Coronavirus: les maquis font de la résistance à Abidjan

Par Epoch Times avec AFP
22 mars 2020 14:30 Mis à jour: 22 mars 2020 15:08

Les célèbres maquis (bars ou restaurants populaires), qui font la réputation nocturne d’Abidjan, continuent à faire le plein alors qu’ils doivent théoriquement réduire la voilure pour éviter la propagation du coronavirus, issu du PCC chinois, en Côte d’Ivoire.

Le préfet de la capitale économique Vincent Toh Bi était samedi en croisade dans les quartiers chauds et populaires de Yopougon et de Koumassi, pour faire appliquer les directives de la présidence dans un pays qui ne compte pour le moment qu’une dizaine de cas mais qui a fermé ses frontières et ses écoles.

Boîtes de nuit et salles de spectacle fermés

Si les innombrables boîtes de nuit et salles de spectacle n’ont plus le droit d’ouvrir, les maquis doivent désormais se limiter à accueillir 50 personnes au maximum, faire respecter une distance d’un mètre entre chaque client et proposer savon ou gel hydroalcoolique aux clients…

Malgré le coronavirus, il y avait foule dans les bars

Des mesures que personne ou presque ne respectait samedi soir dans la célèbre rue Princesse et ses mille maquis, chantée par de nombreux artistes dont Magic System dans leur tube Premier Gaou: « Quand j’avais un peu (d’argent) matin midi soir on était ensemble à la rue Princesse aux mille maquis Santos payait les poulets… ».

Samedi soir, malgré le coronavirus, il y avait foule dans les bars, jeunes et moins jeunes bravaient la pandémie en mangeant poulets ou poissons braisés et en buvant vin, alcool fort ou bière, dans la bonne humeur et les éclats de voix couverts par de la musique. « Corona! Oui, on veut corona la bière », rigole un jeune en écoutant les remontrances de M. Toh Bi en tenue, képi de préfet sur la tête, qui se déplace de maquis en maquis entouré de policiers dont beaucoup portent un masque.

« Coronavirus, c’est 10.000 morts dans le monde »

« Ce n’est pas un jeu. On ne s’amuse pas! Coronavirus, c’est 10.000 morts dans le monde. Et ça va continuer », répond-il aux jeunes au Koutoukodrome de Yopougon, où l’on prend le Koutokou, un alcool distillé artisanalement.

« Où est le gel ou l’eau pour se laver les mains? Là, on fait sensibilisation mais demain s’il n’y a pas, on ferme tout », lance-t-il à un patron de maquis. « Respectez les distances d’un mètre. Ne vous saluez plus avec les mains. Vous ne faites pas ça pour l’Etat, c’est pour vous! Faites le pour vous! », répète inlassablement le préfet.

-Les gens passent devant l’enseigne d’un « maquis », un petit restaurant africain qui sert de la viande de brousse, à Kobakro, à l’extérieur d’Abidjan, le 8 avril 2014. Photo par Issouf SANOGO / AFP via Getty Images.

Soulagés d’échapper à une fermeture ou à une amende, les clients applaudissent mais des jeunes lancent « Donnez-nous du gel et des cache-nez (masques) ! ».

« On n’a pas d’argent pour les masques et le gel. En France, vous avez l’argent, ici on n’a pas les moyens. Il paraît que l’OMS donne de l’argent, qu’on nous donne des masques », explique à l’AFP, David Kevin, étudiant.

Près du Palais de Justice, les maquis de plus de 50 personnes ont été prévenus de l’arrivée du préfet. Ils ferment à la va-vite, barricadant les portes et fenêtres en bois parfois avec des clients à l’intérieur. Pas dupe, le préfet réprimande un propriétaire en désignant les bouteilles et verres de bière pleins encore présents sur les tables en plastique.

Puis, il s’approche de commerçantes qui rangent des poissons qui cuisaient au-dessus de charbons ardents.

« On ne peut pas arrêter, on vit de ça »

« On ne vous dit pas d’arrêter mais de vous organiser. Mettez du gel pour les clients. Proposez à emporter. Au Plateau (quartier des affaires), ils font plus à emporter maintenant. Le client ne reste pas. Il faut respecter les règles. Ça va vous servir à quoi l’argent si vous mourez? », assène-t-il.

« On ne peut pas arrêter, on vit de ça. Comment on fait sinon? », interroge Leontine Doh, une des commerçantes.

Un peu plus loin, sous couvert de l’anonymat, un patron de boîte de nuit fait grise mine à la porte de son établissement fermé: « 15 personnes au chômage en attendant que ça passe. Et moi je fais comment? » confie-t-il. N’a-t-il pas peur du virus ? « On effraie la population, alors qu’on devrait être ensemble pour lutter », déplore-t-il.

-Une femme prépare la nourriture dans un « maquis », un petit restaurant africain, à Kobakro, en dehors d’Abidjan, qui sert désormais différents types de viande, le 8 avril 2014. Photo ISSOUF SANOGO / AFP via Getty Images.

La peur justement n’a pas encore gagné les esprits. A Koumassi-Prodomo, haut lieu de la vie nocturne, des amis boivent ensemble. « On nous a dit que Wanhou (vin) protégeait du Corona », assure Giovanni.

Un autre souffle: « avec la peau noire on est protégé non ? », répétant une idée fausse très répandue selon laquelle les Africains seraient immunisés contre le coronavirus.

« Tout ça c’est faux! C’est du fake news », souligne le préfet. « Peau noire, chaleur, koutoukou, ail, citron, gingembre… (qui tueraient le virus) Il faut arrêter avec ça! La meilleure façon de se protéger, c’est de respecter les consignes et les directives du gouvernement. Lavez-vous les mains! ».

Les gens s’éloignent les uns des autres à la demande du fonctionnaire mais une fois les officiels partis, ils se rapprochent à nouveau, se passant sans aucune précaution le téléphone avec lequel ils ont réussi à faire un selfie avec le préfet.

 

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.