Un sol sain, la véritable clé pour nourrir le monde

Par David R. Montgomery
21 avril 2022 23:37 Mis à jour: 21 avril 2022 23:49

Un des plus grands mythes modernes sur l’agriculture est que l’agriculture biologique est intrinsèquement durable. Elle peut l’être, mais ne l’est pas nécessairement.

Après tout, l’érosion des sols due au labourage sans produits chimiques a sapé l’Empire romain et d’autres sociétés anciennes dans le monde. D’autres mythes agricoles empêchent de reconnaître le potentiel de restauration des sols dégradés pour nourrir le monde en utilisant moins de produits agrochimiques.

Lorsque j’ai entrepris un voyage de six mois pour visiter des exploitations agricoles dans le monde entier afin de faire des recherches pour mon prochain livre, « Growing a Revolution : Bringing Our Soil Back to Life » [Faire pousser une révolution : Ramener notre sol à la vie, ndt.] les agriculteurs innovants que j’ai rencontrés m’ont enseigné comment les pratiques agricoles régénératrices peuvent restaurer les sols agricoles du monde entier. Tant dans les pays développés que dans les pays en développement, ces agriculteurs ont rapidement rétabli la fertilité de leurs sols dégradés, ce qui leur a permis de maintenir des rendements élevés en utilisant beaucoup moins d’engrais et de pesticides.

Leurs expériences, et les résultats que j’ai pu constater dans leurs exploitations du Dakota du Nord et du Sud, de l’Ohio, de la Pennsylvanie, du Ghana et du Costa Rica, prouvent de manière irréfutable que la clé du maintien d’une agriculture hautement productive réside dans la reconstitution de sols sains et fertiles. Ce voyage m’a également conduit à remettre en question trois piliers de la sagesse conventionnelle concernant l’agriculture agrochimique industrialisée d’aujourd’hui : qu’elle nourrit le monde, qu’elle est un moyen plus efficace de produire des aliments et qu’elle sera nécessaire pour nourrir l’avenir.

Mythe 1 : l’agriculture à grande échelle nourrit le monde d’aujourd’hui

Selon un récent rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les exploitations familiales produisent plus des trois‑quarts de la nourriture dans le monde. La FAO estime également que près des trois‑quarts des exploitations agricoles dans le monde sont inférieures à un hectare, ou la taille d’un pâté de maisons typique.

John Hay, résident local de Matakana, vend les produits frais de son étal au marché Matakana Famers à Matakana le 11 octobre 2008 près d’Auckland, en Nouvelle-Zélande. (Photo de Phil Walter/Getty Images)

Aujourd’hui, la majorité des agriculteurs de par le monde travaillent la terre pour se nourrir et nourrir leur famille. Ainsi, alors que l’agriculture industrialisée conventionnelle nourrit le monde développé, la plupart des agriculteurs du monde travaillent dans de petites exploitations familiales. En général, les grandes exportations agricoles sont destinées à des pays développés comptant peu de personnes affamées.

Bien sûr, le monde a besoin d’une agriculture commerciale, à moins que nous voulions tous vivre et travailler dans nos propres fermes. Mais les grandes exploitations industrielles sont‑elles vraiment la meilleure ou la seule voie à suivre ? Cette question nous amène à un deuxième mythe.

Mythe 2 : les grandes exploitations sont plus efficaces

De nombreux processus industriels à fort volume présentent des gains d’efficacité à grande échelle qui réduisent les intrants par unité de production. Plus on fabrique de gadgets, plus on peut les fabriquer de manière efficace. Mais en agriculture, c’est différent. Une étude du National Research Council de 1989 a conclu que « les systèmes agricoles alternatifs bien gérés utilisent presque toujours moins de pesticides chimiques synthétiques, d’engrais et d’antibiotiques par unité de production que les exploitations conventionnelles. »

Et si la mécanisation peut permettre de réaliser des économies de coûts et de main‑d’œuvre dans les grandes exploitations, les grandes exploitations ne produisent pas nécessairement plus de nourriture. Selon un rapport de recensement agricole de 1992, les petites exploitations diversifiées produisent plus de deux fois plus de nourriture par hectare que les grandes exploitations.

La Banque mondiale elle‑même considère que les petites exploitations sont le moyen d’accroître la production agricole dans les pays en développement où la sécurité alimentaire reste un problème urgent. Alors que les grandes exploitations excellent à produire une grande quantité d’une culture particulière – comme le maïs ou le blé – les petites exploitations diversifiées produisent globalement plus de nourriture et plus de types de nourriture par hectare.

Mythe°3 : l’agriculture conventionnelle est nécessaire pour nourrir le monde

Nous avons tous entendu les partisans de l’agriculture conventionnelle prétendre que l’agriculture biologique est une solution pour la famine mondiale parce qu’elle produit des rendements inférieurs. La comparaison de rendements la plus exhaustive à ce jour, une méta‑analyse de 115 études réalisée en 2015, a révélé que la production biologique produisait en moyenne près de 20 % de moins que les cultures conventionnelles, un résultat similaire à celui d’études antérieures.

