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Quand les traditions s’effacent, des Amérindiens dansent contre l’oubli

avril 14, 2019 7:20, Last Updated: avril 2, 2021 13:07
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Cinquante-six ans que l’Amérindien Louis Mofsie danse avec sa troupe, pour faire connaître le patrimoine d’un peuple mais aussi pour préserver de l’oubli des gestes que les tribus d’origine ont parfois déjà perdu. Né à Brooklyn il y a 82 ans, le fondateur et directeur des Thunderbird American Indian Dancers depuis 1963 est un New-Yorkais pur jus qui n’a connu les réserves indiennes que lors de voyages.

Fils d’un Hopi (Arizona) et d’une Winnebago (Nebraska), il s’est passionné très jeune pour la culture amérindienne, allant rapidement chercher au-delà des tribus de ses ancêtres. « Nous sommes allés dans plusieurs réserves et nous avons dansé avec les gens, appris les chants et les danses », se souvient Louis Mofsie, qui a aussi appris de l’importante communauté Mohawk qui résidait à Brooklyn.

L’objectif initial, dit-il à l’AFP, était « d’amener ces différents styles de danse à New York pour que les gens aient l’occasion de les voir sans avoir à se déplacer ». Il s’agissait uniquement de danses de fête car les danses rituelles ou sacrées ne peuvent être traditionnellement pratiquées que par les membres de la tribu, à huis clos, et sur le territoire de la réserve.

Même en évitant soigneusement ces écueils, Louis Mofsie « a eu des problèmes » les premières années « parce qu’il a voulu partager la culture indienne avec un large public et certaines personnes de sa communauté s’y opposaient », raconte Crystal Field, directrice artistique du Theater for the New City, où le Thunderbird se produit tous les ans.

Parfois inter-tribales, souvent présentées lors de pow-wows  grands rassemblements communautaires, ces danses célèbrent entre autres la nature, principalement la faune, telle la danse du rouge-gorge (Robin dance), qui fête l’arrivée du printemps. Le pas est souvent souple, voire aérien, comme une suite de rebonds qui alternent talons et pointes, au rythme soutenu par percussions et chants.

Même s’il ne s’agit pas de danse de couple, bien que femmes et hommes les pratiquent, l’enchaînement rappelle le swing, voire le rock traditionnel, qui présente la même fluidité. Louis se souvient aussi de sa rencontre avec la célèbre chorégraphe américaine Martha Graham et son homologue d’origine mexicaine José Limon. « Beaucoup de leurs danses ont été influencées par les Amérindiens », explique-t-il.

Lors de la série de représentations du Thunderbird au Theater for the New City, un établissement du quartier d’East Village à Manhattan, Louis Mofsie prend soin de contextualiser les danses qui, si elles ne sont pas sacrées, ont du sens. « C’est important d’expliquer ce qu’elles veulent dire », insiste l’octogénaire, à la tête d’une troupe de vingt membres actifs. « Parce que tout ce que les gens ont vu à la télévision ou au cinéma, c’est une bande de types en train de faire des bonds. »

D’autant qu’aux danses anciennes sont venues s’ajouter des chorégraphies qui évoquent l’histoire du peuple amérindien et ses luttes, face aux diktats des hommes blancs. L’une d’entre elle fait ainsi référence à la politique d’assimilation forcée menée des années 1870 aux années 1960 par le gouvernement fédéral, qui a envoyé des milliers d’enfants amérindiens dans des pensionnats situés hors des réserves.

Louis Mofsie se réjouit de voir « de plus en plus de gens qui s’intéressent sérieusement à la culture amérindienne », comme en témoigne la série de spectacles qui a fait le plein. Il s’inquiète davantage aujourd’hui de la préservation de ce patrimoine culturel, qu’il sait fragile. « Je pense que certaines de ces danses ne sont plus dansées » dans leur tribu d’origine, dit-il.

Louis aimerait qu’elles soient cataloguées et documentées en vidéo, pour les générations à venir. Il collabore avec l’American Indian Community House (AICH), organisation inter-tribale basée à New York, qui possède un fonds important de documents. Mais personne à ce jour n’a cherché à inventorier les danses de manière exhaustive, y compris en images, que ce soit l’AICH ou le musée national des Amérindiens (NMAI), établissement public de référence.

Spécialiste du patrimoine amérindien à l’université de Washington State, Lotus Norton-Wisla, qui aide de nombreuses organisations de la communauté dans leur travail d’archivage, dit n’avoir jamais entendu parler d’un tel projet. Louis pense à la troupe, qui prend de l’âge, même si quelques jeunes l’ont rejoint. « Avec les influences qu’ont les jeunes aujourd’hui, la télé, les iPods et tout le reste, c’est très dur de faire tourner » le collectif.

D.C avec AFP

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