Conséquences de la politique de l’enfant unique ou le grand écart des générations

Écrit par Jenny Li, Epoch Times
20.05.2015
  • Wang Yinyin, portant son enfant, a déclaré: «Je dois m’occuper de huit personnes âgées de mon entourage, y compris ceux du coté de mon époux.» (Internet)

Il n’est pas facile de vieillir dans la Chine actuelle. La politique de l’enfant unique a en effet créé un déséquilibre entre la population jeune et la population âgée. Les jeunes, moins nombreux, ne peuvent pas s’occuper des aînés dont le nombre augmente.

Le canton de Rudong situé dans la province de Jiangsu dans l’est de la Chine est l’épicentre de ce phénomène causé par la politique de l’enfant unique. En effet, dans ce canton, la croissance de la population est en baisse depuis bien plus longtemps que partout ailleurs en Chine.

Les situations de souffrances des personnes âgées à cause de la politique de l’enfant unique sont flagrantes à Rudong et elles ont été confirmées par un rapport publié récemment sur les personnes âgées vivant en milieu rural.

Wang Yinyin est une maman de 28 ans vivant à Rudong. Selon un reportage du journal à diffusion nationale, Southern Weekly, dix-huit personnes représentant cinq générations différentes vivent sous son toit.

Treize d’entre elles ont plus de 50 ans contre seulement quatre jeunes adultes. Le décalage dans la répartition de la population par catégories d’âge est dû à la politique de l’État qui autorise un seul enfant par couple. Cette politique a été appliquée dans toute la Chine par des méthodes draconiennes, tels que de lourdes amendes, des stérilisations forcées et des avortements forcés, en cas de non-respect de cette loi.

Zhu Xuezhen, 92 ans, est la plus âgée dans la maison de Wang Yinyin. Elle est alitée depuis un an et ses deux filles, toutes les deux septuagénaires, s’occupent d’elle à tour de rôle.

Les huit membres de la troisième génération sont ceux qui apportent le plus d’argent à la maison. D’ici une décennie ou deux, ils deviendront, à leur tour, le plus gros fardeau pour leur descendance.

La quatrième génération de cette grande famille est née dans les années 1980. Produits de la politique de l’enfant unique, ils n’en sont qu’au début de leur vie et travaillent durement. Wang Yinyin fait partie de cette quatrième génération. Quant à sa fille, elle représente à elle seule la cinquième génération et elle est âgée de 4 ans à peine.

Wang Yinyina déclaré avoir la charge des huit membres les plus âgés de la famille, y compris ceux du côté de son époux. Pour le moment, la charge de travail est partagée. Dans cette famille nombreuse traditionnelle, où plus d’une dizaine de personnes de différentes générations vivent et mangent sous le même toit, les plus jeunes comptent en effet sur leurs aînés pour s’occuper les uns des autres, de sorte que ces jeunes puissent travailler et faire vivre tout le monde.

Exemple du canton de Rudong

Chen Youhua, professeur en démographie et sciences sociales à l’université de Nanjing a déclaré au Southern Weekly: «Le planning familial a débuté en Chine dans les années 1970 et la politique de l’enfant unique dans les années 1980. Le planning familial de Rudong a débuté, quant à lui, dans les années 1960. Une décennie plus tard, le taux de fertilité était déjà en chute libre avant même la mise en place d’une planification des naissances stricte dans les années 1980.»

Selon les autorités du canton, la population de Rudong a vingt ans de plus que le reste de la Chine.

La croissance négative de la population a débuté en 1997. Les données montrent que le canton de Rudong comptait 2.200 personnes de moins en 2014 par rapport à 2013. Le taux d’accroissement naturel de la population était alors négatif: - 3,62%.

Le directeur adjoint du bureau des affaires civiles du canton de Rudong, Cui Hongxia, a déclaré qu’à la fin de l’année 2014, 29,26% de la population du canton était âgée de plus de 60 ans, ce qui correspond à plus de 280.000 sexagénaires et plus. Selon la convention internationale de classification des populations par âge, une population est considérée comme «âgée» lorsque plus de 10% de la population a plus de 60 ans, c’est largement le cas pour Rudong.

