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Face au coût des retraites, l’Allemagne veut remettre ses seniors au travail

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Photo: Nathan Stirk/Getty Images

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Durée de lecture: 5 Min.

« C’est un peu stressant, mais je suis content d’être ici » : Pete Maie, 70 ans, se montre tendu au début d’un entretien d’embauche à Cologne pour un poste à temps partiel. Chemise bleue soigneusement rentrée dans son pantalon, cet ancien soldat et ex-responsable logistique n’a plus guère l’habitude de ce type d’exercice, cinq ans après avoir quitté le marché du travail.

Un employé de l’agence Unique Seniors, spécialisée dans le recrutement de personnes âgées, s’assure de sa motivation pour rejoindre un groupe logistique comme préparateur de colis. « Je suis disponible immédiatement et prêt à travailler aussi longtemps que mon corps me le permettra », lance le candidat, le ton assuré.

Le modèle social allemand sous pression

Conserver les seniors sur le marché du travail le plus longtemps possible est désormais une priorité du gouvernement de Friedrich Merz, confronté à la dérive financière d’un système de retraites fragilisé par le vieillissement démographique. L’an dernier, la facture s’élevait à 408 milliards d’euros selon le ministère du Travail, en hausse de 60% depuis 2010.

Les cotisations ne suffisent plus à financer des pensions qui concernent désormais un quart de la population. La pénurie croissante de main-d’œuvre qualifiée accentue encore cette tension. Pendant des décennies, la compétitivité industrielle allemande alimentait une croissance robuste, permettant en retour de financer un État social généreux. Ce modèle est de plus en plus contesté.

« L’État providence tel que nous le connaissons aujourd’hui n’est plus finançable », a averti fin août le chancelier Merz, provoquant des remous jusque dans sa coalition avec les sociaux-démocrates. « Nous ne voulons pas l’effacer » ni « l’abolir », a-t-il rectifié mercredi soir, à l’issue d’une réunion de coalition, tâchant d’afficher un front uni avec le SPD. L’« automne des réformes », annoncé par le gouvernement, devrait se traduire par des propositions concrètes « d’ici la fin de l’année ».

Une main-d’œuvre senior encore sous-utilisée

En Allemagne, plus de 1,1 million de personnes poursuivaient une activité après 67 ans en 2023, sur une population active d’environ 46 millions. Pour stimuler cette tendance, le gouvernement prévoit d’exonérer d’impôt jusqu’à 2000 euros par mois de revenus au-delà de l’âge légal de départ à la retraite, actuellement fixé à 66 ans et qui sera porté à 67 ans d’ici 2031.

« Pour ceux qui en sont capables et qui le souhaitent », insiste M. Merz, citant en exemple Pete Maie. Pour ce dernier, le poste convoité ne vise pas seulement à compléter ses 1600 euros de pension : « Aujourd’hui il me manque une mission, le sentiment d’être utile », confie-t-il à l’AFP.

Selon Ruth Maria Schüler, spécialiste de l’emploi des seniors à l’institut IW, « la plupart des personnes qui retrouvent un travail après la retraite ne le font pas principalement pour des raisons financières ». Elle se montre sceptique quant à l’efficacité de la réforme, y voyant un « cadeau fiscal » aux retraités aisés qui coûterait 2,8 milliards d’euros par an à l’État. Une commission indépendante doit, d’ici 2027, proposer des réformes structurelles pour assurer la pérennité du système.

Le spectre d’un départ à 70 ans

La ministre conservatrice de l’Économie, Katherina Reiche, a ravivé le débat cet été en suggérant un relèvement de l’âge légal à 70 ans, déclenchant l’ire des syndicats et des sociaux-démocrates. « Il s’agirait d’une réduction pure et simple des pensions pour les personnes qui ne peuvent pas atteindre cet âge », a dénoncé Bärbel Bas, ministre du Travail et des Affaires sociales.

Une telle mesure permettrait certes de réduire les déficits, mais risquerait de condamner les salariés des métiers pénibles, moins aptes à se reconvertir après 60 ans, au chômage, avertit Johannes Geyer, de l’institut berlinois DIW. L’économiste invite plutôt le gouvernement à « inciter les entreprises à adapter leurs postes aux personnes âgées ».

« La plupart de nos clients continuent à discriminer les seniors », confirme Tobias Bell, responsable de Unique Seniors, qui vante pourtant une main-d’œuvre « plus productive et moins absente ». De son côté, Rainer Guntermann, retraité de 65 ans revenu à temps plein pour assembler des semi-conducteurs près de Cologne, défend avec vigueur sa génération : face à des jeunes collègues qu’il juge « paresseux », il revendique être « ponctuel, assidu et jamais malade ».