Le RN veut « ouvrir le débat » sur les maisons closes
Des maisons closes gérées sous forme de « coopératives », afin de « lutter contre la prostitution de rue et sur internet » : le Rassemblement national (RN) souhaite « ouvrir un débat » sur ce sujet sensible, à travers une proposition de loi encore non déposée mais déjà largement commentée.

Jean-Philippe Tanguy, député du groupe RN, s’adresse à la presse après la séance nocturne du 4 décembre 2025.
Photo: Bastien Ohier / Hans Lucas / AFP via Getty Images
En plein examen budgétaire à l’Assemblée nationale, l’initiative du député Jean-Philippe Tanguy, révélée lundi par Le Monde, a pu sembler incongrue. « Ce n’est pas la réouverture des maisons closes telle qu’on l’imagine », a tenté de désamorcer son collègue Sébastien Chenu, mardi, devant des journalistes.
« Ce n’est pas non plus un sujet d’urgence, évidemment », a reconnu le vice-président du RN, expliquant que l’idée lui était « apparue au détour d’une conversation » lors de travaux parlementaires.
Des coopératives pour encadrer la prostitution
Le texte, s’il devait voir le jour, « permettrait aux prostituées de se mettre dans une sorte de coopérative où elles géreraient elles-mêmes un endroit qu’elles définiraient, et qui leur donnerait également des droits sociaux qu’elles n’ont pas aujourd’hui, notamment pour la retraite », a précisé M. Chenu.
Le député du Nord, qui avait participé avant la dissolution de 2024 au groupe d’étude sur la prostitution, présidé par sa collègue des Pyrénées-Orientales Anaïs Sabatini, estime que la loi de 2016 « sur la pénalisation des clients n’a rien résolu ». Selon lui, « on est aujourd’hui face à de nouvelles structures de prostitution qui n’existaient pas à l’époque » et à « des violences extrêmement importantes faites aux prostituées, quel que soit leur sexe ».
« On s’est dit : ‘on va abolir la prostitution en pénalisant les clients’, ça n’a pas marché. Les prostituées sont obligées d’exercer leur métier dans des endroits toujours plus cachés, obscurs, dangereux », a expliqué M. Tanguy sur BFMTV lundi soir, voyant dans sa proposition « la moins pire des solutions ».
Un débat relancé au sein du parti
« Dans une société mature, il faut savoir être courageux et traiter ce problème de face, en particulier lutter contre les violences, contre les trafics, contre la prostitution de rue, contre la prostitution sur internet, qui exposent et fragilisent encore plus les professionnels de ce secteur », a insisté M. Chenu. Il dit soutenir « à titre personnel » la proposition de son collègue, qui « ouvre un débat » sans prétendre « solutionner » l’ensemble du problème.
Plusieurs figures du RN ont emboîté le pas. L’eurodéputé Mathieu Valet a défendu sur franceinfo « une solution pour ces femmes qui sont dans la clandestinité », tandis que le député Matthias Renault a plaidé pour « offrir aux prostituées un cadre sanitaire et sécuritaire renforcé (…), sans tomber dans l’apologie de l’activité ».
Un tollé à gauche et chez les associations
À gauche, les réactions sont virulentes. Le Parti communiste a dénoncé une « vision réactionnaire qui réduit les femmes à des corps à vendre » et rejeté le principe même des maisons closes qui « ne protègent pas, mais servent clients et proxénètes ». Le député socialiste Jérôme Guedj a pointé sur Sud Radio « une forme de populisme sexuel » visant à « flatter quelques bas instincts » et « caresser la nostalgie que certains auraient » d’un système qui « reste un système de domination sur les femmes ».
Les associations de terrain se montrent tout aussi critiques. Le Mouvement du Nid fustige une approche « aberrante » et « déconnectée de ce que vivent les personnes ». Sa porte-parole, Lenaïg Lefouillé, souligne que « les maisons closes ne protègent pas les femmes, mais les clients ». Même le Syndicat du travail sexuel (Strass), pourtant favorable à une « dépénalisation » de la prostitution, refuse de « travailler avec le RN ». Son porte-parole, Thierry Schaffauser, estime que le parti d’extrême droite « se dédiabolise sur notre dos ».
Enfin, la secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon, a jugé que « la prostitution, ce n’est ni du travail, ni du sexe », voyant dans ce projet du RN « une illustration révélatrice de leur image de la femme dans la société ».

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