La campagne anti-corruption de Xi Jinping dans une phase déterminante

Écrit par Larry Ong et Matthew Robertson, Epoch Times
19.05.2015
  • (Feng Li/Getty Images)

Plusieurs signes montrent que la campagne anti-corruption du dirigeant chinois Xi Jinping est dans une impasse: le procès de l’ancien et tout-puissant patron de la sécurité intérieure est retardé; le patron de la lutte anti-corruption a prononcé un discours de ralliement pour éradiquer la corruption dans une province qui aurait déjà dû être «nettoyée»; tandis que les enquêtes et les purges dans le milieu des hauts responsables ne se font plus qu’au compte-goutte.

Selon les analystes, cette pause indique que la lutte intestine entre les factions du Parti est arrivée à un stade critique et que les décisions qui seront prises dans un avenir proche seront décisives. Elles conduiront à l’élimination complète des opposants à Xi Jinping ou à l’affaiblissement du pouvoir de ce dernier et à un règlement de comptes final.

Le magazine d’informations en langue chinoise Mingjing Magazine a récemment ajouté de l’huile sur le feu en publiant à la une de son dernier numéro un gros titre interpellateur: «Coup de frein dans la campagne de lutte contre la corruption; la chasse aux «gros tigres» suspendue». L’article laisse entendre que l’ancien dirigeant du régime Jiang Zemin et son proche lieutenant Zeng Qinghong ont réussi à mettre un terme à la campagne de purge du PCC dirigée par Xi Jinping et Wang Qishan, secrétaire du Comité central pour l’inspection disciplinaire du Parti communiste chinois chargé de la mise en œuvre de cette campagne.

L’article affirme que Zeng Qinghong ne permet pas que Zhou Yongkang, l’ancien patron de la sécurité chinoise, soit condamné à mort malgré que Zhou Yongkang ait reconnu avoir commis de nombreux meurtres. En outre, il exige que plusieurs hauts responsables, dont Ling Jihua, l’assistant de Hu Jintao, prédécesseur de Xi Jinping, ainsi que Guo Boxiong, ancien second responsable des forces armées, soient blanchis et ne reçoivent qu’une petite sanction en raison de leurs liens avec Jiang Zemin.

Mingjing tente également de remettre en question la légitimité de la campagne menée par Xi Jinping et Wang Qishan, pointant du doigt l’enrichissement présumé des membres de la famille de Xi Jinping. On ne peut pas distinguer clairement si l’article de Mingjing apporte une vraie information ou s’il tente de la créer sur l’ordre de certaines forces politiques en Chine. Dans les deux cas, les observateurs sont d’accord pour dire que la campagne anti-corruption de Xi Jinping semble avoir ralenti et que de nombreuses enquêtes visant de hauts responsables semblent être suspendues.

Selon Chen Pokong, auteur et spécialiste de la politique du régime communiste chinois, l’affirmation selon laquelle la vieille garde de Jiang Zemin et Zeng Qinghong est la cause de la paralysie actuelle de la campagne anti-corruption de Xi Jinping paraît crédible.

Dans une interview téléphonique, Chen Pokong a déclaré que la crise politique et le combat entre les deux adversaires Xi Jinping et Jiang Zemin pourraient être résumés par l’expression chinoise «Si tu meurs, je vis».

Depuis que le 100e «tigre» (terme utilisé par le PCC pour désigner les hauts responsables) Zhao Liping, ancien vice-président (du comité) de la Conférence consultative politique du peuple chinois pour la région autonome de Mongolie intérieure, a été arrêté en mars dernier, les arrestations ont presque cessé. On ne compte que deux autres responsables arrêtés depuis.

Selon South China Morning Post basé à Hong Kong, le procès de l’ancien membre du Politburo Zhou Yongkang a également été reporté parce que ce dernier serait revenu sur ses aveux.

Par ailleurs, du 8 au 10 mai dernier, Wang Qishan s’est rendu dans la province du Zhejiang, est de la Chine, alors que le plus gros «tigre» de la région – Si Xinliang, ancien vice-président (du comité) de la Conférence consultative politique du peuple chinois pour la province du Zhejiang – avait déjà été arrêté. Comme les visites de Wang Qishan précèdent habituellement des opérations locales de purge «anti-corruption», les observateurs chinois sont restés perplexes sur les raisons de la visite de Wang Qishan dans le Zhejiang alors qu’il aurait pu se rendre non loin de là à Shanghai, qui représente la base traditionnelle du pouvoir de Jiang Zemin, dans laquelle un certain nombre d’enquêtes et de purges ont déjà eu lieu. 

Chen Pokong affirme que Xi Jinping et Wang Qishan doivent vite accélérer l’application de leur campagne anti-corruption afin de déraciner la base des forces de Jiang Zemin avant qu’elles ne leur rendent la pareille.

Gao Wenqian, universitaire et auteur de la biographie de Zhou Enlai, a présenté son analyse de la campagne anti-corruption lors d’une discussion politique avec Voice of America.

«C’est une question de vie ou de mort pour Xi Jinping et Wang Qishan. Ils ont chevauché un tigre et ils ne peuvent plus en redescendre. La portée et l’ampleur de leur campagne a dépassé ce qu’ils avaient planifié et s’ils la mènent jusqu’au bout, le Parti communiste chinois pourrait s’écrouler. Mais s’ils l’arrêtent, ils pourraient être dévorés par le tigre.»

«Donc, ils ne savent plus comment progresser. Ils font un pas, annoncent quelque chose, puis font un autre pas et annoncent encore autre chose.»

Selon Chen Pokong, si Jiang Zemin, qui a presque 90 ans, tombe gravement malade ou décède, la tâche serait plus facile. Mais s’il continue à mettre des bâtons dans les roues de la machine de Xi Jinping, sans discontinuer jusqu’au 19e Congrès national du PCC en 2017, alors les dirigeants actuels feront probablement face à un «retour de bâton».

Chen Pokong fait une suggestion à ce propos: une alliance avec les libéraux et les réformateurs pour contrer les conservateurs.

«Actuellement, Xi Jinping essaie de combattre en même temps les conservateurs et les libéraux, ce qui ne lui simplifie pas la tâche», a précisé Chen Pokong. Mais s’il présente aux Chinois la lutte contre la corruption comme un véritable moyen de construire un État de droit, et s’il transfère réellement le pouvoir du Parti à des institutions réellement indépendantes, alors il ne s’engagera pas seulement dans une lutte interne du PCC, mais il mettra aussi la Chine sur les rails d’une gouvernance plus légitime.

Évidemment, Xi Jinping a un exemple positif à suivre, celui de Taiwan, que l’ancien Premier ministre Chiang Ching-Kuo avait petit à petit libéré de l’autoritarisme à la fin des années 1980.

Chen Pokong a conclu: «Si Xi Jinping fait preuve de sagesse, il s’alignera avec le peuple, bénéficiera de son soutien et son nom sera transmis à la postérité.»

Version originale: China’s Anti-Corruption Campaign Enters Crucial Phase