En Ukraine, la rentrée scolaire au bruit des canons d’Antonina

Par Epoch Times avec AFP
7 septembre 2022 15:10 Mis à jour: 7 septembre 2022 15:11

Antonina a mis ses vêtements préférés, son plus beau ruban dans les cheveux et appris par cœur le poème donné par sa maîtresse: c’est la rentrée pour cette petite Ukrainienne, à la maison et au bruit des canons.

« Natalia Vassylivna, vous m’entendez? Allô, Natalia Vassilivna? »

Installée derrière le bureau posé au milieu du salon, qui sert aussi de chambre pour ses parents, Tonia -le diminutif d’Antonina- fixe l’écran du téléphone sur lequel apparaissent sa maîtresse Natalia Vassylivna, son copain de toujours Igor et ses camarades de classe qu’elle n’a pas vus depuis l’invasion russe en février.

Antonina, 9 ans, assiste à une leçon en ligne, devant sa mère Natalya, le premier jour d’école chez elle dans le village de Pokrovske, le 1er septembre 2022. Photo de Dimitar DILKOFF/AFP via Getty Images.

Une quinzaine de kilomètres de la ligne de front

« Je suis contente de revenir à l’école mais je le serais encore plus s’il n’y avait pas la guerre, parce que ma maîtresse et mes copines me manquent », glisse la fillette dont la meilleure amie vit désormais en Pologne.

Les élèves des premières et dernières années participent à la cérémonie d’ouverture la veille de la rentrée scolaire dans la commune de Bucha le 31 août 2022. Photo de VLADYSLAV MUSIENKO/AFP via Getty Images.

La famille Sydorenko -Tonia, neuf ans, sa sœur Sonia âgée de cinq ans et ses parents Natalia et Andriï- vit à Pokrovské, un hameau de 24 habitants dans la région de Mykolaïv (sud), à une quinzaine de kilomètres de la ligne de front.

Dans toute la région, la rentrée se fait à distance en raison des combats. Pour Natalia et Andriï, cela a été toute une affaire. Quelques jours avant le 1er septembre, date nationale de reprise des cours, ils ont réussi à configurer l’application Zoom sur leur téléphone.

Ils s’étaient aussi assurés que le routeur internet fonctionne. Depuis que l’électricité a été coupée en été, la famille est alimentée grâce à un panneau scolaire offert par une ONG.

« Je me suis habituée et je n’ai pas peur »

Contre les canons, en revanche, elle ne peut rien. Les tirs de l’artillerie ukrainienne résonnent à intervalles régulières. Parfois, l’armée russe réplique: deux jours auparavant, les vitres de leur cuisine ont été brisées par des éclats.

Mais Antonina ne sourcille déjà plus. « Au début, quand il y avait des tirs d’obus près de la maison, je me cachais et me couchais par terre. Mais maintenant, quand c’est loin je me suis habituée et je n’ai pas peur », dit-elle.

A Pokrovske, un petit village de 24 habitants dans la région de Mykolaïev au sud de l’Ukraine, Antonina Sidorenko, neuf ans, a commencé l’école au son régulier des canons. Photo de Dimitar DILKOFF/AFP via Getty Images.

En attendant que Natalia Vassylivna réussisse à utiliser Zoom, Tonia fait découvrir sa maison et la chambre qu’elle partage avec Sonia, où « maintenant on dort par terre, comme ça on ne sera pas tuées par les éclats ».

Dans la cour, la fillette aux nattes blondes éclatantes nourrit les lapins, ses animaux préférés. Il y a aussi un cochon, qui doit sa survie à l’absence régulière d’électricité –« on ne pourrait pas conserver les morceaux », dit Natalia Sydorenko- et deux vaches, raison pour laquelle la famille reste malgré le danger.

« Qu’est-ce qu’on irait faire en ville? Où est-ce qu’on se logerait et comment est-ce qu’on vivrait? », demande Andriï Sydorenko pendant qu’il montre les dégâts de la dernière frappe et qu’un énorme bang résonne derrière lui.

« Vous l’avez entendu? C’est tout le temps! », s’insurge-t-il avant de reprendre: « Pour tous mes biens, on me donnerait 15.000 hryvnias (408 euros). Et pour acheter une maison, il me faut au moins 100.000 hryvnias, même à Novooleksandrivka », village le plus proche.

Quand les bombardements sont trop forts, la famille prend sa voiture pour filer un peu plus loin, le temps que ça se calme.

« La paix viendra en Ukraine. Les gens bienveillants veulent la paix »

« Il faut être comme un soldat: rester uni, être prêt, avoir tout emballé, être rapide, sans hésitation, écouter les parents, faire les bagages et partir », résume Natalia Sydorenko, 33 ans.

Elle couve du regard Tonia, dont elle est fière des bons résultats scolaires et de ses talents de dessinatrice, qu’elle tient d’Andriï assure-t-elle.

Les élèves participent à la cérémonie d’ouverture de la rentrée scolaire dans la commune de Bucha le 31 août 2022. Photo de VLADYSLAV MUSIENKO/AFP via Getty Images.

Mais derrière une apparente sérénité, la jeune femme reconnait « beaucoup s’inquiéter » pour ses enfants, même si « nous essayons de ne pas paniquer, de les calmer ». Elle aussi refuse de partir, disant avoir « travaillé dur pour construire cette maison » et économiser de l’argent « pour le futur des filles ».

La rentrée scolaire, elle, aura vite avorté. Natalia Vassylivna n’a pas réussi à configurer Zoom, au désespoir de maman de Tonia, mais sa petite élève se console en ayant pu discuter un peu avec Igor.

Elle tient quand même à réciter son poème appris par cœur. « La paix viendra en Ukraine. Les gens bienveillants veulent la paix, les adultes comme les enfants, aspirent à la paix sur Terre ».

 

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.