Rencontre avec Violaine Cochard

25 mai 2016 17:00 Mis à jour: 25 mai 2016 17:00

Claveciniste et chef de chant, Violaine Cochard partage son temps entre concerts, enregistrements et master-class à Prague. Elle était à Jazz sous les Pommiers le 7 mai avec Édouard Ferlet pour leur dernier album Bach plucked unplucked, en concert à la Philarmonie de Paris les 18 mai, en Allemagne les 20 et 21. Elle s’envolera pour une tournée aux États-Unis du 25 mai au 7 juin.

Primée à de nombreuses reprises, elle a enregistré une vingtaine de disques pour Opus 111, K617, Ambroisie-Naïve, Zig-Zag Territoires, Virgin Classics, et autres consacrés à François Couperin, JS Bach, au jeune Mozart, ou Jacques Duphly. Après sa tournée aux États-Unis, Violaine Cochard se produira au Théâtre des Champs-Élysées le 27 juin prochain.

 Vous avez commencé à jouer du clavecin à l’âge de huit ans. Comment choisit-on un tel instrument à un si jeune âge ?

Ce n’est pas vraiment un choix. Les classes de piano étaient pleines et mon professeur de solfège m’a proposé d’essayer le clavecin. Donc c’est un peu le hasard. Il y a 30 ans, le clavecin n’était pas encore tellement répandu ni enseigné. Presque tous mes collègues de ma génération ont fait d’abord dix ans de piano et ensuite choisi l’instrument pour le répertoire. J’ai appris à l’aimer petit à petit, en l’apprivoisant, en me plongeant dans l’immense répertoire du clavecin qui s’étend sur plusieurs siècles dans toute l’Europe.

Vous découvrez donc toujours de nouvelles partitions ?

Oui, bien-sûr, je n’ai absolument pas fait le tour. Je crois que jusqu’à la fin de ma vie je n’aurai pas tout joué. Et il y a encore un grand travail d’exploration de la musique. Bien des partitions dans les bibliothèques en Europe n’ont pas encore été éditées et l’on redécouvre de nombreuses partitions de musique baroque et d’opéras qu’on remet à l’honneur et c’est formidable. C’est aussi un savoir très précieux, un travail de recherche.

N’avez-vous jamais eu envie de jouer d’un autre instrument ?

Non, pas du tout ! Ce que j’aime particulièrement avec le clavecin c’est que c’est effectivement un instrument de soliste mais aussi d’accompagnement. C’est l’instrument roi de l’époque baroque. C’est à dire qu’il était dans toutes les formations. Que ce soient de petites formations pour accompagner parfois juste un ou deux chanteurs ou alors dans un orchestre, ou encore pour accompagner des chanteurs dans l’Opéra, ou la musique de chambre, il est toujours là, il est présent partout. On peut faire un récital de clavecin, on peut faire un récital juste avec voix, des concertos de chambre, ou un grand opéra avec chœur, solistes et tout l’orchestre. C’est cette variété qui m’attire. Je n’ai pas du tout une âme de soliste. Ce que j’aime dans ce métier, c’est de partager avec d’autres musiciens. Je pense que j’aurais été malheureuse de faire que des récitals.

Effectivement, vous avez fondé un ensemble ?

Oui, j’ai fondé Amarillis en 1994 avec deux amies, deux sœurs. Nous sommes deux codirectrices avec une flûtiste aubois baroque. On a créé l’ensemble il y a 22 ans déjà. Nous avons beaucoup de projets et de belles tournées en France et à l’étranger.

Votre CD Bach plucked unplucked avec le pianiste jazz Édouard Ferlet a connu un grand succès. Comment cette collaboration est-elle née ?

Nous venons d’univers complètement différents. Édouard Ferlet est un vrai pianiste de jazz, il improvise comme il respire. Moi je viens de la musique baroque, beaucoup plus codifiée. Cela m’a intéressée de travailler d’une autre façon. Bach nous a réunis. Édouard a enregistré un album solo autour de Bach avec des recompositions, et moi j’ai enregistré un disque solo d’œuvres de Bach pour clavecin. C’est Arièle Butaux, une productrice de l’émission Un mardi idéal sur France Musique, qui a eu l’idée de nous réunir juste pour une émission. Elle nous a demandé de faire un duo pour l’occasion. Le courant est tout de suite passé humainement mais aussi musicalement. J’avoue que je ne le connaissais pas avant mais je me suis plongée dans son univers et je me suis appropriée sa musique.

