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Attentats de Paris : la tension est palpable, mais « il faut continuer à vivre »

novembre 17, 2015 4:38, Last Updated: décembre 9, 2015 0:34
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Lundi, la capitale française se réveillait d’un week-end ténébreux. Les conversations étaient encore toutes imprégnées des attentats de samedi soir. « La vie continue, il faut continuer à vivre » semble être ici un refrain courant, aussi bien repris dans le tweet récent de François Hollande que dans les messages gribouillés sur les murs des monuments par les passants. Les Parisiens aimeraient passer à autre chose.

Généralement, dans tout évènement grave, il y a un dénouement, ou du moins, on sait à quoi s’attendre. En trois jours, on sait que 168 perquisitions administratives ont été d’ores et déjà menées, que sept terroristes sont morts, quatre sont identifiés, et un est en fuite. Mais pourtant, le dénouement brille par son absence. Les attentats marquent avant tout une confirmation, ils sont la suite logique de ce qui s’est passé en janvier, lors des attentats de Charlie Hebdo.

Plus effrayant que le 11 septembre ?

Angie Spivey et Rick Myers, un couple d’Américains, espèrent rentrer bientôt en Floride. Quand on lui demande ce qu’il ressent, Rick Myers raconte : « C’est une tragédie… C’est très différent du 11 septembre. Chez nous, c’était une attaque de grande envergure, puis c’était fini. Ici, ce sont de petites attaques, dans des endroits différents. On ne sait pas où cela va arriver, ni quand ça va finir. Il y a des patrouilles armées partout, maintenant. »

Angie Spivey et Rick Myers (David Vives/Epoch Times)

Angie Spivey, pour sa part, est contente d’avoir réchappée aux attentats – elle devait se trouver sur les lieux, mais le hasard fait qu’elle s’est retrouvée dans sa chambre à l’heure des assauts. « J’ai vécu à New York, pendant le 11 Septembre, pour moi, ce qui se passe ici est encore plus effrayant. Ici, tout le monde est encore très nerveux… Hier, nous étions au restaurant. D’un seul coup, il y a eu un vent de panique. Tout le monde s’est réfugié au fond du restaurant, on pensait que c’était une nouvelle attaque. »

De fausses alertes ont effectivement été rapportées. Elles en disent long sur la tension encore palpable sous le ciel parisien. Samedi soir, à la suite de pétards lancés à l’occasion d’un mariage près du Marais, un mouvement de foule a créé la panique sur la Place de la République, où de nombreux Parisiens veillaient près du monument. Dans le quartier de Jaurès/Stalingrad, des policiers ont également rapporté des « hystéries collectives » suite à une fausse alerte.

Pour Léa Morrin, les Français n’en sont plus maintenant à leurs « premiers drames ». « Le seul côté positif, c’est cette solidarité qui a émergé après Charlie Hebdo, et qu’on voit ici, il y a des Japonais, des Américains, pleins de gens qui viennent et se rassemblent, on ne voit pas cela tout les jours », indique la Parisienne, qui espère tout de même que la sécurité sera « renforcée ».

« On pense toujours que cela arrive chez les autres, mais pas chez nous. Après Charlie Hebdo, on s’y attendait. Cela a été l’élément déclencheur, je pense qu’après on était préparé à cette éventualité. Où ? Comment ? On ne savait pas, mais on savait que ça pourrait arriver… », confirme Stacy Gaultier.

« Il ne faut pas que ça nous empêche de vivre. »

Au 90 rue de Charonne, l’émotion est encore très forte devant le bar « La Belle Équipe ». Tout le monde ici connaissait quelqu’un qui a vu ce qui s’est passé –et beaucoup connaissaient quelqu’un qui est mort vendredi soir. Mohammed Elkrif, la soixantaine, peine à se remettre de ce qu’il a vu. « Quand il y a un anniversaire, dans ce bar, tout le monde vient le fêter. Cette fois ci, c’était l’anniversaire de Myriam, la patronne. Il y avait un monde fou. J’ai parlé au patron du magasin juste à côté du bar où il y a eu les tirs. À 19h30, je lui disais « tu va fermer ? » Il m’a dit « Après la prière, je fermerai ». Je l’ai ensuite rappelé, je lui ai demandé de fermer et de venir. Il a donc quitté son magasin à 21h30. A 21H37, ça a pété ».

90, rue de Charonne. adresse du bar « La Belle Équipe », visé par les attaques terroristes vendredi 13 novembre. (David Vives/Epoch Times)

C’est à ce moment-là que la Polo noire a fait irruption sur les lieux. Un homme est descendu par la porte arrière gauche et a vidé ses cartouches au hasard sur les gens assis. Puis il est reparti. « Un ami est arrivé et a pris une fille dans ses bras. C’était Oda Yana, la sœur de Myriam. Je pensais qu’elle était morte. Plus tard, à l’hôpital, on lui a dit qu’elle était blessée, mais nous ne savons pas où elle est actuellement. Par contre, on lui a confirmé que Myriam était morte ». Comme pour Oda, on demeure sans nouvelle de certaines personnes présents sur les lieux du drame.

Quant à l’agresseur en question, Salah Abdeslam, il a été identifié plus tard. Il est actuellement recherché par les forces de police, après avoir été aperçu en train de franchir la frontière belge.

