Pourquoi cela nous fait mal de voir les autres souffrir

18 mai 2017 12:05 Mis à jour: 17 mai 2017 16:50

Le cerveau humain traite l’empathie – cette faculté à comprendre la douleur d’une autre personne – de la même manière que l’expérience de la douleur physique. C’est la conclusion d’un article qui a particulièrement examiné le ressenti de personnes qui en voient d’autres souffrir. Ces résultats pourraient bien s’appliquer aux autres formes d’empathie. En tout cas, cette étude pose un certain nombre de questions intrigantes : par exemple, est ce que la prise d’antidouleurs ou bien le fait d’avoir une lésion au cerveau sont susceptibles de réduire notre capacité à éprouver de l’empathie. The Conversation

Les chercheurs ont utilisé, pour leur démonstration, un dispositif expérimental plutôt complexe, comprenant notamment l’utilisation d’un appareil d’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) qui mesure les variations de l’afflux sanguin dans le cerveau. Cependant, l’imagerie cérébrale seule n’est pas en mesure de faire le lien entre douleur et « empathie vis-à-vis de la douleur ». Cela parce que dans les deux cas, les mêmes zones du cerveau s’activent. En partie parce qu’il y a, en général, beaucoup de chevauchements pour les régions cérébrales traitant des sentiments et de l’émotion. Une autre raison réside dans le fait que l’imagerie fonctionnelle ne mesure pas directement les mouvements de nos neurones, mais un flux de sang, que nous prenons comme indice d’une activité du cerveau.

L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle est l’un des outils utilisés par les chercheurs pour comprendre comment notre cerveau traite l’empathie.
KasugaHuang/wikimedia, CC BY-SA

Les auteurs ont donc choisi une nouvelle approche. Ils se sont intéressés au mode d’action de médicaments administrés aux personnes douloureuses, qui transforment la façon dont le cerveau perçoit douleur et empathie. Et se sont demandés s’ils pouvaient utiliser cela pour comprendre les similarités et les différences entre ces deux expériences.

L’étude repose sur deux expérimentations impliquant au total 150 personnes – un nombre inhabituellement élevé pour ce genre de travail. En effet, en raison du coût financier et des inconvénients de l’utilisation des IRM fonctionnels, les scientifiques recrutent en général de 20 à 30 personnes seulement.

Faux comprimé antidouleur

Chacun des participants a reçu un comprimé, qu’on leur a décrit comme étant un antidouleur sans prescription médicale, mais autorisé, d’un coût élevé et très efficace (pour s’assurer de l’efficience la meilleure). Cependant, dans la réalité, aucun volontaire n’a reçu d’antidouleur puisque le comprimé était un placebo. L’effet recherché, appelé « analgésie par placebo », est connu pour réduire effectivement et efficacement la douleur. Les auteurs de l’étude voulaient savoir si il affectait aussi la façon dont le cerveau perçoit la douleur et l’empathie vis-à-vis de la douleur.

Un second groupe de volontaires a également reçu le « placebo analgésique » et, 15 minutes plus tard, un second comprimé. Ce médicament inhibait les effets des antidouleurs. Mais on a dit le contraire aux participants en leur précisant que ce cachet allait renforcer l’action de l’antidouleur. De cette façon, ils ne pouvaient pas se douter d’un possible effet inhibiteur. Les scientifiques voulaient savoir si l’effet du « placebo analgésique » pouvait être inversé de la même façon qu’un vrai produit.

Après avoir attendu que le placebo antidouleur « fasse de l’effet », et vérifié qu’il avait « marché » pour tout le monde, les participants se sont engagés dans plusieurs expérimentations. Certains ont notamment reçu une courte décharge électrique sur le dos de leur main (son intensité avait été précédemment évaluée pour tenir compte des différences entre personnes dans les seuils de la douleur ; ce que nous appellerons « douleur individuelle »), tout en regardant l’image de quelqu’un de connaissance recevant le stimulus douloureux (nous baptiserons cela l’« empathie à la douleur »).

Les participants ont été divisés en deux groupes : l’un a reçu une vraie décharge, douloureuse (ou ont regardé quelqu’un la recevoir) ; l’autre un stimulus sans douleur. Celui-là a été administré de la même manière que celui qui faisait mal, mais à un niveau de courant plus faible.

On a demandé aux volontaires d’évaluer l’intensité de la douleur ressentie pendant qu’on leur appliquait (douleur individuelle) ainsi que le déplaisir éprouvé pendant qu’ils regardaient quelqu’un avoir mal (empathie à la douleur). Dans les deux cas, ils ont été examinés par IRMf.

Résultats ?

Dans la première expérience où seul le placebo a été administré, 53 personnes ont été soumises à une vraie douleur et 49 personnes à une fausse. Le placebo analgésique a réduit la douleur de tous les participants, ainsi que le déplaisir ressenti lors de la vision d’autres ayant mal. Dans le même temps, les résultats des IRMf ont montré que le réseau cérébral qui prend en charge la douleur est moins actif pour les douleurs imaginées que pour les réelles.

Dans la seconde expérience, où 50 personnes ont pris un comprimé supplémentaire, 25 ont avalé un produit inhibant l’effet des antidouleurs, 25 autres un placebo. La vraie médication a inversé les effets du placebo analgésique sur la douleur ressentie par les individus et sur l’empathie à la douleur, chacun des effets au même niveau. Cela confirme que les effets des prétendus antidouleurs peuvent être inversés de la même façon que ceux des vrais.

Tranches de cerveau vues par IRMf.
Genesis12/wikimedia, CC BY

Cela veut dire que l’empathie à la douleur est sans doute traitée de la même manière dans le cerveau que la douleur ressentie directement. Nous pouvons poser cette hypothèse car le médicament qui inhibe l’action des antidouleurs agit sur la douleur individuelle comme sur l’empathie à la douleur ; et parce que le placebo analgésique réduit l’empathie à la douleur de la même façon que la douleur. Les résultats des IRMf en sont une preuve supplémentaire.

Explorer encore le processus d’empathie

Ces résultats sont, de même, cohérents avec la théorie qui postule que l’empathie à la douleur est le résultat d’un processus qui conduit notre cerveau à simuler les ressentis d’une autre personne. Ils apportent également la preuve que les sentiments de douleur et d’empathie à la douleur naissent de processus cérébraux similaires.

De plus, les patient qui souffrent de lésions ou de maladies touchant les zones du cerveau impliquées dans le traitement de la douleur expérimentent souvent une baisse de leur capacité à ressentir de l’empathie. Cela suggère que la faculté à ressentir la douleur est nécessaire pour éprouver de l’empathie à la douleur.

Cette recherche pourrait être utile pour aller plus loin et explorer le phénomène d’empathie dans d’autres contextes. Par exemple, les scientifiques suggèrent de regarder si la douleur ressentie dans d’autres circonstances, mettons le rejet social, est traitée de la même matière. L’étude procure ainsi une occasion nouvelle pour examiner les sentiments de douleur et d’empathie, en menant ces deux expériences.

Une autre possibilité serait que la prise d’antidouleurs pourrait avoir un effet négatif sur l’empathie à la douleur, mais ce point demande plus d’investigation. Un moyen d’en savoir plus serait de comparer les résultats de la partie de l’étude utilisant les placebos analgésiques avec une autre, impliquant de vrais antidouleurs.

Rebecca S. Dewey, Research Fellow in Neuroimaging, University of Nottingham

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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