Actuellement, 8.400 personnes âgées à Rudong peuvent être admises dans des maisons de retraite médicalisées. Cependant, la majorité des 4.292 lits des 14 municipalités de Rudong est vacante, la plupart des personnes âgées n’ayant pas les moyens d’y être hospitalisées.

Les tendances nationales

Alors que Rudong a vieilli plus rapidement que le reste de la Chine, ce canton n’est pas un cas unique.

Zhang Xiong, doyen du département des sciences humaines à l’Université des finances et de l’économie de Shanghai, a mené une enquête à grande échelle sur les conditions de vie des personnes âgées dans la Chine rurale. Le but de cette étude était de mieux comprendre cette problématique sociale de vieillissement de la population qui est en train de prendre de l’ampleur. Les résultats de l’enquête on été publiés le 21 avril dans un rapport présenté lors d’un séminaire à l’université.

L’équipe s’est rendue dans 731 villages de 31 provinces, agglomérations et régions autonomes, pour réaliser l’enquête. 10.421 questionnaires ont pu être complétés. Les personnes âgées ont été interrogées sur des thèmes relatifs à leur santé, leurs finances personnelles, leur vie sociale et l’accès aux services.

Le rapport montre que la grande majorité des personnes âgées chinoises sont prises en charge par leurs enfants, mais le nombre de seniors isolés est lui aussi en augmentation.

Au niveau national, près de 19,1% des foyers ruraux sont tenus par des personnes âgées.

Beaucoup de personnes âgées vivant encore chez elles ne sont pas retraitées, mais sont plutôt chargées de s’occuper de leurs petits-enfants dont les parents ont dû émigrer en ville pour travailler. 12% des foyers sont tenus par un jeune adulte et au moins un parent âgé.

Les difficultés les plus importantes mentionnées par les personnes âgées interrogées sont: les revenus limités, l’absence de services médicaux et hospitaliers adaptés à leurs faibles moyens financiers et un manque de soutien affectif de la part des membres de leur famille.

Le professeur associé Lu Feiyun a coordonné les équipes d’étudiants qui ont réalisé les enquêtes dans le district de Qingpu, situé dans la banlieue de Shanghai.

«Les problèmes sont à peu près similaires quelle que soit la province», a expliqué Lu Feiyun au Shanghai Daily. «Nous nous attendions à ce que le cadre de vie des seniors dans les villages autour de grandes villes comme Shanghai soit meilleur, mais les résultats ont plutôt démontré le contraire. Malgré leurs pensions plus élevées, les personnes des milieux ruraux de certains villages de Shanghai ne vivent pas mieux que ceux des autres provinces.»

La plus grande source de revenus des anciens provient de leurs enfants. Cette aide familiale correspond à 68,4% du total de leurs revenus, selon l’enquête. Le système de pensions rurales, les revenus fonciers et les économies sont les trois autres sources de revenus.

Les sommes d’argent provenant des diverses sources financières restent relativement faibles. A peine 9,9% des personnes interrogées ont déclaré percevoir une aide de plus de 300 yuan par mois de la part de leurs enfants. Ce qui correspond à 42,6 euros par mois. Beaucoup ont déclaré recevoir un soutien financier de façon irrégulière.

Le rapport mentionne que la terre constitue le bien le plus précieux pour les agriculteurs dans leurs vieux jours, alors que le système rural de pensions de retraite fait encore face au défi de sa propre pérennisation.

Les terres agricoles en Chine ne sont pas détenues par les personnes, mais par l’État. Les chercheurs ont recommandé que le droit à la propriété terrienne soit transféré aux agriculteurs. Les terrains pourraient alors représenter une source de revenus durables pour les fermiers retraités dans les zones rurales.

Version originale: One Young Woman Cares for 8 Elderly Relatives: A Legacy of China’s One-Child Policy