Virgine Evina (David Vives/Epoch Times)

Sur la vitre criblée des balles des terroristes, des passants ont glissé des roses et des tulipes. Des dessins d’enfants sont déposés sur des monticules de bouquets. « Il n’y a pas de mots… on se met à la place des familles, on se met à la place des gens qui étaient là, qui n’ont rien pu faire. On ne sait pas ce qui va se passer dans les jours à venir. On va vivre dans la peur. Mais est-ce qu’on peut vivre comme ça ???! On a perdu un cousin, un ivoirien vigile, qui travaillait au Bataclan. » 

Jihav Kraïma, primeur au Jardin des Délices, au 118 rue de Charonne. (David Vives/Epoch Times)

Jihav Kraïma, primeur au Jardin des Délices, ne cache pas son agacement « On sent que c’est la guerre. Il faut être vigilant, unis, il ne faut pas que ça nous empêche de vivre. Il faut vivre, toujours…Les gens qui font ça n’ont ni religion, ni culture, ni racine, ni rien. Je suis Français d’origine tunisienne, musulman. Ces gens-là, on ne les reconnaît pas, personne ne les reconnaît. » 

« Ce qui arrive ici, ça arrive dans certains pays tout les jours »

11h45. Sur la Place de la République, le bruit de la circulation d’un lundi, étouffant et quasi perpétuel, ne saurait déconcentrer le groupe de personnes rassemblées autour du monument. Trois cercles concentriques sont formés et se renforcent progressivement autour des statues : les bougies et les fleurs, les Parisiens et passants, les caméras et véhicules des journalistes. À midi, la place est noire de monde. Une minute de silence, des applaudissements, puis chacun repart. La circulation reprend.

Une minute de silence, place de la République, ce lundi 16 novembre. (David Vives/Epoch Times)

Kitty Svoboda, une Suédoise habitant la capitale, est venue se recueillir. « Je ne suis pas vraiment effrayée. Mais avant je me disais : « Nous vivons en Europe, ce genre de chose ne peut pas nous arriver… », donc on ne sait pas vraiment comment réagir. C’est un vrai choc. Je suis sorti l’autre jour, on voyait la peur dans le regard des gens. C’est dur à décrire, comme un mélange de peur et de tristesse », explique-t-elle.

Kitty Svoboda. (David Vives/Epoch Times)

« Je pense qu’avant, les gens savaient qu’il fallait combattre le terrorisme, mais maintenant, on le voit dans toute son horreur. Cela rapprochera sûrement les Européens… tout le monde se sent prêt à soutenir la France, maintenant, peut-être que c’est un appel qui nous montre qu’on doit joindre nos forces, pour qu’on prenne soin les uns des autres », ajoute la jeune femme.

« C’est vrai, c’est déplorable », raconte Melas Israïm, qui pour sa part, regrette la politique du gouvernement. « Ils ont clamé haut et fort l’état d’urgence. Ce n’était pas la peine, pourquoi entretenir les gens dans la peur ? Il faut sortir, vivre ! Ne pas créer de psychose ! »

Melas Israïm. (David Vives/Epoch Times)

« Je pense que ça secoue un peu l’Europe, et la France… on a la chance de bien vivre, paisiblement tous les jours, on prend notre café, dans le bar, on profite de notre liberté. Mais ce qui arrive ici, ça arrive dans certains pays tous les jours. Au Congo, ça arrive tout le temps, il y a des Congolais qui tombent, il y a des milices et aucune stabilité. Et quand ça arrive ici, c’est comme si on était réveillé d’un coup… comme si on se réveillait d’une amnésie totale. »

Les parisiens, habitués aux « colis piégés » et aux métros en retard

En haut du funiculaire de Montmartre, des policiers regardent en contrebas. « Il me semble que l’atmosphère est retombée, non ? », commente Bernard, un touriste londonien. « Enfin, je ne suis arrivé que ce matin ». Effectivement, seuls le silence et le vent semblent régner sur la colline du funiculaire. Quelques familles circulent, les enfants jouent ; mais même dans cet endroit hors du temps, on ne voit pas grand monde sourire. Un couple de touristes japonais demande à un policier s’il peut les prendre en photo. Le policier s’exécute, s’y essaye à plusieurs fois pour bien cadrer, ses collègues s’amusent : « Tu as besoin d’aide ? ».

Au pied du funiculaire de Montmartre, les patrouilles de CRS et de militaires se croisent souvent. (David Vives/Epoch Times)

Un peu plus loin, dans le métro de Champs-Élysées Clémenceau, gendarmes, policiers et militaires se croisent, se serrent la main comme des équipes de foot adverses avant le match. Certains se recroiseront encore dans la journée. En fin d’après midi, 2 lignes de métro seront complètement bloquées, et 2 lignes afficheront un trafic perturbé, en raison d’alertes. « Nos agents sont en intervention sur un colis suspect à la station Oberkampf », entonnent les hauts parleurs.

Les parisiens ont l’habitude des « colis piégés » et des métros en retard. Les patrouilles militaires, Famas à la main font aussi partie du décor. Le plan Vigipirate a atteint son seuil maximum, suite aux attentats.

Emiliano Mario est archéologue à la société du Louvre. À 90 ans, cet ancien maître de conférence ne reconnaît ni son Moyen-Orient, ni sa France. « J’ai beaucoup voyagé entre la Syrie et l’Irak travaillé toute ma vie avec les musulmans. Je n’ai jamais eu de problèmes. Maintenant, je suis stupéfait, ça me dépasse des choses pareilles. Pourquoi, maintenant, on se pose la question ? Est-ce un problème politique ? Une répercussion de quelque chose ? Pour ma part, j’estime que c’est un crime ».

Emiliani Mario. (David Vives/Epoch Times)

« On vit dans un monde qui n’est plus celui des années 50 » regrette t-il. «  La France des années 50, c’était merveilleux. Tout ça c’est fini, je fais la différence. J’ai perdu un de mes amis à La Belle Equipe. Il prenait son café comme je le prends souvent. J’aurais pu être avec lui, mais j’‘étais au Louvre, et je l’ai échappée belle » dit il, le regard dans l’horizon. Avant de conclure « Il faudrait peut être plus de compréhensions entre les gens ».

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