Le bœuf argentin, socle de culture aujourd’hui pomme de discorde

Par Epoch Times avec AFP
22 mai 2021 13:20 Mis à jour: 22 mai 2021 13:24

L’odeur du feu de bois et de la viande grillée emplit chaque restaurant, jardin et terrasse en Argentine où le traditionnel « asado », lien culturel et identitaire, est aujourd’hui devenu source de polémique.

« En plus d’être un aliment, la viande est un élément de la culture argentine. C’est l’asado du dimanche, c’est se rassembler, c’est l’excuse pour se retrouver en famille le week-end », explique Emmanuel Lapetina, le président de l’usine de conditionnement de viande La Peña.

Mais ce moment de convivialité est menacé par un conflit sur les prix entre le gouvernement du président de centre-gauche Alberto Fernandez, qui a suspendu lundi les exportations de viande bovine pendant 30 jours, et les producteurs de bétail qui ont répliqué en suspendant jeudi les ventes de bovins pour neuf jours.

« Fait partie de notre culture de manger de la viande »

« Personne ne veut arrêter les asado. Cela fait partie de notre culture de manger de la viande, c’est pourquoi il y a tant de tension quand elle est très chère », explique M. Lapetina.

L’Argentine, reconnue mondialement comme pays producteur d’une excellente viande, est le quatrième exportateur mondial de ce produit de base, qui à l’instar du maïs ou du soja, a vu ses prix grimper sur les marchés internationaux.

Le bétail reste dans un corral dans une ferme près de Ramallo, le 9 octobre 2019. Photo par Juan Mabromata / AFP via Getty Images.

Mais si le pays bénéficie de recettes en devises (3,368 milliards de dollars en 2020), le coût sur le marché intérieur a augmenté de 65% dans un contexte d’inflation accélérée.

La pauvreté frappe 47% de la population

Le gouvernement cherche une formule pour faire baisser le prix sur les étals, alors que la pauvreté frappe 47% de la population.

Mais les producteurs sont méfiants et rappellent qu’en 2006, lorsque Néstor Kirchner était au pouvoir et qu’Alberto Fernandez était son chef de cabinet, une restriction des exportations de viande initialement prévue pour six mois, a fini par durer dix ans.

Au cours de cette période, 12,5 millions de têtes de bétail et 19.000 emplois ont été perdus et n’ont pas encore été récupérés, selon la Chambre d’industrie et de commerce de la viande et des produits carnés.

Gustavo Caballero a 34 ans, dont sept comme agent d’accueil au restaurant Don Julio de Buenos Aires, reconnu en 2020 comme le meilleur d’Amérique latine selon le classement 50 Best Restaurants. Avant la pandémie, il s’y servait en moyenne 500 couverts par jour.

« Ce que j’aime, c’est voir un client repartir heureux », dit-il alors que les tables de la terrasse commencent à se remplir, le seul espace autorisé par les restrictions sanitaires avant le confinement de neuf jours édicté à partir de vendredi pour freiner la reprise galopante de l’épidémie.

Don Julio soigne les moindres détails pour garantir l’excellence de ses viandes. Un contremaître se rend très tôt au marché aux bestiaux où sont réservées les meilleurs bêtes.

« Les vaches sont toujours à l’extérieur »

Sa renommée est telle que la chancelière allemande Angela Merkel a, dit-on, insisté en 2018 pour y déguster une côte de bœuf lors du G20.

A San Antonio de Areco, dans la province de Buenos Aires, Martin Vivanco élève des taureaux destinés à la reproduction, suivant une tradition familiale.

-Un chef prépare des morceaux de viande à cuire dans la cuisine du restaurant Don Julio à Buenos Aires, le 20 mai 2021. Photo de RONALDO SCHEMIDT / AFP via Getty Images.

« Je fournis des animaux reproducteurs de la race Aberdeen Angus », dit-il. « J’essaie que mes clients incorporent la meilleure génétique possible pour que la viande continue à avoir les qualités pour lesquelles elle est appréciée dans le monde entier: la texture de sa chair » persillée du gras qui donne toute sa saveur.

Dans l’immense pampa argentine, « les vaches sont toujours à l’extérieur, sous la pluie, sous le soleil. Cela leur confère ces caractéristiques importantes pour la race: la rusticité, cette capacité à s’adapter au climat », explique-t-il.

Dans le conflit actuel entre producteurs et gouvernement, Martin Vivanco estime que « le problème n’est pas de savoir si la viande est bon marché ou chère. Le problème est que la consommation des Argentins a chuté en raison de la misère des salaires et de l’inflation ».

L’Argentine compte quelque 54 millions de têtes de bétail. En mars, selon les dernières statistiques disponibles du ministère de l’Agriculture, 1,1 million de têtes ont été abattues, pour une production de près de 261.000 tonnes, dont 73.400 tonnes ont été exportées, principalement vers la Chine.

Les Argentins sont les plus gros mangeurs de bœuf au monde avec 49,2 kilos en moyenne par an.

 

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