ÉTATS-UNIS

Le lien entre les foyers monoparentaux sans père, les maladies mentales et les fusillades, selon Warren Farrell

juillet 17, 2022 19:24, Last Updated: juillet 17, 2022 19:24
By Masooma Haq

Warren Farrell est l’auteur du livre « The Boy Crisis : Why Our Boys Are Struggling and What We Can Do About It » [La crise des garçons : pourquoi nos garçons sont en difficulté et ce que nous pouvons faire pour y remédier]. Selon lui, être « privé de son père » peut entraîner une augmentation des maladies mentales, des dépendances et des suicides chez les garçons.

Il attribue 53 fusillades survenues dans des pays développés à des garçons ou hommes à qui il manquait une figure paternelle au sein de leur famille. Il mentionne en particulier six tueries aux États‑Unis dans le courant du 21e siècle.

« Les six fusillades qui ont tué plus de dix personnes dans des écoles ont été commises par des garçons. Les six ont été perpétrées par des garçons qui ont été privés de leur père, de celle de Sandy Hook à la fusillade du Texas », explique M. Farrell lors d’une interview pour American Thought Leaders d’EpochTV.

M. Farrell fait référence à la fusillade survenue en 2012 dans l’école primaire Sandy Hook de Newtown, dans le Connecticut, et à celle du 24 mai 2022 dans l’école primaire Robb d’Uvalde, au Texas.

Selon lui, les filles grandissent dans le même environnement que les garçons, ont accès aux mêmes médias, aux mêmes jeux vidéo, aux mêmes armes, elles sont confrontées aux mêmes problèmes de santé mentale, mais elles ne sont jamais impliquées dans des fusillades.

M. Farrell s’est donné pour mission de sensibiliser les parlementaires sur l’importance de la figure paternelle dans la vie d’un enfant, en particulier les jeunes garçons. Grâce à ses efforts, la Floride et le Kentucky ont promulgué des lois qui reconnaissent le rôle crucial du père, notamment en cas de divorce.

Selon le Bureau du recensement des États‑Unis, la deuxième configuration familiale la plus répandue aux États‑Unis est celle de la mère célibataire qui vit avec un ou plusieurs enfants. Ce type de foyers monoparentaux a doublé en cinquante ans.

En 2020, 21% des enfants, soit environ 15,3 millions, vivaient uniquement avec leur mère, contre 11%, soit 7,6 millions, en 1968.

Le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, lors d’une conférence de presse au Cox Science Center & Aquarium à West Palm Beach le 8 juin 2022. (Joe Raedle/Getty Images)

Les autorités prennent des mesures

L’assemblée législative de Floride a récemment adopté la loi HB 7065, qui alloue 70 millions de dollars pour soutenir les familles et les jeunes par l’intermédiaire du Department of Juvenile Justice (DJJ) et du Department of Children and Families (DEF).

« Il y a plus de 18 millions d’enfants dans notre pays qui vivent sans père à la maison », a déclaré le gouverneur Ron DeSantis au moment signé le projet de loi le 22 avril. « Cela a un impact important sur les enfants et les mène souvent à abandonner l’école, à se tourner vers la criminalité et la toxicomanie. Il est incroyable de constater que certains minimisent l’importance de la paternité et du noyau familial – nous ne laisserons pas cela se produire dans notre État. Je suis fier de vous dire que nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour soutenir une paternité responsable en Floride. »

En 2018, le gouverneur du Kentucky, Matt Bevin, a signé un projet de loi selon lequel les deux parents partagent automatiquement la garde égale des enfants en cas de divorce, tout en laissant aux juges la possibilité de limiter la garde partagée si un des parents est inapte.

Les mesures de la Floride et du Kentucky sont une avancée, estime M. Farell, mais dans l’ensemble, la question de l’absence de père est largement éludée.

M. Farrell mentionne les travaux du psychologue Richard Warshak. Selon ce dernier, les enfants qui côtoient leurs deux parents après un divorce affichent ensuite de meilleurs résultats tout au long de leur vie. La présence du père est plus importante que les variables économiques.

L’étude de M. Warshak révèle que 100% des universitaires s’accordent pour dire que les enfants élevés sans père ont le plus de difficultés.

Un père lit une histoire à sa fille. (Monkey Business Images/Shutterstock)

M. Farrell a siégé au conseil d’administration de la fameuse National Organization for Woman (NOW) à New York. À ce titre, il s’est exprimé partout dans le monde sur les questions relatives aux femmes et a globalement tendance à être d’accord avec l’approche démocrate sur ces questions.

En 2020, lors des élections présidentielles, il s’est rendu dans l’Iowa pour dialoguer avec les candidats démocrates sur ce sujet. John Hickenlooper et Andrew Yang rejoignaient totalement son opinion quant au fléau que constitue l’absence des pères durant la croissance des enfants.

« Quand les directeurs de campagne ont commencé à voir que leurs candidats étaient d’accord avec moi, ils sont venus me voir tous les deux et ils m’ont dit : ‘Warren, nous ne pouvons pas permettre à nos candidats de parler de l’importance pour les garçons d’avoir leur père [près d’eux] et de bénéficier d’une grande implication des pères, parce que nous avons peur de nous mettre à dos notre électorat féministe.’ »

Cette situation n’a pas surpris M. Farrell. Après avoir occupé un poste à responsabilité dans la plus grande organisation féministe du pays, il était habitué à ce que ce type de réalité soit mise à l’écart et que les pères restent marginalisés. Selon lui, les organisations féministes ne font pas passer les intérêts des enfants en premier, mais bien davantage ceux de la mère.

