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Les universités occidentales partagent librement leurs recherches en IA avec des laboratoires chinois : une étude

Le rapport conclut que ces collaborations ont facilité des violations des droits de l’homme et la surveillance de masse de civils en Chine.

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La guerre de l’information menée par Pékin contre les États-Unis gagne en sophistication avec l’aide de l’intelligence artificielle.

Photo: Getty Images

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Durée de lecture: 10 Min.

Les universités américaines collaborent « de manière intensive » avec des laboratoires chinois sur la recherche en intelligence artificielle, ce qui a également facilité le transfert de technologies sensibles des États-Unis, la surveillance de masse de civils chinois et des violations des droits de l’homme en Chine, y compris ce que le gouvernement américain a qualifié de génocide des Ouïghours dans la région du Xinjiang, selon une étude publiée par le cabinet d’analyse Strategy Risks en partenariat avec la Human Rights Foundation.

Le rapport, rendu public le 8 décembre, se concentre sur des études de cas portant sur deux laboratoires chinois adossés à l’État, qui ont co‑signé, depuis 2020, près de 3.000 articles avec des chercheurs étrangers, dont ceux de grandes universités américaines d’élite bénéficiant de financements publics.

Il cite notamment plusieurs universités de premier plan, dont le Massachusetts Institute of Technology, l’université Stanford, l’université Harvard, l’université Princeton, l’université d’Oxford et University College London, tout en précisant que plus de vingt autres établissements bénéficient eux aussi de financements d’institutions publiques, ainsi que de groupes privés comme Amazon. Les organisations mentionnées n’avaient pas répondu aux sollicitations d’Epoch Times au moment de la publication.

« Ce rapport montre que les universités occidentales et les bailleurs de fonds publics sont étroitement liés aux laboratoires d’IA chinois prioritaires pour l’État, au travers de collaborations ouvertes mais peu contrôlées », indique le document.

« Les connaissances circulent sans entrave par‑delà les frontières, même lorsque les institutions qui les reçoivent sont indissociables d’un État autoritaire. »

Laboratoires adossés au PCC

Les deux laboratoires étudiés sont Zhejiang Lab et le Shanghai Artificial Intelligence Research Institute (SAIRI), deux institutions « généreusement dotées, placées sous la supervision du Parti » et intégrées au système de surveillance d’État du régime.

Zhejiang Lab a été fondé en 2017 par le gouvernement provincial du Zhejiang, l’université publique du Zhejiang et Alibaba. Il a reçu 1,25 milliard de dollars de financement du gouvernement provincial entre 2021 et 2023, selon le rapport. Il est également partenaire de plusieurs institutions publiques, comme le conglomérat China Electronics Technology Group Corp., sanctionné par les États‑Unis pour avoir construit la plateforme intégrée d’opérations conjointes, pilier du système de crédit social du régime chinois.

SAIRI a été créé par l’université publique Shanghai Jiao Tong en 2018 et est dirigé depuis 2020 par Lu Jun, un scientifique de haut rang issu de la China Electronics Technology Group Corp., déjà sanctionnée. SAIRI mène des recherches en vision par ordinateur, suivi de cibles, imagerie appliquée et autres technologies permettant de surveiller des groupes. Parmi ses partenaires figurent Huawei et le Troisième Institut de recherche du ministère chinois de la Sécurité publique, responsable de la surveillance technique et de l’expertise numérique, selon le rapport.

En 2023, SAIRI a contribué au développement du premier système d’entraînement au tir assisté par IA et, en 2024, il a signé des contrats avec deux entreprises – iFlytek et SenseTime – qui conçoivent des plateformes de reconnaissance faciale et de « police intelligente ». Les deux sociétés ont été sanctionnées pour leur contribution au génocide des Ouïghours perpétré par le Parti communiste chinois (PCC) dans la région du Xinjiang.

Universités occidentales et argent du contribuable

D’après le rapport, les deux laboratoires ont publié 11.000 articles entre 2020 et août 2025, dont environ 3.000 avec des co‑auteurs étrangers.

« Zhejiang Lab et SAIRI s’inscrivent dans un système plus large de laboratoires publics d’IA fortement financés, politiquement pilotés et liés aux organes de défense et de sécurité », souligne le rapport. « Leur taille et leur rayonnement international montrent que les collaborations problématiques ne sont pas des cas isolés, mais des caractéristiques structurelles de l’architecture de recherche en IA de la Chine. »

Un article de 2022, co‑signé avec des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology et financé par un programme de subventions de la Defense Advanced Research Projects Agency du Pentagone, portait sur des techniques avancées de déphasage optique, que le rapport décrit comme utilisées dans les systèmes d’imagerie et de détection pour la reconnaissance militaire, la surveillance satellitaire et le contrôle biométrique.

