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Chine et Hamas : des liens qui ne peuvent plus être dissimulés

Comment Pékin a contribué aux capacités militaires, technologiques et diplomatiques du groupe terroriste responsable des attentats du 7 octobre.

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Mahmoud al-Aloul (à g.), vice-président du Comité central du Fatah, parti et organisation politique palestinien, serre la main du ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, lors d'une cérémonie organisée à la résidence d'État Diaoyutai à Pékin le 23 juillet 2024. Ce jour-là, Wang Yi célébrait un accord conclu entre 14 factions palestiniennes visant à établir un « gouvernement intérimaire de réconciliation nationale » pour administrer Gaza après la guerre.

Photo:  : PEDRO PARDO/POOL/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 18 Min.

COMMENTAIRE

La stratégie cachée : la Chine sur l’échiquier du Moyen-Orient

Pendant des années, la présence chinoise au Moyen-Orient a été décrite comme discrète, pragmatique et axée sur le commerce. Cependant, la guerre qui a éclaté après le 7 octobre a révélé une réalité bien moins rassurante : Pékin n’est pas un acteur neutre et sa politique régionale ne se limite pas aux déclarations diplomatiques. En coulisses, la Chine a tissé des liens militaires, technologiques et stratégiques avec des acteurs cherchant à déstabiliser Israël et à affaiblir l’influence américaine dans la région.
Le contexte géopolitique antérieur au massacre explique en grande partie cette dynamique. En 2023, un réalignement historique se dessinait : Israël s’orientait vers une normalisation complète de ses relations avec l’Arabie saoudite, un processus qui complétait le rapprochement déjà réalisé avec les Émirats arabes unis et Bahreïn grâce aux accords d’Abraham. Il en résultait la création d’un bloc régional de plus en plus aligné sur Washington et susceptible de redéfinir l’équilibre des pouvoirs au Moyen-Orient.
Parallèlement, les États-Unis, l’Inde et plusieurs pays arabes promouvaient le corridor économique IMEC, un projet d’infrastructure visant à relier l’Inde à l’Europe via les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, la Jordanie et Israël. Ce projet concurrençait directement l’initiative « la Ceinture et la Route » de Xi Jinping et menaçait d’établir dans la région un réseau de coopération économique hostile aux intérêts chinois. Du point de vue de Pékin, la progression simultanée des accords d’Abraham et de l’IMEC dressait un tableau stratégique de plus en plus défavorable.
Dans ce contexte, les attentats du 7 octobre ont eu une double finalité. Il ne s’agissait pas seulement d’un massacre visant à assassiner et kidnapper des civils israéliens ; il a également agi comme une bombe à retardement au cœur de ce réalignement régional. L’attaque a fait dérailler le processus de normalisation israélo-arabe initié par les accords d’Abraham, un processus contraire aux intérêts du régime iranien, et a simultanément gelé le cadre émergent Israël-Arabie saoudite-États-Unis lié au corridor IMEC, ce qui est clairement contraire aux intérêts stratégiques de la Chine. Le résultat a été précisément celui-ci : la normalisation est au point mort, le corridor est suspendu et une région se retrouve une fois de plus soumise à la logique de la guerre – un terrain bien plus confortable pour ceux qui préfèrent un Moyen-Orient fragmenté et dépendant.
Un rapport intitulé « Le soutien de la Chine au Hamas : preuves et actions » replace ce résultat dans un cadre plus large : celui d’une Chine qui, depuis des années, renforce sa coordination avec l’Iran et consolide sa présence économique, diplomatique et militaire dans la région, toujours avec un objectif sous-jacent très clair : affaiblir l’architecture de sécurité mise en place par les États-Unis et leurs alliés.
À partir de ce moment, la question n’est plus de savoir si l’Iran soutient le Hamas, un fait désormais incontestable, mais plutôt dans quelle mesure la Chine instrumentalise l’Iran et le Hamas dans une guerre par procuration contre Israël et, par extension, contre l’Occident.
Dans cette perspective, une enquête du journal The Algemeiner met en lumière les liens politiques, financiers et militaires entre Pékin et le groupe terroriste, sans jamais présenter la Chine comme un acteur neutre.

