« J’attendais mon tour »: un survivant raconte les minutes d’horreur à Christchurch

17 mars 2019 12:51 Mis à jour: 17 mars 2019 12:59

Quand les premiers tirs ont retenti pendant la prière du vendredi, Abdul Kadir Ababora s’est jeté par terre, blotti sous une étagère remplie de Corans. Il a fait le mort, convaincu que le tueur qui a fait un carnage dans des mosquées de Christchurch s’occuperait bien vite de lui: « J’attendais mon tour. »

Pendant de longues minutes d’une indicible angoisse, il a entendu l’extrémiste australien Brenton Tarrant exécuter méthodiquement les fidèles rassemblés dans la mosquée al-Nour. Lui peine à expliquer qu’il soit toujours en vie. « C’est un miracle », confie-t-il à l’AFP. « Quand j’ai ouvert les yeux, il n’y avait plus que des cadavres » partout.

Au total, 50 personnes ont péri dans le carnage commis vendredi dans deux mosquées de Christchurch par Brenton Tarrant, 28 ans, qui se revendique du fascisme et du suprémacisme blanc. Comme de nombreux fidèles qui étaient réunis dans la mosquée al-Nour pour la prière vendredi, Abdul Kadir Ababora, 48 ans, est un immigré récemment arrivé en Nouvelle-Zélande, en 2010, en provenance d’Ethiopie, en quête de paix et de prospérité.

Il y a deux semaines, ce chauffeur de taxi et son épouse ont célébré la naissance de leur troisième enfant. Vendredi, l’imam venait juste de commencer son sermon quand les premiers coups de feu ont retenti à l’extérieur de la mosquée, raconte M. Ababora.  La première personne qu’il a vu être touchée est un Palestinien. Un homme qui avait un diplôme d’ingénieur mais qui, comme lui, gagnait sa vie au volant d’un taxi dans la plus grande ville de l’Île du Sud.

« Il était parti voir ce qui se passait quand il a vu le tireur. Quand il s’est mis à courir, il lui a tiré dessus quelque part ici », se souvient M. Ababora en désignant l’endroit. « Je l’ai vu tomber. » C’est alors que Brenton Tarrant a commencé son massacre, abattant un à un les fidèles sans défense. M. Ababora, lui, s’est instantanément jeté au sol, se cachant sous une étagère où sont rangés des Corans.  « J’ai simplement fait comme si j’étais mort. »

Il est encore écœuré du caractère méthodique du tueur qui tire balle après balle sur les corps tétanisés, dans un carnage qu’il a filmé et retransmis en direct sur des réseaux sociaux.

« Ce type a commencé à tirer au hasard, à gauche et à droite, de façon automatique. Il a vidé son premier chargeur puis il l’a changé pour recommencer de façon automatique. Puis il a fini le deuxième chargeur et en a mis un troisième, recommençant à tirer comme un automate dans l’autre pièce aussi. » M. Ababora dit avoir senti le souffle des balles passant à proximité.

« J’attendais mon tour. Tous les deux tirs, je me disais: La prochaine est pour moi, la prochaine est pour moi et j’ai perdu espoir », dit-il. Il s’est alors mis à prier en silence et à penser à sa famille. Le cauchemar ne s’est pas terminé avec le départ du tireur une fois vidé son quatrième chargeur.

Pendant les minutes toutes aussi interminables qui ont suivi, aucun survivant n’a osé faire de bruit. Mais le silence a été brisé par les cris des blessés qui ne pouvaient plus taire leur douleur. « Il y avait du sang partout. » Un ami l’a appelé en lui disant qu’il était touché à la jambe. Il a voulu l’aider mais la jambe du blessé était à un endroit pulvérisée par une balle.

Il a titubé jusqu’à l’extérieur pour trouver un autre fidèle dont le fils est copain avec son aîné au sol avec des blessures horribles à la mâchoire, la main et au dos. C’est alors qu’il a repéré deux autres corps, deux femmes dans une mare de sang. « C’était des retardataires », explique-t-il. « Quand il a achevé tout le monde dans la mosquée, il est sorti pour s’enfuir. Ces femmes étaient en retard, il leur a tiré dessus. Bang. Bang. »

Le tireur avait abandonné à côté un de ses chargeurs, sur lequel étaient inscrit des symboles nazis, selon M. Ababora. « Il avait écrit sur ses armes les noms de tous les endroits où les musulmans ont été attaqués. » Comme la plupart des habitants, M. Ababora n’aurait jamais imaginé qu’une telle haine soit possible à Christchurch, dans un pays qui passe pour l’un des plus paisibles du globe. « La Nouvelle-Zélande n’est plus sûre », conclut-il. « C’est violent. »

D.C avec AFP

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