Un article de 2024, co‑rédigé avec des chercheurs de l’université Carnegie Mellon et financé par la National Science Foundation et l’Office of Naval Research américains, étudiait le suivi multi‑objets, que les analystes présentent comme un « levier fondamental de la surveillance automatisée ». L’université n’avait pas répondu aux demandes de commentaires d’Epoch Times au moment de la publication.

Un article de 2021, co‑signé avec des chercheurs de l’université Harvard, portait sur des techniques avancées d’optique et de vision par ordinateur.

« Les collaborations de Zhejiang Lab avec ces universités montrent comment le savoir‑faire technique occidental est intégré dans des filières de recherche alignées sur les priorités de sécurité et de surveillance de la Chine », observe le rapport, en rappelant les liens étroits du laboratoire avec une organisation clé mise en cause dans le génocide des Ouïghours.

« Le risque découle de l’intégration structurelle avec des acteurs de la défense nationale accusés de violations des droits de l’homme, et non du cadrage scientifique de ces projets en tant que tels. »

En 2021, SAIRI a collaboré avec plusieurs institutions occidentales sur QDTrack, un système qui analyse et peut suivre des personnes ou des objets à travers des séquences vidéo, un procédé que le rapport considère comme une fonction centrale des technologies de surveillance de masse. En 2023, il s’est associé à plusieurs universités américaines pour développer AlphaTracker, un outil d’analyse du comportement animal qui intègre également des fonctions d’identification et de suivi d’objets.

Ces institutions occidentales bénéficient souvent de financements publics, comme le mentionnent les articles. Les laboratoires chinois ne figurent pas eux‑mêmes comme bénéficiaires de ces subventions mais profitent des partenariats avec les institutions occidentales, ce qui leur permet de contourner les procédures de diligence raisonnable, relève le rapport.

« L’image qui se dessine est celle d’un système dans lequel les ressources publiques occidentales se trouvent régulièrement impliquées dans des collaborations de recherche avec des laboratoires intégrés à l’appareil de sécurité chinois », indique le document.

Le rapport se concentre sur des institutions chinoises qui affichent des liens explicites avec le régime ou l’armée, mais les chercheurs avertissent que même les institutions qui ne sont pas ouvertement adossées au régime sont tenues, en vertu de plusieurs lois chinoises sur la sécurité nationale, de partager des informations avec les autorités.

Un fossé éthique

Les analystes relèvent que seule une minorité de centres de recherche en éthique de l’IA ont condamné les violations des droits de l’homme commises par le régime chinois : l’Ada Lovelace Institute, basé au Royaume‑Uni, en juin 2022, le Stanford Institute for Human-Centered Artificial Intelligence en août 2023, et l’AI Now Institute en 2019.

« Les instituts occidentaux d’éthique de l’IA ont, dans leur grande majorité, évité de se confronter à l’usage répressif que fait la Chine de l’intelligence artificielle », note le rapport. « Ce silence ne découle pas d’un manque d’information, mais d’une faille en matière de gouvernance et de responsabilité. »

Les auteurs du rapport mettent en garde : la poursuite de ce silence pourrait contribuer à « banaliser » les partenariats avec des institutions chinoises adossées à l’État et à renforcer la complicité dans la consolidation de l’appareil de surveillance du régime. Ils appellent les instituts d’éthique – des organisations créées pour « interroger les risques liés aux technologies de pointe » – à publier des lignes directrices sur les risques pour les droits de l’homme liés aux partenariats avec des laboratoires chinois.

Les auteurs recommandent aussi de repenser la diligence raisonnable en y intégrant explicitement la dimension des droits de l’homme, de rendre obligatoires la transparence des partenariats de recherche, la mise en place de garde‑fous pour la collaboration avec des institutions liées à la surveillance, et l’exercice d’un véritable leadership éthique dans ce domaine. Ils invitent également les gouvernements à revoir leurs politiques afin de combler les lacunes en matière de sécurité nationale mises en lumière par ces collaborations.

« À moins que les gouvernements, les universités et les instances éthiques n’adoptent de telles mesures, les collaborations avec les laboratoires chinois prioritaires pour l’État se poursuivront dans le cadre des règles actuelles », prévient le rapport.