Tunnels, armes et entraînement : le soutien technique chinois à la machine du Hamas

Le 25 juillet 2024, un officier de l’armée israélienne visite un tunnel utilisé par le Hamas à Gaza pour des attaques transfrontalières. Selon de récentes révélations, une partie de cette infrastructure souterraine a été conçue ou renforcée grâce à l’expertise technique d’ingénieurs liés au régime chinois. (JACK GUEZ/POOL/AFP via Getty Images)

S’il y a bien une chose qui a déconcerté les analystes militaires depuis l’invasion israélienne de Gaza, c’est l’extraordinaire sophistication du réseau de tunnels de l’enclave : des centaines de kilomètres creusés, renforcés, segmentés et reliés à des lance-roquettes, des arsenaux et des centres de commandement.
Il ne s’agit pas de quelques tunnels de fortune, mais d’un système souterrain digne d’une armée régulière ayant accès à des connaissances pointues en ingénierie militaire. Cette réalité est difficile à expliquer sans l’apport de technologies, de conseils et d’entraînements extérieurs.
Plusieurs études s’accordent à dire qu’une grande partie de cette assistance technique provient de Chine. Des spécialistes de la guerre souterraine ont constaté que la conception et la complexité du métro de Gaza reproduisent des doctrines d’ingénierie militaire étudiées et utilisées par l’Armée populaire de libération.
Une analyse du Jewish Policy Center suggère que des conseillers militaires chinois ont pu apporter leur expertise en matière de guerre souterraine, et cette hypothèse est renforcée par les déclarations de Guermantes Lailari, ancien officier de l’US Air Force, publiées par NTD, dans lesquelles il décrit la structure des tunnels du Hamas en des termes qui font clairement écho aux doctrines chinoises.
L’élément le plus révélateur est survenu lorsque M. Lailari a affirmé que l’armée israélienne avait localisé deux ingénieurs de tunnels de l’Armée populaire de libération (APL) à Gaza, information initialement rapportée par le journaliste Ira Stoll.
Selon ce récit, la Chine a immédiatement fait pression pour obtenir le retour de ces ingénieurs avant même que les détails de leur mission ne soient rendus publics. Si cela s’avérait exact, cela impliquerait une présence militaire chinoise au sein du réseau de tunnels du Hamas, une ligne rouge qui transformerait la nature du conflit, car il ne s’agirait plus d’une aide abstraite, mais d’une intervention technique directe dans les infrastructures clés du groupe.
Cette dimension technique est renforcée par la formation des cadres du Hamas en territoire chinois. Mohammed Deif, architecte de l’attentat du 7 octobre et chef militaire du groupe, a été formé en Chine dans les années 1990, où il a étudié l’artillerie, les explosifs et les roquettes dans un centre d’ingénierie de l’Armée populaire de libération. Cette formation, documentée dans des analyses stratégiques retraçant son parcours, explique l’évolution tactique et technologique du Hamas au cours des deux dernières décennies, depuis l’utilisation rudimentaire d’explosifs artisanaux jusqu’au déploiement de roquettes et d’engins d’une précision et d’une puissance destructrice toujours croissantes.
Ces armes semblent également provenir de Pékin, si l’on en juge par les découvertes des forces israéliennes sur le terrain.
Des saisies documentées à Gaza ont révélé la présence de fusils QBZ, de lance-grenades automatiques, de systèmes de communication militaire et d’explosifs sophistiqués de fabrication chinoise utilisés par le Hamas. Une vidéo largement diffusée montre une partie de ce matériel récupéré dans des tunnels et des positions de combat. La logique du marché noir pourrait expliquer la présence sporadique d’armes isolées, mais les preuves de plus en plus nombreuses concernant le volume, la variété et la modernité de l’équipement chinois suggèrent un problème plus structurel.
Cette interprétation est précisément celle développée dans une tribune  de Newsweek qui décrit la présence d’importantes quantités d’équipements militaires chinois sophistiqués à Gaza et revient sur la question des ingénieurs de l’Armée populaire de libération chargés des tunnels. Selon cette interprétation, ce à quoi nous assistons à Gaza n’est pas un simple conflit local, mais un épisode d’une guerre par procuration où la Chine instrumentalise le Hamas dans le cadre d’une stratégie plus vaste contre Israël et les États-Unis.
NTD et Epoch Times ont insisté sur le fait que cette combinaison d’entraînement, d’ingénierie et d’armement correspond au mode opératoire de Pékin dans d’autres scénarios où il préfère opérer par le biais d’intermédiaires armés plutôt que de s’engager dans des conflits ouverts.
Une fois tous ces éléments réunis — ingénieurs spécialisés, formation des commandants, armement, technologie —, le tableau qui se dessine est celui d’une collaboration fragmentée mais cohérente.
La Chine n’apparaît pas comme un fournisseur unique ni comme un sponsor officiel, mais comme une source décisive de connaissances, d’équipements et de couverture, permettant au Hamas de construire, d’entretenir et d’utiliser le réseau de tunnels qui a surpris le monde et prolongé la guerre sous la surface.

