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L’école Lingnan: le passage vers la modernité

Écrit par Michal Bleibtreu Neeman, Epoch Times
03.04.2015
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  • Chen Shuren (1884-1942) Lions en alerte au crépuscule, 1938. (© Hong Kong Museum of Art)

Du 20 mars au 28 juin, le musée Cernuschi consacre une exposition à la dernière grande école de peinture traditionnelle chinoise, l'école Lingnan.

Entre tradition et modernisme, l'école Lingnan a traversé les événements sociaux et politiques qui ont secoué la Chine au XXe siècle. Ses artistes sont les témoins de tous ces changements et leurs œuvres en portent la marque.

Au début du XXe siècle, les artistes Chen Shuren et les deux frères Gao, Gao Jianfu et Gao Qifeng, s'inquiètent de l'essoufflement politique et culturel de la Chine. Paradoxalement, c’est au Japon qu’ils partiront pour trouver une nouvelle peinture nationale chinoise.

Leur aspiration à mettre en œuvre une reforme picturale est indissociable de leur aspiration à voir aboutir une réforme politique. Ils trouvent leur inspiration auprès du mouvement japonais nihonga qui relie la tradition à la modernité, l’ichnographie et les techniques traditionnelles aux techniques occidentales.

Le jardin de la famille Ju

Mais tout commence à la fin du XIXe siècle dans la capitale de la province de Guangzhou, Canton. Canton est une ville très cosmopolite ouverte aux influences de l'Occident depuis le XVIe siècle. On y trouve même des techniques de peinture à l'huile.

C'est ici vers la fin du XIXe siècle que les artistes Ju Chao (1811-1865) et Ju Lian (1828-1904) cultivent un jardin dans leur domaine familial avec diverses fleurs, plantes, légumes mais aussi insectes, oiseaux et autres animaux. Ils y élaborent une peinture basée sur l'œuvre de l'artiste Yun Shoping (1630-1690), peinture sans os, à savoir sans traits de contours et au lavis.

Dans le jardin, ils peignent d'après nature et accueillent des disciples. Leur école est presque régionale car ils  peignent les fleurs, les oiseaux, les fruits et légumes issus de la faune et de la flore locale. Leur peinture est adaptée à la demande des commerçants locaux qui les exposent dans leurs établissements.

Le Rouleau aux cent fleurs est un excellent exemple de leur travail.  Dans ce chef-d'œuvre présentant cent espèces différentes de fleurs, la finesse du rendu et la précision sont remarquables. Cette peinture révèle les techniques zhuangshui et zhuangfen. La première consiste à vaporiser de l'eau avant le séchage de la peinture pour avoir des dégradés de couleurs subtils et un rendu naturaliste. La deuxième est basée sur la projection des pigments en poudre créant des auréoles aux nuances extrêmement fines. Des lavis avec des éléments très précis comme la représentation d’insectes.

  • Chen Shuren (1884-1942) Oies sauvages et roseaux, 1928. (© Hong Kong Museum of Art)

C'est dans ce jardin aux dix fragrances que les deux artistes fondateurs de l'école Lingnan, Chen Shuren (1884-1948) et Gao Jianfu (1879-1951) se forment avant d’intégrer quelques innovations comme l'effet de volume et d'ombrage à l'occidental. Quant au troisième fondateur Gao Qifeng (1889-1933), on ignore s’il a fréquenté le jardin des Ju.

Dans leur quête de nouvelles techniques, ils rejoignent le Japon.

La formation japonaise

Au Japon, ils sont sensibilisés au nihonga, école qui combine la perspective et les ombrages des volumes – tous deux empruntés à la peinture occidentale – au naturalisme japonais.

Les peintres japonais s'inspirent des peintres de l'école de Barbizon. Les peintres chinois apprennent donc des techniques occidentales par le biais de la peinture japonaise. Au japon, ils se familiarisent avec la pensée et la littérature occidentales.

En 1908, après un séjour au Japon, Gao Qifeng rentre en Chine pour participer aux activités révolutionnaires. Néanmoins, l'influence japonaise sur sa peinture perdure.

L'influence nihonga est si marquée dans les œuvres de ces artistes chinois qu'ils étaient souvent traités de copistes. Non seulement les techniques sont empruntées aux peintres japonais mais également les thèmes, l'iconographie, l'atmosphère ainsi que le style. La représentation de la lune dans le fond ou le pelage et le volume des animaux aux traits fins et la précision dans le rendu du corps sont typiquement japonais.

  • Gao Jianfu (1879-1951) Citrouille Fin des années, 1930. (© Hong Kong Museum of Art)

Dans Oies sauvages et roseaux (1928) de Chen Shuren, les oies au clair de lune octroient une atmosphère nocturne poétique, le bosquet d'herbes contribue à cet aspect poétique au premier plan et sert de repoussoir. Le thème, la composition en oblique, l'atmosphère poétique font que l'esprit de la peinture est japonais.

Dans Neige dans la gorge Wu de Gao Qifen (1916), l'œuvre s'apparente à la copie. Le thème des singes sur une branche, la composition basée sur une oblique et le traitement du volume des animaux sont issus d'œuvres du nihonga. L'influence japonaise est si grande que souvent même la symbolique prend une forme japonaise: alors que le canard mandarin représente l'harmonie conjugale en Chine, le peintre empreinte l'ichnographie japonaise, le coq et la poule. Il en est de même pour la représentation du lion.

Le rapport à la tradition

Une nouvelle peinture nationale, donc une nouvelle peinture chinoise, est née. L'innovation se manifeste dans de nouvelles interprétations de l'iconographie et la représentation des sujets exotiques comme les chaînes de montagnes de l'Himalaya ou le Gange, un goût pour une calligraphie expressive au détriment de l'élégance décorative.

Les animaux, lions et rapaces sont peints dans des positions dynamiques, symbolisant l'esprit révolutionnaire et créant une atmosphère dramatique. Tous ces animaux en position dynamique – avec des tensions musculaires – sont des symboles de l'esprit révolutionnaire. Des éléments anodins prennent alors une connotation politique.

Gao Qifeng peint des personnages religieux ou des lettrés de l'ancienne mode, essayant de  reprendre le modèle de l'époque Song et de le réinterpréter en ichnographie contemporaine. Poète du Sud (1932) de Gao Jianfu  en est un exemple.

La politique et la peinture

Gao Jianfu et Gao Qifeng s’impliquent dans la Tongmenghui, une société révolutionnaire clandestine fondée en 1905 par Sun Yat-sen (1866-1925). Ils participent directement à la mise en œuvre d’actions violentes pour mettre à bas l’empire Qing (1644-1911). Chen Shuren est aussi engagé dans la cause de Sun Yat-sen. Avec la fondation de la République, ils arrêtent leurs activités au sein du Guomindang mais les guerres et les souffrances infligées sont toujours présentées dans leurs œuvres. Gao Jianfu est, en effet, réputé être le premier artiste chinois à avoir représenté des avions et des tanks. Les références aux événements historiques contemporains constituent une nouveauté. Dans Citrouille (fin des années 1930), la citrouille pousse sur la route des cités en ruine suite à la guerre sino-japonaise; elle est liée à la destruction et au sentiment  mélancolique.

Pendant longtemps, l'école Lingnan a été mal vue, ses peintres traités de copistes, et faute de  postérité immédiate, son influence a été considérée comme mineure.

Aujourd'hui, l'école Lingnan est toujours vivante et se développe à Hong Kong, à Taiwan et au Canada. À ne pas manquer.

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