Des sénateurs américains veulent bloquer une vente d’armes à Riyad

5 septembre 2016 12:47 Mis à jour: 5 septembre 2016 03:49

Des membres du Congrès américain veulent bloquer les ventes d’armes à l’Arabie saoudite alors que le royaume mène une campagne aérienne au Yémen qui a causé la mort de milliers de civils.

Depuis que l’Arabie saoudite a lancé sa guerre contre les rebelles houthis en mars dernier, le conflit a fait près de 9000 victimes dont 3218 civils tués, selon des estimations du Haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme.

Ces victimes placent les États-Unis – un fournisseur d’armes important de l’Arabie saoudite – dans une position difficile.

Les ventes d’armes à l’Arabie saoudite ont totalisé 20 milliards de dollars US en 2015, selon un rapport de Human Rights Watch.

Aussi récemment que le 9 août dernier, le département d’État a approuvé la vente possible de 1,15 milliard en munitions, chars et autres équipements militaires à Riyad.

Le sénateur Rand Paul (républicain, Kentucky) et le sénateur Chris Murphy (démocrate, Connecticut) parrainent un projet de loi qui vise à suspendre les transferts de munitions air-sol à l’Arabie saoudite.

« Le projet de loi bipartisan Murphy-Paul fera que le président des États-Unis devra certifier formellement que le gouvernement de l’Arabie saoudite démontre un effort constant pour cibler les terroristes, minimiser les torts aux civils et faciliter l’aide humanitaire avant que le Congrès puisse considérer la vente ou le transfert de munitions air-sol à l’Arabie saoudite », indique un communiqué conjoint.

Le retour de la stabilité au Yémen est vital afin d’apaiser la souffrance et d’empêcher des groupes comme Al-Qaïda et Daesh de profiter davantage du vide politique et sécuritaire ainsi que de l’instabilité.

– John Kerry, secrétaire d’État

Le Congrès revient de son congé et aura maintenant 30 jours pour évaluer et adopter la proposition.

Riyad est le plus important client des États-Unis en matière d’armements, selon le département d’État.

Victimes de guerre

La guerre a un effet dévastateur sur la jeunesse du Yémen.

« Depuis l’escalade du conflit en mars 2015, l’UNICEF a pu vérifier que 1121 enfants ont été tués et 1650 autres ont été blessés », selon Julien Harneis, représentant de l’organisation au Yémen.

Les frappes aériennes de Riyad ont aussi affecté les agences humanitaires sur le terrain. Dans un incident le 15 août dernier, l’hôpital Abs dans la province de Hajjah a été touché, causant la mort de 19 personnes.

Cet hôpital est appuyé par Médecins sans frontières (MSF) et un membre de leur personnel a été tué dans la frappe.

En réponse aux attaques contre cet hôpital et d’autres hôpitaux du pays où œuvre l’organisation, MSF a décidé d’évacuer tout son personnel des hôpitaux dans les provinces de Saada et Hajjah dans le nord du Yémen.

Droits de l’homme

La guerre entre l’Arabie saoudite et les rebelles houthis s’est intensifiée durant la dernière année et certains experts accusent l’armée saoudienne de commettre des crimes de guerre.

Les organisations de défense des droits de l’homme ciblent maintenant la relation de Washington avec cette campagne dirigée par Riyad.

« L’Arabie saoudite a réalisé plusieurs frappes aériennes, selon des rapports fiables, qui ont été arbitraires parce qu’elles ont tué des civils, l’un des principes fondateurs du droit humanitaire international est la distinction, la distinction entre les combattants et les non-combattants », affirme George Andreopoulos, professeur de sciences politiques à la City University of New York.

« En continuant de vendre des armes à un violateur qui a fait très peu pour diminuer ses abus, les États-Unis¸ le Royaume-Uni et la France risquent d’être complices dans la mort illégale de civils », estime Philippe Bolopion, directeur adjoint du plaidoyer au niveau mondial chez Human Rights Watch (HRW).

HRW demande à ces pays de suspendre la vente d’armes à l’Arabie saoudite jusqu’à ce qu’elle réduise sa campagne aérienne au Yémen.

