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En Russie, la lutte désespérée des écologistes pour sauver un parc national

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Une route en construction dans le parc national Losiny Ostrov (l'île aux élans), près de Moscou, le 6 août 2025. La loi russe interdit la construction dans les parcs nationaux, mais les autorités locales ont réussi à contourner le problème en faisant valoir que le projet consistait en des "réparations" d'une route existante qui n'existe pas...

Photo: STRINGER/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 7 Min.

A peine sortie du tribunal qui l’a condamnée à une amende pour « désobéissance à la police », Irina Kourisseva retourne inspecter les nouvelles destructions dans un parc national près de Moscou, où les autorités veulent construire une autoroute.
En Russie, sur fond d’offensive en Ukraine et de répression de toute voix dissidente, la lutte pour la protection de l’environnement est devenue une affaire risquée.
« Les autorités sont devenues totalement indifférentes » à cette question et la législation a été « assouplie » en faveur des entreprises « polluantes » et des promoteurs immobiliers, relève un militant écologiste, sous couvert de l’anonymat.
Pour améliorer le trafic
Dans la banlieue de Moscou, la construction d’immeubles ne fléchit pas, et des milliers d’habitants qui travaillent dans la capitale passent des heures dans les embouteillages.
Pour améliorer le trafic à Koroliov, ville de 200.000 habitants au nord-est de Moscou, les autorités ont décidé de construire une nouvelle autoroute qui passera… en plein milieu du parc national Lossinyï Ostrov, ce qui révolte Irina Kourisseva, 62 ans.
Alors, fin juillet, avec cinq autres camarades, elle s’était mise sur le chemin d’un engin qui déchargeait de l’asphalte dans la forêt. Ils ont été arrêtés par la police et condamnés à des amendes, après avoir passé une nuit au poste.
« Nous étions interrogés comme si nous étions des criminels et avions tué quelqu’un », raconte cette habitante de Koroliov.
Un refuge pour 280 espèces d’animaux
Avec ses 129 km2 de forêts, Lossinyï Ostrov – « l’île des élans » en russe – est un refuge pour quelque 280 espèces d’animaux, dont des cerfs, des élans, des sangliers et des renards, et plus de 160 espèces d’oiseaux, dont certaines en voie de disparition.

Des visiteurs nourrissent un élan dans le parc national de Losiny Ostrov (Elk Island), près de Moscou, le 2 août 2025. (ALEXANDER NEMENOV/AFP via Getty Images)

La loi russe interdit toute construction dans les parcs nationaux. Mais les autorités ont trouvé la parade : elles présentent le projet comme la « réparation » d’une route déjà existante.
« Une falsification et une escroquerie »
« C’est une falsification et une escroquerie. Il n’y a jamais eu de route là-bas », s’insurge Dmitri Trounine, avocat défenseur de l’environnement depuis plus de 25 ans.

Des véhicules de construction traversent le parc national de Losiny Ostrov (Elk Island), près de Moscou, le 6 août 2025. (STRINGER/AFP via Getty Images)

En fait de route, il s’agit d’un chemin de terre utilisé par les gardes forestiers, qui devient ensuite un sentier entre les arbres.
Un nouveau complexe immobilier à Koroliov
Irina Kourisseva explique que « de la poudre d’asphalte » a été déchargée sur ce sentier « pour montrer ensuite qu’il y avait déjà une route ».
L’autoroute doit être construite d’ici mars 2026, selon le ministère régional de Transports, pour un montant de 497 millions de roubles (5,4 millions d’euros), et servira d’accès à un nouveau complexe immobilier à Koroliov.
« Payez les amendes et vous êtes libres »
Au tribunal, « la juge souriait », se souvient Mikhaïl Rogov, ingénieur âgé de 36 ans. « Elle nous a dit: ‘Si vous ne voulez pas de problèmes, signez ces papiers, payez les amendes et vous êtes libres' », raconte-t-il.
Cette juge, Maria Loktionova, avait condamné en 2023 un autre militant écologiste, Alexandre Bakhtine, à six ans de prison pour trois publications sur les réseaux sociaux dénonçant l’offensive russe en l’Ukraine.
« Nous ne voulons que défendre la nature. Il n’y a pas que nous six qui en ayons besoin », souligne Irina.
Un projet de route « alternatif » rejeté
Kirill Iankov, membre d’un conseil d’experts du ministère russe des Transports, raconte avoir proposé un projet de route « alternatif » contournant le parc, qui a été rejeté.
En juin, un millier de personnes ont fait la queue devant l’administration présidentielle à Moscou pour déposer des plaintes contre le projet, adressées à Vladimir Poutine.
Pour Vladimir Poutine en 2010 : « un cadeau de Dieu » qu’il faut « protéger »
Le président russe avait visité Lossinyï Ostrov en 2010 ; nourrissant un bébé élan au biberon, il avait alors affirmé que la nature était « un cadeau de Dieu » qu’il fallait « protéger ».

Vladimir Poutine donne du lait à des élans lors de sa visite du parc national de « l’île des élans » à Moscou, le 5 juin 2010. (ALEXEY DRUZHININ/AFP via Getty Images)

Mais en 2025…
Changement de discours en 2025 : « c’est une question pour les autorités régionales. N’y mêlez pas le président », a martelé en juillet le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, interrogé à propos de cette route. La protection de la nature « ne doit pas être un frein au développement et au confort de la vie des citadins », a-t-il ajouté.
« Il est de plus en plus difficile de défendre la vérité dans les tribunaux. La ‘verticale’ du pouvoir réalise ses décisions et les forces de l’ordre et les instances du contrôle lui obéissent », se désole Dmitri Trounine.
Déjà une catastrophe écologique en lien avec l’offensive en Ukraine
En Russie, la qualité de l’environnement s’est dégradée ces dernières années, et de manière accélérée depuis l’offensive en Ukraine lancée en février 2022, ont expliqué des écologistes à l’AFP.
Une marée noire a touché la mer Noire en décembre, provoquée par deux pétroliers russes. Écologistes et scientifiques ont accusé les autorités russes d’avoir réagi trop tard et d’avoir causé une catastrophe écologique.