Route du Rhum – Francis Joyon et la force de l’âge

12 novembre 2018 11:39 Mis à jour: 12 novembre 2018 11:44

A 62 ans et pour sa 7e participation, Francis Joyon a remporté pour la première fois la prestigieuse Route du Rhum. Marin d’exception au physique impressionnant, Joyon est un sacré bonhomme, passionné et préoccupé par la mer. Ne vous y fiez pas, sous ses allures tranquilles, Joyon est tout simplement un performeur hors pair, un compétiteur redoutable. Voilà des années qu’il vogue sur toutes les mers de la planète, à coups de records.

En 2004, il signait un exploit retentissant en améliorant le record du tour du monde en solo de plus de 50 jours, soit une circumnavigation en 72 jours et 19 heures. Depuis, il n’a eu de cesse de se frotter à tous les records en mer, avec les moyens du bord. « Le premier record du monde qu’il a fait avec nous (en 2004), le bateau avait 22 ans et il a porté le record à 72 jours, ça donne une belle image. Quand on a la passion, l’énergie et l’envie ça peut faire la différence parfois », souligne Patrice Lafargue, patron d’Idec.

Après un dernier coup d’éclat autour du globe en janvier 2017 quand il a enlevé le Trophée Jules Verne en un temps ahurissant de 40 jours et 23 heures (record du tour du monde en équipage), Joyon s’est préparé pour cette Route du Rhum. Il y a 4 ans, il avait fini 6e. Il n’avait encore jamais gagné: une 10e place (1990), deux abandons (1994 et 2002), deux fois 6e (1998 et 2014), une fois 2e (2010).

Cet homme à la carrure impressionnante, avec une petite voix très contrastante, n’a jamais oublié sa toute première fois. « J’ai récupéré une épave, plus que ça, c’était deux coques abandonnées qui faisaient 21 m de long. Et 15 jours avant le départ, les organisateurs ont décidé que les anciens bateaux devaient se conformer aux nouvelles normes alors qu’il y avait une tolérance qui avait été acceptée. J’ai traîné les pieds, je me suis dit que peut-être je pourrais le faire en pirate comme Bruno Peyron et Hervé Laurent, qui avaient le même problème avec de vieux bateaux », se souvient Joyon.

« Mais on m’a fait comprendre que si je partais en pirate, je devrais énormément d’argent. J’ai dû couper à l’arrache sur le départ. Ç’a été des conditions moralement difficiles, j’étais un pestiféré, pour le sponsor aussi. Avoir réussi à surmonter ça, j’étais content », raconte le marin.

« Et là, ça s’est compliqué, on m’a dit: la qualification n’est plus valide, il faut faire une nouvelle qualification. On était quatre jours avant le départ et il y avait mauvais temps non stop. J’ai eu un circuit à faire en Manche, je suis revenu avec toutes les voiles déchirées, le bateau plein d’eau. C’était l’avant-veille de la course mais malgré tout ça, ça reste un super souvenir. Pour un jeune coureur qui débutait dans le métier, c’était une satisfaction d’avoir réussi à tout surmonter, j’avais fini 10e ».

Cette histoire est à l’image de ce personnage. Un homme parfois bourru, qui peine à faire des compromis car il veut rester fidèle à la vision de la voile qu’il a eue gamin et qui lui permet encore aujourd’hui d’être performant. Alors ne lui parlez pas de construire un bateau flambant neuf capable de voler sur l’eau, comme ces Ultime dernière génération, tenus par des jeunes loups.

« Moi je suis très sensible par ce qu’il se passe sur la planète. Construire un bateau neuf c’est aussi avoir une empreinte carbone très lourde. Là l’empreinte carbone n’est pas trop lourde parce qu’on utilise quelque chose d’existant, on le fait vivre et durer, ça correspond bien à ma philosophie quand j’étais jeune et que je recyclais des morceaux de coques et que je retapais des bateaux pour aller courir. Je me sens plus en paix avec moi-même que le fait de faire un bateau neuf de A à Z », dit Joyon.

Le marin sexagénaire n’a pas particulièrement envie de rallier la nouvelle génération à bord de ses bateaux volants. Esprit rebelle et non conformiste, il compte un temps retourner sur les records chers à son cœur.

D.C avec AFP

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