L’après‑divorce

Mais il insiste : les enfants se portent mieux après un divorce lorsqu’ils passent autant de temps avec leur maman et leur papa. C’est d’autant plu vrai lorsque la communication et la contribution des deux parents sont équilibrées. Chaque parent apporte ses points forts à l’éducation de l’enfant : les mères ont tendance à fixer des limites et à féliciter leurs enfants, tandis que les pères font respecter les limites tout en permettant aux enfants de prendre des risques.

« En faisant respecter les limites, le père inculque à l’enfant la discipline nécessaire à la gratification. L’enfant apprend à faire attention aux détails. Les enfants élevés principalement par des pères sont beaucoup moins susceptibles de souffrir de TDAH parce qu’ils sont obligés de se concentrer sur ce qu’ils sont en train de faire. »

Un garçon joue avec ses dinosaures miniatures aux côtés de son père. (fizkes/Shutterstock)

Les garçons à l’origine de ces fusillades dans les écoles souffraient de ne pas avoir de modèle masculin fort et attentionné. Par ailleurs, on dit souvent aux garçons que leurs sentiments ne comptent pas, ce qui est toxique pour leurs émotions.

« Très souvent, les garçons qui n’ont pas de père ne bénéficient pas de cette gratification différée qui découle du respect des limites. Par conséquent, petit à petit, ils réussissent moins bien à l’école. »

Selon des lycéens avec lesquels il a discuté, l’école aborde les questions hommes‑femmes en insistant sur le fait que la virilité est toxique. Les jeunes ne sont pas mis au fait que les hommes sont allés vers le compromis durant tout le vingtième siècle, ce qui leur a valu d’être accusés de tous les maux. Ils ignorent tout du concept de patriarcat.

L’idéologie féministe moderne nuit aux garçons

Les garçons traversent donc une crise identitaire à force d’entendre que la virilité n’a rien de bon.

« Le monde n’était pas dominé par le patriarcat. Il était dominé par la nécessité de survivre, et pour survivre, les hommes et les femmes devaient se limiter à leurs rôles. Le féminisme rend les hommes responsables des problèmes de société et ne tient pas compte des sacrifices qu’ils font pour leur famille. »

« Nous donnons constamment aux garçons une image négative d’eux‑mêmes, ce qui les conduit à avoir une mauvaise estime de soi et à chercher des compensations. »

Manifestation « March4Women » lors de la Journée internationale de la femme à Londres, le 8 mars 2020. (Tolga Akmen/AFP via Getty Images)

M. Farell a toujours essayer d’apporter une contribution positive à la société. Il admet désormais s’être trompé en siégeant pendant trois ans au conseil d’administration de NOW, cette grande machine de propagande visant à répandre des idées féministes nuisibles pour les garçons, et indirectement nuisibles pour les filles également.

M. Farrell a commencé à œuvrer pour l’égalité des droits des femmes parce qu’il croyait au credo : « Je suis une femme, je suis forte. » Aujourd’hui, il avoue ne plus soutenir le féminisme. Selon lui, le mouvement féministe signifie : « Je suis une femme, j’ai été lésée. »

Les idées répandues actuellement nuisent aux garçons, poursuit‑il, et il faut que cela change. Il s’agit autant du bien des garçons que des filles, les deux doivent pouvoir bénéficier de la participation totale du père dans leur vie.

Conseils pour les mères célibataires

M. Farrell conseille à toutes les mères célibataires de maintenir le contact avec le père biologique et de lui faire savoir qu’il est indispensable et peut apporter une contribution positive.

« Si une mère dit au père : ‘Je vois maintenant le bon côté de nos disputes, de tes réflexions, tu permets à notre fils ou à notre fille de prendre des risques et d’essayer de se dépasser quitte à se perdre et à apprendre de son échec’, alors le père dira : ‘D’accord, si je suis reconnu, alors maintenant, je serais là. »

Si le père biologique n’est pas en mesure de s’impliquer, il faut inscrire les garçons dans des groupes ou des sports d’équipe, où d’autres exemples de virilité peuvent contribuer à former leur caractère.

Il conseille aux parents d’établir un lien avec leurs enfants, de faire attention à ce qu’ils disent au lieu d’essayer de résoudre coûte que coûte leurs problèmes. Il est aussi important d’organiser des dîners loin de tout média ou élément perturbateur pour les écouter et approfondir leurs relations.

« Les parents empathiques qui se contentent d’être attentionnés créent des enfants égocentriques, ces enfants croient que tous leurs besoins doivent systématiquement être pris en compte. Il faut donc faire preuve d’empathie tout en exigeant des enfants qu’ils écoutent le point de vue des parents. »

Fort de son expérience de conseiller conjugal, M. Farrell estime que l’écoute ne doit pas se limiter aux enfants, elle doit s’étendre au conjoint ou à l’ex‑conjoint. À ce niveau‑là aussi, il est important de favoriser une communication respectueuse et saine.

Les parents doivent se faire confiance mutuellement, les deux veulent le bien de l’enfant.

Les adultes doivent « apprendre à écouter ceux qu’ils ne sont pas initialement enclins à consulter. Ils doivent apprendre à être critiqués par ceux qu’ils aiment sans être sur la défensive ».

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