AFRIQUE

Le Nigeria en crise est une zone de non-droit et pourrait devenir le prochain Afghanistan, selon un gouverneur

septembre 22, 2022 2:42, Last Updated: septembre 22, 2022 2:42
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Dans une interview accordée à Epoch Times, Samuel Ortom, gouverneur de l’État de Benue au Nigeria, estime que si l’État de droit n’est pas bientôt rétabli au Nigeria, la nation plongera dans une guerre civile générale à l’instar de l’Afghanistan.

« À partir de ce qui s’est passé en Afghanistan, nous voyons qu’un jour, le président (du Nigeria) s’enfuira de cette villa [présidentielle] et la remettra aux terroristes », explique M. Ortom, faisant allusion au départ du président afghan Ashraf Ghani en août 2021, alors que l’armée talibane se rapprochait de Kaboul.

« Les propres gardes du président (du Nigeria) ont récemment été attaqués et tués. »

Comme l’a publié Epoch Times, au cours des 18 derniers mois, les terroristes au Nigeria ont fait dérailler des trains de voyageurs, enlevé des groupes entiers d’étudiants dans des collèges et pénétré dans des prisons de haute sécurité pour libérer en toute impunité leurs complices, face à une réponse limitée du gouvernement.

M. Ortom estime qu’il est urgent d’organiser un sommet sur la sécurité nationale auquel participeraient les 36 gouverneurs du Nigeria.

« Mais le gouvernement a peur de s’exposer publiquement », explique le gouverneur au franc-parler.

Douglas Burton (à g.), contributeur d’Epoch Times, avec Samuel Ortom le 5 septembre 2022, à Washington. (Avec l’aimable autorisation de Jumah Ibeagbazi)

« Si dans les cinq prochaines années rien ne se passe pour changer la situation, il n’y aura plus de Nigeria », prédit M. Ortom. « Personne ne respectera plus aucune loi dans le pays, ce sera l’anarchie partout, et ce sera terrible. »

De nombreux experts, dont l’ancien ambassadeur des États-Unis au Nigeria John Campbell, ont estimé que le Nigeria était un État en faillite.

La crise anarchique due aux insurrections djihadistes et aux enlèvements endémiques contre rançon a submergé la police nigériane en sous-effectif, poursuit M. Ortom.

« Où trouve-t-on une nation de 200 millions d’habitants et qui n’a que 500.000 policiers ? »

Alors que le Nigeria, riche en pétrole, est le pays le plus riche et le plus peuplé d’Afrique, c’est aussi le pays le plus dangereux au monde pour les chrétiens, selon Open Doors, une organisation dédiée à la défense des chrétiens persécutés.

Les lois sur le contrôle des armes à feu promulguées par le gouvernement fédéral, interdisent la possession d’armes à feu pour les particuliers. Cependant, les peuples éleveurs du Nigeria portent des fusils d’assaut en toute impunité, et en réponse, M. Ortom a dû réclamer une exemption gouvernementale pour ses gardes bénévoles.

« J’ai signalé au gouvernement fédéral l’invasion de terroristes dans mon État et j’ai demandé des licences pour que nos gardes bénévoles communautaires puissent porter des fusils AK-47. Je n’ai toujours pas eu de réponse de leur part après des mois d’attente. »

M. Ortom est un fervent chrétien pentecôtiste à la tête d’un État majoritairement chrétien. Mais il se heurte à l’administration du président Muhammad Buhari, musulman et chef de tribu Fulani. La tribu est puissante et revendique jusqu’à 20 millions de membres au Nigeria.

En 2017, M. Ortom a initié une loi sur l’interdiction des pâturages ouverts à Benue, ce qui a rendu furieux les Fulanis, éleveurs de bétail. Pas moins de 20 gouverneurs d’État soutiennent actuellement des lois similaires, précise-t-il.

L’État de Benue a formé 500 volontaires pour défendre les communautés rurales contre les attaques terroristes perpétrées par des auteurs que les porte-parole de la police appellent « terroristes », « bandits » ou « tireurs inconnus ».

Les bénévoles de Benue sont équipés de véhicules, d’uniformes et « d’armes légalement approuvées », bien que les armes qu’ils achètent pour les utiliser soient des « fusils à pompe », selon M. Ortom. Il dit qu’il préférerait les équiper de fusils d’assaut équivalents à ceux utilisés par les attaquants terroristes.

Le 6 septembre, la Commission américaine pour la liberté religieuse internationale (USCIRF) a formulé des recommandations pour enrayer la spirale du chaos au Nigeria.

La mauvaise gouvernance et un ensemble complexe de « facteurs de violence » sont à l’origine des pertes en vies humaines, selon l’USCIRF. La comission a recommandé à Washington de rétablir la désignation du Nigeria comme « pays particulièrement préoccupant », ou CPC (en anglais « Country of Particular Concern ») du fait des flagrantes violations de la liberté religieuse.

L’USCIRF a également réclamé « un bref exposé du département d’État américain sur les stratégies prévues concernant le Nigeria pour promouvoir la liberté religieuse et rendre compte de l’efficacité de ces efforts ».

Une version actualisée du rapport de l’USCIRF préconise la nomination d’un envoyé spécial qui pourrait mobiliser les administrations américaines pour faire au Nigeria ce que d’autres envoyés ont fait pour d’autres régions à conflits en Afrique.

Ces recommandations sont cependant insuffisante, selon l’ancien secrétaire d’État adjoint Robert Destro.

« L’USCIRF fait des recommandations à un niveau stratosphérique, mais vous ne saurez jamais où va l’argent de l’aide américaine ni à quoi il est utilisé », a-t-il déclaré à Epoch Times.

Au moins 2,1 milliards de dollars ont été réservés pour être dépensés par les administrations américaines en 2021, a-t-il précisé.

« Mais le département d’État déverse de l’argent sur un problème, mais ne descend pas au niveau de la population pour voir comment il est dépensé, et quelles sont les organisations à but non lucratif qui sont sur le terrain. »

« Les programmes de consolidation de la paix dans des zones de conflit qui ne peuvent pas être contrôlés par des employés du gouvernement américain parce que la localité est trop dangereuse doivent être réévalués. »

L’International Committee on Nigeria (ICON) a salué le recours à un envoyé spécial.

« Nous pensons qu’un envoyé spécial, travaillant directement avec les différentes administrations du gouvernement américain aux côtés du gouvernement nigérian, améliorerait la véracité des rapports sur les violations des droits de l’homme, la violence ethno-religieuse, l’insécurité, la corruption et l’inflation », a déclaré Kyle Abts, directeur exécutif de l’ICON.

« De plus, la recommandation de préparer de l’aide est la bienvenue dans la mesure où cela encourage les activités de la société civile qui favorisent la liberté religieuse et l’accès à la justice pour les victimes. »

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