Bons baisers de Téhéran

Écrit par Arjang Hemmati et Mehran Khatibi, La Grande Époque - Téhéran et New York
21.02.2007

 

 

 

Ou la Saint-Valentin en Iran

Dans le monde des tchadors, des prières du vendredi et de la loi du régime islamique iranien, la Saint-Valentin devient une fête populaire parmi la jeunesse iranienne.

Le 13 février, dans le bazar Tadjrish, une des plus grandes zones commerciales de Téhéran, l’agitation était visible: étalages remplis pour la jeunesse iranienne en pleine préparation de la fête des amoureux.

  • un ours en peluche géant dans un magasin de Téhéran(Staff: BEHROUZ MEHRI / 2005 AFP)

 

Pour Armin, un étudiant de 22 ans, c’est la première année qu’il décide de faire un cadeau de Saint-Valentin. «Du chocolat, un film qu’il cherche depuis plus de trois ans et, probablement, un beau porte-clé», réfléchit-il à haute voix devant nous.

«Je n’achète pas de cadeaux dispendieux… seulement des choses qui, je pense, lui feront plaisir.» Tout en nous confiant ses plans, Armin fait remarquer: «Le problème, c’est qu’il y a une foule incroyable. Je ne sais pas comment je vais faire!»

Mohamad, 22 ans, étudie à l’Université Azad de Téhéran, il raconte qu’il va probablement emmener sa petite amie dans un restaurant ou un salon de thé cette année. Il ajoute qu’il y a quelques années, la Saint-Valentin n’existait pas en Iran. «C’est apparu soudainement. Je ne sais pas vraiment comment, mais personne, avant, ne savait que cette fête existait.»

Pour Mohamad «Reza», 21 ans, la journée est une occasion pour profiter de petits bonheurs. «En particulier, pour un pays comme le nôtre, les jeunes ont vraiment besoin de cette fête pour s’amuser un peu et transformer ces moments de joie en souvenirs.»

De nombreux jeunes Iraniens se trouvent chanceux de faire partie d’une génération qui voit un assouplissement des contraintes sociales. Les changements, bien que graduels, ont reçu un élan après que le réformiste Mohammad Khatami a été élu président lors des élections de 1997.

Les réformes ont permis aux jeunes hommes et aux jeunes femmes d’avoir davantage le droit d’être ensemble sans être autant dérangés par la «police morale» qu’auparavant; les femmes ont remarqué qu’elles pouvaient tirer leur voile plus en arrière sur leurs cheveux et porter des robes islamiques plus courtes et plus colorées – un élément vestimentaire qui reste cependant obligatoire pour toutes leurs sorties en public.

Hors du centre commercial, des drapeaux et des affiches qui ont été laissés là depuis les commémorations du 28e anniversaire de la révolution islamique – une semaine auparavant – rappellent que la fête occidentale est célébrée dans un pays dont le gouvernement ne cesse de critiquer l’Occident depuis qu’il est au pouvoir.

Mais pour Ghazale, 19 ans, le fait que la Saint-Valentin soit une importation occidentale ne pose pas problème: «Je ne crois pas aux frontières qui séparent différentes parties du monde. Une bonne tradition peut devenir universelle», dit-elle.

La jeune femme ne partage pas le sentiment anti-occidental du gouvernement iranien et espère que les relations avec l’Occident s’amélioreront.