Origines du conflit

La campagne menée par Riyad au Yémen a débuté en mars 2015 et elle vise les rebelles houthis et les forces loyales à l’ex-président Ali Abdullah Saleh, qui a été déposé par un soulèvement en 2011.

Bien que déposé en 2011, une partie de la population et de l’armée lui est encore loyale.

M. Saleh a établi une alliance stratégique avec les houthis pour chasser le gouvernement d’Abd Rabbuh Mansur Hadi, le successeur de M. Saleh appuyé par Riyad.

Les houthis sont une branche de l’islam chiite et représentent une minorité au Yémen.

La coalition menée par Riyad est composée du Bahreïn, de l’Égypte, de la Jordanie, du Koweït, du Maroc, du Qatar, du Soudan et des Émirats arabes unis.

Des manifestations de masse organisées par les houthis en 2014 demandaient la baisse des prix de l’essence et le renvoi du gouvernement Hadi.

Le rebelles houthis, qui sont appuyés par l’Iran, ont pris une grande partie de la capitale Sana’a en septembre 2014.

Des factions de l’armée yéménite loyales à l’ex-président Saleh ont appuyé les houthis et ont contribué à leurs succès sur le champ de bataille.

En janvier 2015, M. Hadi a perdu le pouvoir et a dû fuir en Arabie saoudite pour échapper à l’avancée des rebelles.

M. Hadi, qui est reconnu comme étant le président du Yémen par la majorité de la communauté internationale, est retourné dans son pays en novembre 2015 après huit mois d’exil.

L’Arabie saoudite a lancé une campagne aérienne en 2015 pour repousser les houthis et remettre en poste le président Hadi.

Riyad considère le Yémen comme un important point chaud de son conflit avec Téhéran en ce qui a trait à l’influence et au contrôle de la région.

Un Yémen contrôlé par les houthis voudrait dire la présence d’un pays hostile, soutenu par l’Iran, sur sa frontière sud.

Le rôle des États-Unis

Malgré les protestations de congressistes, les États-Unis ont soutenu la campagne saoudienne contre les houthis.

Les armes fournies à l’Arabie saoudite sont considérées comme une pierre angulaire de la politique étrangère américaine dans la région du Golfe.

« Cette vente potentielle va contribuer à la politique étrangère et à la sécurité nationale des États-Unis en aidant à améliorer la sécurité d’un partenaire stratégique régional qui a contribué et continue de contribuer grandement à la stabilité politique et au progrès économique au Moyen-Orient », affirme le département d’État dans un récent rapport qui évalue les conséquences de la vente d’armes.

Les États-Unis ont plusieurs intérêts importants qui sont affectés par le conflit, notamment sécuriser la frontière entre le Yémen et l’Arabie saoudite et contenir les groupes terroristes Daesh et Al-Qaïda dans la péninsule arabique.

Les deux groupes contrôlent des morceaux de territoire importants au Yémen.

Il y a aussi le passage maritime de Bab al-Mandeb entre le Yémen et la corne de l’Afrique, un goulot d’étranglement qui relie la mer Rouge et le golfe d’Aden où passent chaque jour environ 4,7 millions de barils de pétrole, selon un rapport de 2014.

Tout dérangement à ce flot pourrait avoir des conséquences négatives pour l’économie mondiale.

Washington dit vouloir trouver une solution pacifique au conflit.

« Le retour de la stabilité au Yémen est vital afin d’apaiser la souffrance et d’empêcher des groupes comme Al-Qaïda et Daesh de profiter davantage du vide politique et sécuritaire ainsi que de l’instabilité », a déclaré le secrétaire d’État John Kerry de passage en Arabie saoudite le 25 août dernier.

« Il est essentiel pour le Yémen, pour les pays de la région et pour la communauté internationale en général de s’entendre sur un plan pour mettre fin aux combats afin d’arriver à une paix durable », a-t-il dit.

Version originale : Middle East, US News US Senators Seek to Block Arms Sales to Saudi Arabia Over Civilian Deaths

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