L’Égypte prépare-t-elle un tracé de frontières maritimes avec l’État palestinien ?

29 juin 2016 10:50 Mis à jour: 29 juin 2016 10:41

JÉRUSALEM – L’Égypte, accusée d’être en train de négocier ses frontières maritimes avec l’Autorité palestinienne, nie en bloc mais est forcée pour cela d’accuser de mensonge un responsable haut placé de l’Autorité palestinienne.

Mi-juin, Riyad Mansour, représentant de l’Autorité palestinienne aux Nations unies, a imprudemment – ou volontairement – confié à des journalistes que des négociations avaient commencé avec l’Égypte pour définir les territoires marins respectifs, et à terme établir une frontière maritime. Mansour s’exprimait lors d’une semaine de travail de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, qui s’est achevée le 20 juin à New-York.

Dans une interview exclusive avec le média turc Anadolu, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères égyptien, Ahmed Abu Zeid, a immédiatement répondu que ces déclarations étaient « infondées » : « Il n’y a pas de position officielle égyptienne sur la frontière maritime avec la Palestine ». Cependant, sur l’échiquier moyen-oriental, il y a fort à parier que ces dénégations soient un écran de fumée pour éviter de nouvelles manifestations populaires dans le pays. Le gouvernement égyptien a déjà fait face à l’indignation populaire – dans la rue et sur les médias sociaux – quand il a annoncé au mois d’avril un accord avec l’Arabie Saoudite par lequel le Caire renonce à sa souveraineté sur deux îles du golfe d’Aqaba, en mer Rouge. L’Arabie Saoudite est l’un des plus actifs soutiens au régime du général Al-Sisi, qui a pris le pouvoir en 2013 lors d’un coup d’État contre le premier président démocratiquement élu du pays, ce qui a fait largement soupçonner que les deux îles étaient une contrepartie offerte à Riyad. Le 21 juin, le Conseil d’État égyptien a désavoué le président Abdel-Fattah al-Sisi et rejeté l’accord comme inconstitutionnel.

En annonçant des discussions avec l’Égypte, l’Autorité palestinienne tente donc de réactiver – via les Nations unies, où elle bénéficie depuis 2012 du statut d’observateur non-membre – les négociations avec l’État israélien pour se légitimer comme État souverain. La Convention des Nations unies sur le droit de la mer est le groupe onusien auquel l’Autorité palestinienne a récemment accordé l’attention la plus soutenue et la plus régulière, peut-être également du fait qu’Israël n’en est pas membre et n’y a donc pas de voix directe. L’angle maritime est en effet une façon de trouver un nouvel appui dans les négociations internationales, car le statut territorial terrestre palestinien est extrêmement complexe, aussi bien localement qu’internationalement. La Palestine n’est pas officiellement un État, même si elle a constitué un gouvernement indépendant dans le gruyère territorial qu’est la Cisjordanie, avec plus de 60 % de contrôle territorial par les forces israéliennes. La définition de frontières terrestres en Israël et en Palestine est l’un des éléments clés d’un accord de paix entre les deux États, mais pour l’ambassadeur israélien aux Nations unies, Danny Danon, les tentatives par l’État palestinien de définir une frontière maritime avec l’Égypte ne peuvent que freiner ce processus : « Cela n’apporte aucune stabilité à la région et, plus important encore, ne va améliorer la vie d’aucun Palestinien ».

L’Autorité palestinienne ne peut se passer du Hamas, qui gouverne de facto la bande de Gaza.

Riyad Mansour, de l’Autorité palestinienne, enfonce cependant le clou en affirmant que des réunions entre les ministères des Affaires étrangères égyptien et palestinien ont déjà eu lieu et que la prochaine étape est d’entrer dans des discussions techniques. Au vu des relations compliquées entre l’Égypte et le Hamas ces dernières années, ce point de vue peut paraître optimiste ; d’après le think tank Arab Center for Research and Policy Studies, basé à Doha, l’hostilité du gouvernement égyptien actuel vis-à-vis du Hamas est constant et s’est déjà traduit par la destruction de 90% des tunnels reliant Gaza au Sinaï depuis la prise de pouvoir d’Al-Sisi – ce qui a asséché l’accès aux ressources de Gaza et fait dépendre le million de Palestiniens de la bande de Gaza du bon vouloir d’Israël. Mais l’Autorité palestinienne ne peut se passer du Hamas, qui gouverne de facto la bande de Gaza – et donc l’accès à la mer Méditerranée. L’Autorité palestinienne doit donc à la fois réussir à négocier avec l’Égypte des frontières maritimes tout en continuant son processus de réconciliation avec le Hamas.

Des enjeux financiers importants

Car derrière la discussion pour définir des territoires marins et, à terme, des frontières maritimes est la question centrale de l’accès aux ressources maritimes de la région : les réserves de gaz naturel déjà identifiées (Leviathan, au large de Haifa et Tamar, entre Haifa et Tel-Aviv) peuvent laisser espérer d’autres découvertes d’ampleur. Depuis le début des années 2000 par exemple, un gisement de 33 milliards de mètres cube de gaz au large de Gaza attend d’être exploité. Il représente une valeur d’au moins 4 milliards d’euros et doit pouvoir rendre Gaza autosuffisant pour le prochain quart de siècle mais se heurte à la stagnation de la situation politique.

Mansour considère donc que cette zone maritime, qui pourrait révéler d’autres gisements est « la richesse des Palestiniens » : « À ceux qui continuent de nier que nous existons, nous voulons montrer d’une manière pacifique, légale, intelligente et réaliste que notre État grandit, qu’il grandit de façon responsable, et qu’il défend aussi les droits de notre peuple en conformité avec les lois internationales ».

En parallèle, Mahmoud Abbas tire à boulets rouges sur l’extrême-droite israélienne, qui a pris des ministères-clés dans le nouveau gouvernement Netanyahu. Présent au Parlement européen de Bruxelles le 23 juin dernier, Abbas a accusé des rabbins extrémistes cisjordaniens d’avoir demandé l’empoisonnement des puits utilisés par les Palestiniens afin de les éliminer ; il a dans la foulée refusé de rencontrer le président israélien. L’heure est à la montée des enchères plus qu’à l’apaisement.

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