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Opinion

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Aude Denizot : « L’examen du baccalauréat devrait être purement et simplement supprimé »

ENTRETIEN – Dans la continuité des annonces de sa prédécesseure, le ministre de l’Éducation nationale a détaillé au Parisien le 4 décembre une série de nouvelles règles visant à « redonner de la crédibilité au bac ».

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Avec l'aimable autorisation d'Aude Denizot.

Photo: Crédit photo : Sylvain Malmouche

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Durée de lecture: 7 Min.

Aude Denizot est professeure de droit privé à l’université du Mans et auteure de Pourquoi nos étudiants ne savent-ils plus écrire ? (Enrick Éditions, 2022). Toute mesure visant à durcir l’examen du baccalauréat n’a pas de sens puisque la notation ne veut plus rien dire, analyse-t-elle.
Édouard Geffray a indiqué que les candidats au baccalauréat ne pourront être admis au rattrapage s’ils obtiennent moins de 8/20. Il a, par ailleurs, précisé que « pour le bac 2026 et les suivants » le « coup de pouce maximum » sera « limité à hauteur de 0,5 point sur la moyenne générale à l’examen ». Ces mesures vont-elles, selon vous, dans le bon sens ?
Vouloir durcir le système de notation du bac est une bonne chose en soi. Tout le monde sait que l’examen a été vidé de sa substance et que la plupart des lycéens sont reçus.
Puis, le baccalauréat est aujourd’hui en proie à un phénomène particulièrement inquiétant, constaté par de plus en plus d’enseignants et de parents d’élèves : une augmentation du nombre de bons élèves sévèrement notés, alors qu’en parallèle, beaucoup d’élèves avec un très faible niveau bénéficient de l’indulgence des correcteurs. Il y a, de la part de certains correcteurs, une haine du bon élève, de celui qui écrit sans fautes d’orthographe.
Dans ces conditions, toute mesure visant à durcir la notation du bac n’a pas de sens puisque la notation ne veut plus rien dire. Pour ma part, j’estime que l’examen n’a plus lieu d’être et devrait être purement et simplement supprimé.
Comment expliquez-vous ce rejet des bons élèves par certains correcteurs ?
Je pense que certains correcteurs se doutent bien que l’enfant qui écrit sans fautes d’orthographe n’est pas un pur produit de l’instruction publique.
Ce sont d’ailleurs très souvent les élèves issus des écoles privées hors contrat qui sont malmenés lors de la correction des copies du bac. Je ne dis pas que c’est systématique, mais c’est une tendance qui s’accentue.
« J’estime qu’une copie qui n’est pas écrite de manière intelligible, c’est-à-dire avec un niveau d’orthographe, de syntaxe et de grammaire absolument déplorable, ne peut pas avoir la moyenne », a également déclaré le ministre. N’y a-t-il pas, de la part du ministre de l’Éducation nationale une prise de conscience concernant le niveau d’orthographe des élèves ?
Avant d’entrer au gouvernement, Édouard Geffray a été, entre 2019 et 2024, directeur général de l’enseignement scolaire. Autrement dit, il a mis en œuvre des politiques qui ont complètement discrédité l’apprentissage de l’orthographe, de la grammaire et de la syntaxe. Et aujourd’hui, en tant que ministre de l’Éducation nationale, il vient expliquer que les candidats au bac devront rendre des copies écrites sans fautes d’orthographe. C’est d’un cynisme absolu !
Vous avez parlé de la suppression du baccalauréat. Par quoi faudrait-il le remplacer ?
Comme je le disais, le baccalauréat a été totalement dévalorisé, notamment par la suppression des épreuves de langues et d’histoire-géographie et l’ajout du contrôle continu. Par ailleurs, c’est un examen qui coûte très cher. Ainsi, je pense que dans un premier temps, il est préférable de le supprimer.
Ensuite, il faut réformer l’école de fond en comble, c’est-à-dire rehausser le niveau, revenir aux fondamentaux et mieux former les correcteurs, faire en sorte qu’ils ne soient plus hostiles aux élèves issus des établissements privés hors contrat.
Une fois que l’école aura été profondément réformée, nous pourrons alors commencer à penser à la création d’un nouvel examen.
Sur votre chaîne YouTube, vous avez réagi à une interview d’Édouard Geffray accordée à BFMTV le 20 novembre, et avez pointé du doigt une erreur du ministre sur le test de fluence. Qu’est-ce que le test de fluence ? En quoi le ministre s’est-il trompé ?
Le ministre de l’Éducation nationale s’est trompé sur la définition de ce test que l’on fait passer à certains élèves du primaire et du secondaire. Il a indiqué que cette évaluation permettait de savoir si l’enfant savait mettre le ton et s’il avait compris ce qu’il venait de lire.
Or il s’agit uniquement d’un test de vitesse. Pendant une minute, l’enfant doit lire un petit texte le plus vite possible sans y mettre le ton. Plus l’enfant lit rapidement, sans écorcher les mots, plus sa note sera meilleure. Ce test est, en réalité, absurde et n’a aucun intérêt pédagogique.
Mais les consignes du ministère sont claires : on dit à l’élève qu’il ne doit pas mettre le ton et on ne l’interroge pas sur ce qu’il a compris. L’erreur du ministre est donc double, et le test est l’exact contraire de ce qu’il prétend.
Cette erreur aurait pu être mise sur le compte de la difficulté de répondre à une interview en direct, mais je note deux choses.
D’abord, c’est le ministre lui-même qui a pris l’initiative d’évoquer ce sujet, et non le journaliste.
Ensuite, j’ai retrouvé une vidéo de 2022 dans laquelle il se trompait déjà sur la définition du test de fluence.
De quoi cette erreur est-elle révélatrice ?
Elle traduit un manque de rigueur à la fois du ministre, mais également du ministère de l’Éducation nationale. Personne ne l’a repris alors qu’il affirme des choses fausses sur une grande chaîne de télévision. C’est particulièrement inquiétant.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.