Diplomatie hostile, discours numérique et légitimation politique

Le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi (à g.), donne une conférence de presse avec son homologue égyptien, Sameh Shoukri, dont le gouvernement accueille une délégation gazaouie pour les négociations de cessez-le-feu, le 3 août 2014 au Caire. (MOHAMED EL-SHAHED/AFP via Getty Images).

L’implication chinoise auprès du Hamas ne se limite pas aux tunnels ou aux armes. Elle s’étend également au domaine de la diplomatie et de l’information, où son impact est moins visible mais tout aussi décisif.
Depuis le 7 octobre, les porte-parole du gouvernement chinois ont adopté une position systématiquement critique à l’égard d’Israël, tout en évitant soigneusement de condamner le Hamas.
Dans le même temps, ils se sont alignés sur la rhétorique iranienne en présentant les attaques à la roquette contre Israël comme des actes d’« autodéfense » et ont apporté leur soutien diplomatique aux dirigeants du Hamas lors de réunions et de forums régionaux.
Un diplomate de haut rang est même allé jusqu’à déclarer que le Hamas fait partie du « tissu national palestinien », un message qui légitime politiquement un groupe responsable de l’un des pires massacres de civils du XXIe siècle. Ces positions ont été analysées en détail, notamment dans le Jerusalem Post, qui met en garde contre le revirement hostile de Pékin envers Israël et la nécessité de revoir les relations bilatérales.
Parallèlement, l’écosystème numérique chinois a joué un rôle perturbateur. Des plateformes contrôlées depuis Pékin, telles que TikTok, ont servi à diffuser des contenus viraux qui blanchissent le Hamas, diabolisent Israël et amplifient les messages antisémites, en particulier auprès des jeunes publics occidentaux.
Ce phénomène a été décrit avec une grande clarté dans l’analyse de Newsweek déjà citée, qui montre comment des vidéos justifiant ou minimisant le terrorisme contre Israël deviennent virales, tandis que la modération des contenus s’applique de manière très différente à d’autres discours.
Le Tianxia numérique et la guerre de l’information vont de pair : Pékin n’a pas besoin d’envoyer des troupes s’il peut façonner le discours mondial sur qui est la victime et qui est l’agresseur.
La chercheuse d’origine taïwanaise Yael Hsu a rassemblé une grande partie de ces fils dans son essai « Who’s helping Hamas ? » (« Qui aide le Hamas ? »), publié dans The Times of Israel. Au lieu de se concentrer sur un seul élément, Hsu montre comment l’aide technique, la complicité diplomatique et la manipulation de l’information se superposent, et comment la Chine s’inscrit dans ce réseau de soutien qui comprend l’Iran, le Qatar et d’autres acteurs.
Ses graphiques et ses schémas aident à visualiser ce qui, autrement, serait dilué dans des titres isolés : le Hamas ne se maintient pas et ne s’explique pas uniquement par le soutien de Téhéran ; il a également besoin d’un écosystème politique, économique et médiatique dans lequel la Chine a décidé d’occuper une place de plus en plus importante.
Pendant ce temps, en Europe, on continue de parler presque exclusivement de l’Iran. L’influence iranienne, bien que décisive, ne suffit pas à expliquer le bond qualitatif que le Hamas a réalisé en termes d’infrastructure militaire, de sophistication technologique ou de projection politique et médiatique.
L’implication de Pékin (formation, ingénierie, armes, couverture diplomatique, propagande numérique) est de plus en plus documentée, mais reste sous-représentée dans le débat public européen.