On pourrait dire qu’Édouard Ferlet a un côté très classique ?

Oui, absolument. Son jeu est très sensible et il a une qualité merveilleuse que je recherche beaucoup avec mes partenaires de musique de chambre, c’est qu’il est à l’écoute.

Moi, j’improvise en tant que claveciniste. Dans la musique baroque, quand on accompagne, la partition est partiellement écrite. La main gauche est écrite par le compositeur et la main droite n’est pas écrite. Il y a un déchiffrage qui nous indique l’harmonie, mais c’est à nous d’interpréter avec évidemment des codes stylistiques très précis. On improvise mais sur un canevas harmonique précis. Avec Édouard, on n’avait vraiment rien. C’était de l’impro totale. Pour moi c’est nouveau !

Vous collaborez également avec un autre groupe encore plus éloigné de votre univers ?

Oui, avec le Tram des Balkans. C’est aussi un groupe que j’adore et que j’ai rencontré grâce à Arièle Butaux. On a créé le spectacle ToccaTram en 2013. On associe le clavecin, la clarinette, le violon, les percussions, la contrebasse et l’accordéon. Du coup, le clavecin a presque le rôle d’un cymbalum. On produit un mélange de chansons françaises, pop, jazz toujours avec un accent sur la musique de l’Europe de l’Est, la musique klezmer.

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Vous avez eu l’occasion d’enregistrer Bach sur un clavecin historique. Pourriez-vous nous en parler ?

C’était merveilleux ! J’ai eu un coup de foudre pour ce clavecin. C’était un peu le hasard. Je marche beaucoup avec le hasard, je me rends compte… Laurent Soumagnac, un ami restaurateur, m’a fait découvrir cet instrument chez un propriétaire privé. Le propriétaire m’a proposé d’enregistrer avec ce clavecin, après que Laurent l’a restauré. Dès que j’ai joué cet instrument, j’ai pensé à Bach.

Était-ce le même clavecin avec lequel vous avez enregistré François Couperin ?

Non, c’était un autre clavecin… merveilleux aussi ! mais disons semi-historique, aussi restauré par Laurent Soumagnac. Un très beau clavecin français du XVIIe siècle. J’aimerais encore enregistrer Couperin.

Quel est le défi du clavecin pour vous ?

C’est un instrument ingrat. Comme il n’ y a pas de dynamique comme sur le piano, il faut trouver d’autres moyens de le faire chanter. Je m’efforce depuis des années à travailler dans ce sens-là. Il y a aussi un travail de toucher d’articulations pour essayer de le faire sonner au mieux. Il n’ y a pas de pédale, il faut donc trouver d’autres moyens par le toucher, par la vitesse d’attaque, par la longueur des notes, pour varier les couleurs. C’est un défi quotidien !

Y a-t-il un claveciniste auquel vous vouliez ressembler ?

Oui ! J’admire Pierre Hantaï, c’est mon modèle, même si j’ai ma propre personnalité, et c’est important de garder sa propre personnalité. J’ai travaillé avec lui pendant sept ans. Je l’ai rencontré quand j’avais 16 ans, dans un stage de musique baroque. J’ai tout de suite su que je voulais travailler avec lui.

Qu’aimez-vous dans cet instrument ?

J’adore le répertoire ! J’adore Scarlatti, j’adore toute la musique française, je la trouve merveilleuse… Rameau, Couperin, les classiques du XVIIe siècle. Peut-être parce que je suis plongée dans cet univers depuis que j’ai huit ans, j’ai appris à l’aimer, il fait partie de moi.

 

INFOS PRATIQUES

27 juin

Théâtre des Champs Elysées

avec Amarillis, Sonia Yoncheva et Karine Deshayes.

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