Mais l’étude est allée plus loin, en comparant les rendements des cultures dans les exploitations conventionnelles à ceux des exploitations biologiques où des cultures de couverture étaient plantées et où les cultures étaient en rotation pour renforcer la santé du sol. Ces techniques ont permis de réduire l’écart de rendement à moins de 10 %.

Les auteurs ont conclu que l’écart réel pourrait être beaucoup plus faible, car ils ont trouvé « des preuves de biais dans le méta‑dataset en faveur des études faisant état de rendements conventionnels plus élevés. » En d’autres termes, le fondement des affirmations selon lesquelles l’agriculture biologique ne peut pas nourrir le monde dépend autant de méthodes agricoles spécifiques que du type d’exploitation.

Un vigneron laboure le vignoble de Pommard le 20 avril 2018, près de Pommard, dans la région de Bourgogne, dans l’est de la France. (PHILIPPE DESMAZES/AFP via Getty Images)

Il faut également tenir compte du fait qu’environ un quart de la nourriture produite dans le monde n’est jamais consommée. Chaque année, le monde jette près d’un milliard de tonnes de nourriture (environ 42 tonnes par seconde). Ainsi, même pris au pied de la lettre, l’écart de rendement souvent cité entre l’agriculture conventionnelle et l’agriculture biologique est inférieur à la quantité de nourriture que nous jetons régulièrement.

Rétablir un sol sain

Les pratiques agricoles conventionnelles qui dégradent la santé des sols compromettent la capacité de l’humanité à continuer de nourrir tout le monde à long terme. Les pratiques régénératrices comme celles utilisées dans les fermes et les ranchs que j’ai visités montrent que nous pouvons facilement améliorer la fertilité des sols, tant dans les grandes exploitations que dans les petites exploitations de subsistance.

Les débats sur l’avenir de l’agriculture ne se résument plus à l’opposition entre conventionnel et biologique. Nous avons trop simplifié la complexité de la terre et sous‑utilisé l’ingéniosité des agriculteurs. Je considère désormais que l’adoption de pratiques agricoles qui renforcent la santé des sols est la clé d’une agriculture stable et résiliente. Et les agriculteurs que j’ai visités avaient déchiffré ce code, adaptant les méthodes de semis direct, les cultures de couverture et les rotations complexes à leurs conditions pédologiques, environnementales et socio‑économiques particulières.

Qu’elles soient biologiques ou qu’elles utilisent encore des engrais et des pesticides, les exploitations que j’ai visitées et qui ont adopté cet ensemble de pratiques transformationnelles ont toutes fait état de récoltes qui égalaient ou dépassaient systématiquement celles des exploitations conventionnelles voisines après une courte période de transition. Un autre message était aussi simple que clair : les agriculteurs qui restauraient leurs sols utilisaient moins d’intrants pour produire des rendements plus élevés, ce qui se traduisait par des bénéfices plus importants.

Les pratiques d’amélioration du sol, comme le semis direct et le compostage, peuvent renforcer la matière organique du sol et améliorer sa fertilité, photo de David Montgomery

Quel que soit le point de vue adopté, nous pouvons être certains que l’agriculture sera bientôt confrontée à une nouvelle révolution. En effet, l’agriculture d’aujourd’hui fonctionne grâce à un pétrole abondant et bon marché, utilisé comme carburant et pour fabriquer des engrais, et notre approvisionnement en pétrole bon marché ne durera pas éternellement. Il y a déjà suffisamment de personnes sur la planète pour que nous disposions à tout moment de moins d’un an de nourriture pour la population mondiale. Ce simple fait a des implications cruciales pour la société.

Alors comment accélérer l’adoption d’une agriculture plus résiliente ? La création de fermes de démonstration serait utile, tout comme la réalisation de recherches à l’international pour évaluer ce qui fonctionne le mieux et adapter des pratiques spécifiques aux principes généraux dans différents contextes.

Nous devons également recadrer nos politiques agricoles et nos subventions. Il est insensé de continuer à encourager les pratiques conventionnelles qui dégradent la fertilité des sols. Nous devons commencer à soutenir et à récompenser les agriculteurs qui adoptent des pratiques régénératrices.

Une fois que nous aurons dépassé les mythes de l’agriculture moderne, les pratiques qui renforcent la santé des sols deviendront la lentille à travers laquelle nous pourrons évaluer les stratégies visant à nous nourrir tous à long terme. Pourquoi suis‑je si convaincu que les pratiques agricoles régénératrices peuvent se révéler à la fois productives et économiques ? Les agriculteurs que j’ai rencontrés m’ont montré qu’elles l’étaient déjà.

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