateur

Ivan, Ivanovitch, Ivanov est tout le monde et n’importe qui. «Il y en a des milliers, des Ivanov… l’homme le plus normal du monde… pas du tout un héros», rapporte Korolenko, lors de sa visite chez Tchekhov en 1887.

Propriétaire incapable de gérer ses biens, utopiste qui n’a pas assez de caractère pour suivre ses idéaux, instituteur qui n’enseigne plus, mari et amant incapable d’aimer, Ivanov perd intérêt à tout ce qui l’entoure. Comme atteint de ce qu’on appellerait aujourd’hui un burn-out, il se détache de tout.

Mais Ivanov ne serait-il que le symptôme révélateur d’un mal plus profond touchant toute une société dans les lointaines bourgades de la Russie de la fin du XIXe siècle?

La société à laquelle appartient Ivanov, et de laquelle il est las, c’est la petite bourgeoisie nourrie d’idées reçues, d’antisémitisme, de sottises et de calculs mesquins. Elle trompe son ennui en jouant aux cartes et noie son désespoir dans la vodka. Les personnages posent tous leur regard sur Ivanov et attendent quelque chose de lui:

Lébédev, l’alcoolique, aimerait qu’Ivanov vive à sa place; Borkine, l’intendant brutal, souhaite qu’Ivanov lui laisse les mains libres pour gagner de l’argent ; Chabelski, le vieil oncle méchant et égoïste hébergé chez son neveu, veut fêter avec tous les autres et surtout ne pas rester enfermé pour tenir compagnie à la femme mourante d’Ivanov. La mère, quant à elle, est un Harpagon au féminin. Même Sacha qui propose à Ivanov de recommencer une nouvelle vie, se met à douter de son amour pour lui.

Ivanov est-il déprimé car entouré de gens vides et ignobles, vidé lui aussi sans trouver un sens à sa vie, ou est-il rongé par la culpabilité? En effet, Ivanov est marié à Sarah qui a quitté sa famille et sa religion pour lui et a même changé son nom en Anna Petrovna – interprétée magnifiquement par Marina Hands. Sarah et Ivanov vivent ensemble depuis cinq ans.

L’a-t-il épousée par amour ou dans l’espoir d’avoir une dot? Cette question le hante et plane sur la pièce. Pour les voisins malveillants et étroits d’esprit, la réponse est claire. Reniée par ses parents qui ne lui pardonnent pas sa conversion, Sarah arrive les mains vides chez son époux. Entouré de rumeurs, il semble qu’Ivanov qui l’a jadis aimée sincèrement, cède aux médisances et va jusqu’à la traiter de «salle youpine». Il lui annonce cruellement ce que lui cache le médecin ; elle est atteinte de la tuberculose et va mourir bientôt. 

Mais si Ivanov est cruel, c’est malgré lui, à cause d’une sorte de paresse, d’un mal-être qui l’accapare.

Avec son regard aiguisé, Tchekhov, qui était lui-même médecin, dissèque la société et l’âme humaine en les mettant à vif pour mieux nous les restituer. 

  • Ivanov. Premier plan, de gauche à droite: Yannick Landrein, Victoire Du Bois, Fred Ulysse. (Ivanov © Thierry Depagne)

L’art du paradoxe

Ses personnages sont habités par les paradoxes de l’existence. Le docteur Lvov, qui dit ses quatre vérités à tous, n’ose pourtant pas avouer son amour pour Anna Petrovna et est secrètement jaloux d’Ivanov. La dépression d’Ivanov ne l’empêche pas de succomber aux charmes de Sacha et de flirter avec elle pensant pouvoir échapper à ses créanciers grâce à une nouvelle dot alors que sa femme est mourante. Ces personnages n’inspirent pas la sympathie, Tchekhov ne les voit pas avec cette compassion qu’on retrouvera dans ses pièces ultérieures – Oncle Vania ou La Cerisaie. C’est encore un regard de jeune homme se dépouillant de ses illusions et souhaitant dénoncer le mal.

Quatre actes rebondissant

La scénographie suggestive vient renforcer les situations, avec des moments forts comme celui de la scène du mariage vu à travers la fenêtre, ou quand les portes et les cloisons se referment sur Anna Petrovna au moment où elle apprend que sa mort est proche, que son bien aimé en a choisi une autre, son espace se réduit, devenant de plus en plus étroit et suffoquant.

«Homme intelligent, réfléchissez un peu, d’après vous, rien de plus simple que de me comprendre… Je me suis marié avec Anna pour toucher une grosse dot ; la dot, on ne me l’a pas donnée, j’ai manqué mon coup, et, maintenant, je la raye de la surface de la terre pour me marier avec une autre et capter une autre dot… Oui? C’est tellement simple, tellement primaire… L’homme est une petite machine si simple, si bébête… Non, docteur, en chacun de nous il y a trop de rouages, de vis et de clapets pour que nous puissions nous juger les uns les autres sur la première impression, ou sur deux-trois signes extérieurs. Je ne vous comprends pas, vous ne me comprenez pas, et vous ne vous comprenez pas vous-même. On peut être un excellent médecin et, en même temps, ne pas du tout connaître les gens. Ne soyez donc pas si sûr de vous, accordez-moi ça.»

Ivanov, scène 6.

Du 7 avril au 3 mai 2015

Théâtre de l’Odéon

Paris 6e

Avec

Marcel Bozonnet - Lebedev

Christiane Cohendy - Zinaida Savicha

Victoire Du Bois - Sacha

Ariel Garcia Valdès - Chabelski

Laurent Grévill - Borkine

Marina Hands - Anna Petrovna

Yannick Landrein - Lvov

Roch Leibovici - Doudkine

Micha Lescot - Ivanov

Chantal Neuwirth - Avdotia Nazarovna

Dimitri Radochévitch - Gravila

Fred Ulysse - Kossykh

Marie Vialle - Babakina

et Coco König, Quentin Laugier,Nicolas Peduzzi,

Missia Piccoli, Antoine Quintard.

Décors: Richard Peduzzi

Costumes: Moidele Bickel

Lumières: Bertrand Couderc

Musique: Martin Schütz

Maquillages/coiffures: Cécile Kretschmar

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