Une guerre souterraine et une puissance dans l’ombre

Cette image, prise lors d’une visite de presse organisée par l’armée israélienne le 8 février 2024, montre des soldats israéliens à l’intérieur d’un tunnel de commandement du Hamas sous un complexe de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) dans la ville de Gaza. Diverses sources de renseignement indiquent que certains de ces tunnels ont bénéficié de la participation technique d’ingénieurs liés au régime chinois. (JACK GUEZ/AFP via Getty Images)

Le conflit entre Israël et le Hamas ne peut plus s’expliquer uniquement au niveau local ni comme une extension automatique de l’agenda iranien. Le rôle croissant de la Chine est de plus en plus évident : il ne s’agit pas d’une alliance formelle ni d’un front déclaré, mais d’un réseau de soutiens techniques, politiques et diplomatiques qui a permis au Hamas de gagner en capacité militaire, de saboter la normalisation régionale et de rouvrir un cycle de guerre qui favorise ceux qui cherchent à affaiblir Israël, les États-Unis et le réseau d’alliances qui les soutient.
Le 7 octobre a sans aucun doute été un massacre planifié contre la population civile israélienne, mais il peut également être interprété comme un coup stratégique porté au nouvel ordre qui commençait à se dessiner au Moyen-Orient.
L’attaque a fait dérailler la normalisation avec l’Arabie saoudite, gelé le corridor IMEC et ramené la région à une logique de conflit permanent beaucoup plus fonctionnelle pour les intérêts de Pékin, qui a vu un frein dans les projets économiques et les alliances politiques susceptibles de limiter sa marge de manœuvre.
Il est indispensable de comprendre cette dimension pour analyser le présent et anticiper l’évolution du conflit. La guerre se déroulant dans les tunnels de Gaza est en même temps une bataille pour la configuration de l’ordre international du XXIe siècle. Dans ce scénario, la Chine n’est plus l’acteur lointain qui se contente d’acheter du pétrole et de vendre des produits bon marché : c’est une puissance qui utilise les guerres étrangères, les groupes armés et les plateformes numériques pour faire avancer son programme dans l’ombre, tandis qu’une grande partie du monde continue d’appréhender la situation avec des critères qui sont désormais dépassés.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Daniel Ari est diplômé en psychologie industrielle, expert en image de marque et marketing, et passionné de photographie. Il a vécu en Israël, aux États-Unis, en Allemagne et en Espagne. Il est co-auteur de "In Defense of Israel" et publie des tribunes sur la politique espagnole et le Moyen-Orient dans "Libertad Digital", "La Gaceta", "Substack" et "Epoch Times Espagne". On peut également le retrouver régulièrement sur X sous le pseudonyme @WharfRat_DE (Daniel Ari).

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