Le Liberia protège les requins pour sauver ses petits poissons

15 décembre 2018 08:04 Mis à jour: 15 décembre 2018 11:25

Le Liberia a mis en place un programme de protection des requins et des raies, deux espèces en danger qui jouent un rôle essentiel dans l’équilibre de l’écosystème marin et dont la disparition porterait un rude coup à l’importante communauté de pêcheurs de ce petit pays d’Afrique de l’Ouest. Il est sept heures du matin à West Point, bidonville de la capitale libérienne Monrovia, lorsque Kojo Amuaysee sort deux requins de sa pirogue à moteur, tout juste rentrée au port, et les déposent sur le quai, dont les maisons sont décorées à l’effigie de clubs de football.

« Avant, on prenait beaucoup de poissons, mais maintenant, ce n’est plus le cas. Quant aux requins et aux raies, ils sont partis vers les eaux profondes », explique à un correspondant de l’AFP ce pêcheur de 42 ans, tout en proposant sa cargaison de poissons aux marchands, venus dès l’aube attendre le retour des pirogues.

Les requins et les raies jouent un rôle fondamental dans l’équilibre de l’écosystème marin, a récemment souligné la section libérienne de l’ONG Environmental Justice Foundation (EJF).  Leur disparition des eaux de l’Atlantique, qui borde le Liberia, aurait des conséquences catastrophiques pour les récifs coralliens et les herbiers marins, qui constituent des habitats essentiels au développement des poissons, a expliqué l’association dans un communiqué.

L’ONG a donc applaudi l’annonce en novembre par le gouvernement du président George Weah du lancement d’un « plan d’action de trois ans » pour protéger ces deux espèces et, par ricochet, les poissons, alors que quelque 33.000 personnes vivent de l’industrie de la pêche et que 65% des protéines animales consommées par les quelque cinq millions d’habitants de ce pays voisin de la Guinée, de la Sierra Leone et de la Côte d’Ivoire proviennent de la  mer.

Le plan d’action, dévoilé par l’Autorité nationale de la pêche et de l’aquaculture (NaFAA), prévoit notamment la collecte de données sur les populations de requins et de raies, ainsi sur la pêche, légale ou illégale, afin d’assurer un meilleur suivi des populations, pratiquement inexistant jusqu’ici.

« Non seulement, cela fera du Liberia un pays en pointe dans la protection des océans en Afrique de l’Ouest, mais cela contribuera à sauvegarder la sécurité alimentaire et le niveau de vie de dizaines de milliers de Libériens », estime l’EJF, qui a collaboré avec les autorités pour la conception du plan d’action.

Reste à convaincre les pêcheurs eux-mêmes.

« Je ne pense pas que ça soit le fait de tuer les requins », estime Kojo Amuaysee quand on l’interroge sur la diminution des prises en mer, en rejetant la faute sur « l’augmentation rapide du nombre de pêcheurs ».  George Toe, 45 ans, pêche lui aussi, accuse les « navires venant de Guinée et de Côte d’Ivoire pour jeter leurs filets illégalement dans les eaux libériennes ». « Ils rejettent à l’eau les poissons dont ils n’ont pas besoin, ce qui pourrit notre eau et chasse les poissons », assure-t-il.

« Il faut naviguer 45 miles (83 km) pour trouver des requins, mais il n’y en a plus comme avant. Dans le temps, on en tuait 200 ou 300 et on les ramenait », détaille le marin-pêcheur. « Les requins se font rares. Si cela continue, cela va affecter la vie des populations et nous sommes bien obligés de les sensibiliser à ce danger », souligne Augustine Fayiah, chef de projet de l’EJF au Libéria.

Requins et raies sont particulièrement vulnérables: parce qu’elles ont une croissance lente, atteignent leur maturité sexuelle tardivement et ont un taux peu élevé de reproduction, selon la fondation. Selon cette dernière, un quart des espèces de raies et de requins sont menacées de disparition à travers le monde en raison de la surpêche.

« Nous avons recensé 19 sortes de requins et raies au Liberia et toutes sont sur la liste rouge des espèces en danger de l’Union internationale pour la conservation de la nature, dont le grand requin-marteau et le diable de mer », une raie dont les plus gros spécimens peuvent dépasser cinq mètres d’envergure, observe-t-il.

« Le suivi précis des populations et une gestion durable de ces espèces sont essentiels pour mettre en place des solutions à long terme, tant pour la communauté des pêcheurs du Liberia que pour l’écosystème dont ils dépendent », a souligné la directrice de l’Autorité nationale de la pêche et de l’aquaculture, Emma Glassco.

D.C avec AFP

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